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couronne de Mile Pauline Garcia; on ne saurait trop encourager les essais persévérans de cette jeune virtuose qu'un avenir glorieux attend.

M. H. Herz a donné son premier concert. L'auditoire, composé des élèves de ce maître, s'est livré au plus grand enthousiasme après l'exécution d'un interminable concerto alla Militare, assaisonné de tout ce que le mécanisme du piano a de plus extravagant. Nous ne contestons certes pas à M. Herz son talent comme pianiste et même comme compositeur; mais ce que nous trouvons d'insupportable chez lui, ce sont d'abord ses concerto, puis sa manière de jouer brutale et tapageuse. On dirait, à le voir lorsqu'il s'assied à son piano, et qu'il relève soigneusement ses manchettes, qu'il va se livrer à un combat acharné avec l'instrument qu'il tient sous ses doigts. Qu'il y a loin de ce talent étourdissant à celui de Chopin, ce pianiste si mélancolique et si doux, dont les mains si légères effleurent le clavier comme feraient les ailes d'un oiseau, et comme nous préférons sa manière sobre et poétique aux tours de force de M. Herz!

A part un morceau de harpe admirablement exécuté par Labarre, et un thème de Donizetti fort bien chanté par le violon d'Artot, la partie vocale a été la plus intéressante du concert de M. Herz. Géraldy, ce chanteur qu'on n'entend pas assez, a dit avec sa belle voix et sa belle expression une admirable cantate de Vogel, et Mme Garcia a enfin, dans la grande scène d'Otello, fait comprendre toute la beauté et l'énergie de son organe. On s'étonne, après avoir entendu cette vocalisation hardie et toujours juste, cette voix forte sans rudesse, qu'un semblable talent reste enfoui dans cette petite masure qu'on appelle l'Opéra-Comique. On dirait que l'administration de ce théâtre se fait un plaisir d'accaparer tous les chanteurs les plus en renom pour en priver l'Académie royale, où ils trouveraient une scène et des auditeurs capables de les faire valoir et de les apprécier; il est impossible que Mme Eugénie Garcia se résigne long-temps à donner la réplique à Mlle Bertaud; il lui faut une autre musique que celle d'Eva, un autre public que celui du Postillon de Longjumeau; Mme E. Garcia, comme tous les grands artistes, doit avoir assez le sentiment de sa propre force pour comprendre que sa place est marquée à côté de Duprez, et que chanter plus long-temps dans cette salle étroite une musique sans valeur et sans portée serait ravaler son talent et renoncer à une réputation à laquelle elle a déjà tant de droits.

THÉATRE DE LA RENAISSANCE. - Le Mari de la Fauvette, vaudeville en un acte de MM. Villeneuve et Veyrat.- Les Pages de Louis XII, vaudeville en deux actes, de MM. Villeneuve et Barrière. Le mari de la fauvette est un grand niais, tout rose et tout blond, nommé Séraphin. C'est un fils de famille de la plus haute volée; il a un oncle chanoine à Bourges, et un camélia à sa boutonnière. Il sent sa bonne race d'une lieue. Séraphin, en des temps meilleurs, eût porté le casque et la lance. Mais que faire en ces mauvais jours? Séraphin, pour se distraire, prend le parti de se mésallier. Il enlève une cantatrice, va l'épouser secrètement à Londres, et revient à Paris goûter dans le mystère les douceurs de la lune de miel. Il attend, pour publier son bonheur, que son oncle le chanoine soit mort et enterré, car ce chanoine d'oncle, en sa double qualité d'oncle et de chanoine, n'hésiterait pas, sur la nouvelle de ce mariage, à déshériter son neveu. Vous imaginez aisément les tribulations que suscite à Séraphin l'incognito de ses félicités conjugales. Quelle

lune de miel, grand Dieu ! le vinaigre est plus doux, l'absynthe moins amère. Ce n'est pas assez d'avoir tous les soirs deux ou trois cents rivaux dans la salle, il faut que Séraphin assiste, spectateur résigné, à tous les assauts dirigés contre la vertu de sa femme. C'est surtout un ténor nommé Fontalban, le plus entreprenant et le plus scélérat des ténors, qui empoisonne la vie de ce doux Séraphin. Fontalban est toujours là: s'il sort par la porte, il rentre par la fenêtre, toujours chantant et l'air vainqueur. Séraphin est angélique comme son nom; son ame est pétrie de lait et d'amandes douces; il souffre long-temps en silence; mais enfin exaspéré et n'en pouvant plus, il envoie à tous les diables la succession de son oncle le chanoine, et se déclare hautement le légitime époux d'Euphémie, surnommée la Fauvette. Quelle joie pour Euphémie! quelle joie pour Séraphin! Mais le plus joyeux des trois, c'est Fontalban. Cette petite pièce, médiocrement spirituelle et médiocrement jouée, a obtenu un médiocre succès; et cependant au fond de tout ceci il y avait une idée d'un comique de bon aloi, mais que les acteurs ont à peine indiquée. La poésie s'est beaucoup apitoyée sur le sort des femmes célèbres enchaînées à des maris vulgaires : peut-être serait-il temps de changer les rôles. Je ne sais rien de plus touchant, pour ma part, que la destinée de ces pauvres époux qui ont la gloire pour rivale, et pour oreiller les lauriers de leur femme. Le mari d'une muse quelconque m'a toujours semblé digne de toute espèce de commisération, et je me suis toujours senti, à son endroit, un attendrissement véritable. Ces pauvres diables sont intéressans, je vous jure! Un homme d'un rare esprit a déjà vengé la mémoire de Phaon du reproche de froideur et d'insensibilité que lui a légué la mort funeste de Sapho. Non, sans doute, ce beau jeune homme ne fut ni froid ni insensible: seulement il eut peur, en épousant Sapho, d'encombrer sa vie d'un trépied et d'une lyre; il préféra sagement les amours obscurs aux glorieuses tendresses, aux muses de Lesbos les grisettes de Mitylène.

Quant aux Pages de Louis XII, c'est bien la plus triste rapsodie qui se puisse voir. M. de Villeneuve, qui a fait jouer successivement, dans la même soirée, au même théâtre, le Mari de la Fauvette et les Pages de Louis XII, abuse un peu trop de cet esprit malin qui a créé le vaudeville, cet agréable indiscret, ainsi que l'appelle Boileau, qui, conduit par le chant, passe de bouche en bouche et s'accroît en marchant. Grace à M. de Villeneuve, j'ai saisi pour la première fois le sens de cette définition dont le fil m'avait échappé jusqu'alors. Oui, sans doute, c'est un indiscret; agréable, quelquefois, mais indiscret, toujours; conduit par le chant, il passe de bouche en bouche, ceci n'est pas très clair; mais la preuve qu'il s'accroît en marchant, c'est que le Mari de la Fauvette n'a qu'un acte, et que les Pages de Louis XII en ont deux. Où cela nous mènera-t-il? Pour en revenir à ces pages, il est impossible de rien voir qui soit plus dépourvu d'esprit et de gaieté. Il est juste de dire que le public a écouté ce petit chef-d'œuvre avec autant d'attention et de respect que s'il eût assisté à la représentation d'Andromaque ou du Cid. Jamais on ne poussa plus loin l'héroïsme de la patience.

F. BONNAIRE.

LÉGENDES DU TYROL.

Quand la neige qui couvrait les hauts sommets des montagnes a disparu, que leurs pentes moyennes sont recouvertes d'un gazon épais et fleuri, et que l'herbe commence à poindre au front des pics les plus élevés, chaque vallée des Alpes du Tyrol est le théâtre animé d'une idylle de Théocrite représentée au naturel, par de bons et de braves acteurs vivans: bergers ou animaux. C'est le départ des bestiaux pour les pâturages. Le son des clochettes du troupeau, le beuglement des vaches, le bêlement des moutons et des chèvres, mêlés au son du cor, de la cornemuse, et aux cris des pâtres chantant de la gorge leur jodeln, annoncent de bien loin l'approche de la rustique procession.

Le senner ou laitier ouvre la marche; son chapeau pointu et ses souliers sont couverts de rubans aux couleurs éclatantes. Il s'avance d'un air majestueux, en tête du troupeau des vaches, brandissant une houlette ornée de fleurs, saluant les spectateurs, et, par momens, quittant son air imposant pour célébrer, par une pantomime très expressive, la beauté de son troupeau et les qualités précieuses de chacune des bêtes qui le composent. D'ordinaire, chacun de ces bergers conduit plusieurs centaines d'animaux superbes, contingent réuni de toutes les fermes du voisinage.

A la suite du senner et en tête de son troupeau, s'avance avec fierté et comme pénétrée de son importance la mayerkuh, ou la vache victorieuse, celle qui a remporté le prix dans les combats que ces animaux se livrent entre eux. La mayerkuh est couronnée de feuilles de chêne et grotesquement ornée d'immenses guirlandes de fleurs naturelles ou artificielles. Elle s'annonce de loin par le son de la cloche TOME XIV. FÉVRIER.

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de gros timbre qu'elle porte au cou. Les autres vaches, parées de rubans, de petits bouquets et de belles longes brodées auxquelles sont attachées des clochettes en grand nombre et de timbres divers, suivent processionnellement la mayerkuh, leur conductrice, qu'aucune d'elles ne se permet de dépasser; celle-ci, d'ailleurs, ne le souffrirait pas, elle, toujours prête à jouer de la corne.

Après le troupeau des vaches vient le galteter, ou conducteur des taureaux, des génisses et des veaux. Les taureaux ne sont pas ornés de fleurs comme les vaches, mais ils portent les chaînes, les colliers et les licous de tout le troupeau, et leur aspect est singulièrement farouche. Le chevrier, ou gaisser, et le schafer, ou conducteur des brebis viennent ensuite, accompagnés de leurs chiens, et guidant d'innombrables bandes de chèvres et de moutons. Enfin, le saudirne, ou le porcher, ferme la marche, chassant devant lui le troupeau des truies et des pores dont les cris et les grognemens répondent aux rires de la foule et aux huées des enfans qui poursuivent et stimulent les traînards.

Cette procession, qui souvent se compose de plusieurs milliers de têtes de bétail, gravit lentement les pentes des Alpes voisines. Rien de plus original et de plus pittoresque que le tableau qu'elle offre à distance. On voit la longue file d'animaux de toutes couleurs et de toutes espèces serpenter lentement sur la montagne, descendre avec précaution dans un ravin, pour reparaître bientôt sur la pente opposée. Puis, la tête du cortége s'enfonce sous l'ombrage d'une épaisse forêt, d'où elle ressort à une distance de plusieurs milles, quand la queue va s'y engager. Mais bientôt d'immenses blocs de rochers, derrière lesquels la colonne fait un détour, ou quelques grandes futaies de sapins la cachent à nos yeux en entier; vous croyez ne plus la revoir, quand tout à coup, au bout de plusieurs heures, elle reparaît sur l'une des dernières pelouses des Alpes, dans l'infiniment petit. Pâtres, taureaux, vaches ou génisses sont à peine distincts et ne forment plus qu'un mince ruban de couleurs diverses, qui, là haut', à quelques mille pieds d'élévation, se déroule lentement sur la verdure et semble ceindre le front de la montagne de bandelettes bigarrées.

Nous eûmes plus d'une fois sous les yeux un spectacle de ce genre, en traversant la haute chaîne de montagnes qui sépare le Vorarleberg de la vallée du Lech dans le Tyrol, et en suivant les sinuosités de ce beau torrent jusqu'à Fussen, où nous devions trouver la route d'Inspruck. Ces bucoliques en action donnent à un voyage dans ces

montagnes un grand charme, rendu plus vif encore par les traditions populaires et les souvenirs du passé, que réveillent, à mesure que l'on pénètre au cœur du pays, chacune de ses bourgades et chacun de ses châteaux. Le Tyrol est le pays des légendes, et lorsqu'il s'agit de raconter quelque tragique aventure du temps passé, quelque étrange et miraculeuse chronique, l'imagination et la faconde de ses habitans ne tarissent pas. Ces chroniques, du reste, sont nombreuses, et chaque jour leur nombre s'accroît encore. Le siècle présent a les siennes; les souvenirs d'André Hofer, de Specbaker, de Mayer et de tous ces chefs illustres de l'insurrection tyrolienne, formulés d'une façon merveilleuse par la bizarre et fertile imagination de leurs contemporains et de leurs frères d'armes, se mêlent d'une manière heureuse et singulière à ceux des Maximilien, des Gallus Tanzer, du duc Frédéric Bourse-Vide, ce fastueux indigent, de son fidèle meunier Hendel, et de tant d'autres que l'histoire du pays ou la tradition ont rendus fameux.

Fussen est la dernière ville du Tyrol du côté de la Bavière; les Romains la construisirent dans le but de fortifier l'entrée du défilé des Alpes près du Lech. C'est à Fussen que parurent d'abord ces chevaliers apôtres, les premiers chrétiens qui aient foulé la terre du Tyrol; Magnus et Simpert, Magnus l'ami, le disciple et le compatriote de Colum l'apôtre des Hébrides et de Saint-Gall, en compagnie duquel il était parti de ces îles lointaines de la Bretagne, pour renverser les statues d'Odin et planter la croix sous l'ombrage des forêts de la Germanie. Simpert était le neveu de Pépin de Francé. Les cendres de Magnus reposent dans l'église de Saint-Mang à Fussen.

Non loin de cette ville se trouve le château de Hohen ou HochSchwangau, l'un des plus célèbres de toute l'Allemagne. Ce vieil édifice, où le temps a laissé sa rouille, mais n'a point fait de ruines, s'élève encore comme au temps des Hohenstauffen, comme au temps des Romains peut-être, auquel on fait remonter son origine. Bâti au bord d'un lac, entouré par le torrent Luge, et dominé par les pentes abruptes du Dögl-Berg, son aspect est des plus imposans et des plus romantiques. C'était, comme Fussen, l'un des corps-degarde romains qui protégeaient contre les hordes indomptées des Brennes et des Rhètes la route sauvage qui conduit des rives du Lech à celles de l'Inn. Quand les Romains furent-ils remplacés dans les murailles de l'antique forteresse par de nouveaux conquérans, par cette famille d'origine germanique, dont Wicpert, évêque d'Augsbourg et ami de l'apôtre Magnus, fut un des membres? L'his

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