Obrazy na stronie
PDF
ePub

ont aussi leur monde à part, leurs génies laborieux et intelligens qui gardent les diamans, et travaillent les métaux. Les vieux châteaux et les édifices en ruines ont leurs hôtes fidèles et mystérieux pareils à ces saintes affections qui s'attachent au passé, et jettent un dernier charme sur les lambeaux de la misère et les débris de l'infortune. Il y a, dans l'antique château de Schwerin, un petit puck comme il en faudrait un au palais des rois constitutionnels. Ce petit être invisible, alerte, lisant dans le cœur de l'homme comme Asmodée, veille jour et nuit sur le perron du château, facilite le passage à ceux qui s'approchent avec un loyal dévouement, et tourmente sans pitié ceux qui arrivent avec la flatterie sur les lèvres, et la trahison dans le cœur.

Souvent aussi une idée de morale, un dogme évangélique se mêlent dans l'esprit des Mecklembourgeois à ces fables populaires. Des enfans ont volé le pain d'un pauvre berger, et au moment où ils se réjouissaient de leur larcin ils ont été changés en pierres, et sont restés debout dans la prairie comme un exemple de la vengeance céleste. Un pauvre est venu comme Lazare implorer vainement la compassion du riche. Au moment où il se retire, les mains vides, les yeux en pleurs, l'orage gronde, l'éclair luit, la maison inhospitalière, frappée par la foudre, est réduite en cendres. Le pauvre va chercher un refuge sous un chêne. Le riche accourt au même endroit, et le malheur réconcilie ceux que la fortune avait séparés. Dans ces traditions du Mecklembourg, le diable joue surtout un grand rôle. A chaque instant le diable apparaît, tantôt avec le manteau de velours, comme Méphistophélès, pour flatter les passions du jeune homme, tantôt sous une robe de magistrat pour dominer l'esprit du paysan. Tantôt on le voit passer dans l'air comme un dragon ailé portant d'un lieu à l'autre des sacs d'argent et des pierres précieuses. Le désir de recruter de nouveaux sujets pour son empire lui donne une terrible besogne, et lui coûte d'énormes sacs d'argent. On l'a vu tour à tour se faire architecte, mâçon, charretier. Ici il a bâti une église, là il a jeté un pont. Ailleurs il a aidé le bûcheron à rapporter son fagot, et le laboureur à sillonner son champ. Bref il n'est pas de sacrifice qu'il n'ait fait, pas d'humiliation à laquelle il ne se soit résigné par l'appât d'une pauvre ame, à demi livrée au désespoir, et le plus souvent il a été indignement trompé. Le paysan a profité de son secours et lui a échappé en se réfugiant dans l'église; le moine l'a mis en fuite en faisant le signe de la croix, et le pauvre diable trahi, volé, baffoué, s'en va chercher ailleurs une proie plus facile. Dans toutes les traditions d'Allemagne, le diable apparaît, du reste, avec les mêmes déceptions, et la même lourde bonhomie. Il représente parfaitement la sensualité présomptueuse et grossière asservie par l'intelligence.

X. MARMIER.

BULLETIN.

Si la nécessité profonde qui enchaîne les grands états de l'Europe à une politique sage et conservatrice, avait besoin d'une démonstration nouvelle, nous la trouverions dans le discours qu'a prononcé M. Thiers sur les affaires d'Orient. Personne n'accusera l'historien de la révolution française d'être peu soucieux de la gloire de la France; on ne croira pas qu'il fût homme à reculer devant quelque nouvelle conception de politique étrangère, fût-elle même un peu aventureuse, s'il était convaincu qu'elle importe vraiment à notre grandeur. Eh bien! entre les deux systèmes qui résument tout ce qui est possible en Orient, entre le système actif qui voudrait le partage immédiat de l'empire ottoman en s'appuyant sur la Russie, et le système conservateur, qui consiste à maintenir cet empire non pas comme impérissable, mais comme pouvant être sauvé en le circonscrivant entre les Balkans et le Taurus, M. Thiers n'a pas hésité, il s'est déslaré pour la politique de statu quo, d'expectative et de précaution. En écoutant cet exposé si net et si lucide de la situation de l'Europe, des rapports des grandes puissances entre elles, on n'était plus dans le pays des chimères, on pouvait croire assister à la lecture d'une note diplomatique. L'alliance anglaise a été franchement adoptée par M. Thiers; elle est à ses yeux une alliance tout à la fois de principes et d'intérêts, par laquelle les deux nations peuvent garantir envers et contre tous leur grandeur et leur dignité. Cette modération si intelligente et si élevée, ce langage d'un homme d'état qui ne s'attachait pas tant à combattre les ministres, qu'à éclairer tout ensemble le parlement, le cabinet et le pays, ont valu à M. Thiers et lui ont rendu pour ainsi dire le mécontentement et les agressions des partis extrêmes. Ils se sont écriés qu'il n'était pas Français. En renonçant ainsi avec un bon

goût si délicat et si altier aux applaudissemens du popularisme, M. Thiers a préparé son avenir et commencé de reprendre la hauteur de sa situation politique. On chercherait inutilement dans son discours la moindre réminiscence des vivacités de l'an dernier ; à peine si la critique la plus modérée de la conduite du cabinet au sujet de la note du 27 juillet rappelle que l'honorable orateur n'est pas assis au banc des ministres. Il était difficile qu'un débat un peu explicite s'ouvrît sur les points de dissidence entre M. Thiers et le cabinet, puisque le président du conseil avait opposé à l'avance une fin de non-recevoir aux demandes d'explications. Tout en faisant la part la plus large à la circonspection qu'exigent les négociations diplomatiques, nous pensons, comme l'a dit l'honorable M. de Carné dans un discours vraiment politique, qui a su captiver l'attention de la chambre, qu'un des avantages du gouvernement représentatif est de permettre à la politique étrangère d'une nation de s'appuyer sur le parlement, et d'y trouver des forces contre les prétentions qu'elle peut avoir à combattre. C'est ce qu'on entend si bien en Angleterre, où souvent les hommes d'état savent se défendre et se sauver des exigences du dehors en leur opposant les passions du parlement et du pays.

Nous regrettons que M. Thiers n'ait pas parlé sur la question d'Alger, et n'ait pas éclairé de quelques aperçus l'avenir que nous pouvons nous promettre dans notre colonie. Il eût été bon que, dès le début des travaux de la chambre, quelques idées positives eussent pu servir aux esprits de point de ralliement. En attendant, la chambre a manifesté de la manière la moins équivoque sa pensée sur Alger, en adoptant l'amendement de M. Lanyer, qui reproduisait dans toute leur force les expressions du discours de la couronne au sujet d'une terre que notre domination ne doit plus quitter. M. le général Bugeaud a porté dans la discussion les résultats de son expérience militaire. Quand on entend à la tribune cet homme de cœur dont l'esprit est vigoureux et original, on regrette toujours qu'il ne sache pas s'arrêter à temps dans le développement de sa pensée, et que la fin détruise toujours par trop d'exubérance l'impression du commencement. Nous croyons que, lorsque le moment sera venu de discuter les systèmes d'occupation, les idées du général sur les colonies militaires devront être l'objet d'un débat sérieux, et la presse politique devra s'en occuper. M. Bugeaud sera-t-il fâché de recevoir, s'il y a lieu, quelque appui de l'aristocratie de l'écritoire? Que l'honorable général soit bien convaincu que ce ne sera jamais l'aristocratie de la presse qui pourra mettre en péril le pays et la vérité des choses, et ce n'est pas à lui sans doute qu'il faut rappeler que les plus illustres soldats ont eu un écritoire à côté de leur épée.

Tout est fini pour ce qui concerne l'adresse. Elle a été votée à une immense majorité; elle a été présentée au roi, qui s'est félicité de l'appui qu'apportait à son gouvernement cette presque unanimité. Néanmoins tout le monde sent que rien n'est résolu, et que toutes les questions politiques demeurent en suspens. Cela ne doit surprendre personne, car on a obtenu le résultat qu'on s'était proposé. On voulait une trève, et l'adresse en a été le programme. Tout ce qui

ce pays (1). On ne les brûle plus à présent, mais on n'en a pas moins peur. Ces sorciers sont les amis du diable. Ils ont reçu de lui un pouvoir surnaturel, et doivent un jour, en vertu de leur pacte impie, souffrir les tortures de l'enfer. Mais en attendant, ils exercent toutes sortes de maléfices, et tourmentent cruellement les vrais chrétiens. Leur regard est envenimé, leur souffle porte la contagion. Leur approche seule fait frémir les chevaux et hurler les chiens. Si une vache tombe malade, si le lait s'aigrit, si la bière se gâte, si l'arbre nouvellement planté dépérit, c'est la faute des sorciers. Dans la nuit du dernier avril au premier mai, qu'on appelle la Walpurgisnacht, le paysan fait trois croix sur la porte de son étable, afin que les sorciers, en allant au sabbat, ne jettent pas un sort sur ses bestiaux. Quand un enfant vient au monde, on se hâte d'allumer une lampe, et, jusqu'au moment où le prêtre le baptise, cette lampe doit rester toute la nuit allumée près de son berceau, afin que les méchans esprits ne viennent pas le prendre.

Ces idées superstitieuses remontent bien haut dans le passé, embrassent tout le présent, et s'étendent sur l'avenir. Le paysan inquiet de ses récoltes, la jeune fille inquiète de son amour consultent, comme les organes du destin, l'oiseau dans son vol, l'onde dans son murmure, les nuages de l'automne et les fleurs du printemps. Certain cri de corbeau annonce la guerre, certain sifflement du rouet prédit un mariage. Si le jour de la Saint-Valentin (2) la jeune fille verse du plomb fondu dans de l'eau, elle voit apparaître l'image de celui qui sera son époux. Si un membre de la famille doit mourir dans l'année, on peut voir dans la nuit du 1er janvier un cercueil noir sur la neige du toit.

Tous les élémens ont ici leurs bons et leurs mauvais génies. Le monde invisible et mystérieux touche de tous côtés au monde réel, et préoccupe tous les esprits par ses harmonies indéfinissables et ses apparitions surnaturelles. Dans les eaux est le musicien magique qui fascine avec sa harpe d'argent l'oreille et l'ame du pêcheur; dans les bois l'esprit rêveur de la solitude qui n'a que de doux regards et de doux soupirs; dans les airs, le vieil Odin condamné à poursuivre éternellement sur un cheval fougueux la proie qui fuit sans cesse devant lui, comme la pensée de l'homme qui dans son orgueilleux essor et son insatiable ardeur s'élance sans cesse vers l'infini. Les entrailles de la terre, les montagnes

(1) Une femme fut brûlée en 1669, une autre en 1697. On appliquait tout simplement la torture aux malheureux accusés de sorcellerie. La roue et les tenailles les forçaient à révéler un crime dont ils étaient parfaitement innocens, et une fois que leurs lèvres avaient prononcé le fatal aveu, on allumait le bûcher. Pour mettre fin à ces atroces exécutions, le duc Gustave-Adolphe établit un tribunal chargé d'instruire régulièrement les procès de sorcellerie.

(2) Cette nuit de la Saint-Valentin, où la jeune fille fait ses rêves de mariage, est aussi celle où les oiseaux choisissent, dit-on, leur compagne. Les traditions anglaises rapportent qu'il tombe à cette époque trois gouttes du ciel. L'une se perd dans l'atmosphère, l'autre pénètre dans les entrailles de la terre, la troisième descend dans les flots. La première éveille dans l'atmosphère la force productive de la nature; la seconde et la troisième éveillent la vie des plantes et des animaux.

ont aussi leur monde à part, leurs génies laborieux et intelligens qui gardent les diamans, et travaillent les métaux. Les vieux châteaux et les édifices en ruines ont leurs hôtes fidèles et mystérieux pareils à ces saintes affections qui s'attachent au passé, et jettent un dernier charme sur les lambeaux de la misère et les débris de l'infortune. Il y a, dans l'antique château de Schwerin, un petit puck comme il en faudrait un au palais des rois constitutionnels. Ce petit être invisible, alerte, lisant dans le cœur de l'homme comme Asmodée, veille jour et nuit sur le perron du château, facilite le passage à ceux qui s'approchent avec un loyal dévouement, et tourmente sans pitié ceux qui arrivent avec la flatterie sur les lèvres, et la trahison dans le cœur.

Souvent aussi une idée de morale, un dogme évangélique se mêlent dans l'esprit des Mecklembourgeois à ces fables populaires. Des enfans ont volé le pain d'un pauvre berger, et au moment où ils se réjouissaient de leur larcin ils ont été changés en pierres, et sont restés debout dans la prairie comme un exemple de la vengeance céleste. Un pauvre est venu comme Lazare implorer vainement la compassion du riche. Au moment où il se retire, les mains vides, les yeux en pleurs, l'orage gronde, l'éclair luit, la maison inhospitalière, frappée par la foudre, est réduite en cendres. Le pauvre va chercher un refuge sous un chêne. Le riche accourt au même endroit, et le malheur réconcilie ceux que la fortune avait séparés. Dans ces traditions du Mecklembourg, le diable joue surtout un grand rôle. A chaque instant le diable apparaît, tantôt avec le manteau de velours, comme Méphistophélès, pour flatter les passions du jeune homme, tantôt sous une robe de magistrat pour dominer l'esprit du paysan. Tantôt on le voit passer dans l'air comme un dragon ailé portant d'un lieu à l'autre des sacs d'argent et des pierres précieuses. Le désir de recruter de nouveaux sujets pour son empire lui donne une terrible besogne, et lui coûte d'énormes sacs d'argent. On l'a vu tour à tour se faire architecte, mâçon, charretier. Ici il a bâti une église, là il a jeté un pont. Ailleurs il a aidé le bûcheron à rapporter son fagot, et le laboureur à sillonner son champ. Bref il n'est pas de sacrifice qu'il n'ait fait, pas d'humiliation à laquelle il ne se soit résigné par l'appât d'une pauvre ame, à demi livrée au désespoir, et le plus souvent il a été indignement trompé. Le paysan a profité de son secours et lui a échappé en se réfugiant dans l'église; le moine l'a mis en fuite en faisant le signe de la croix, et le pauvre diable trahi, volé, baffoué, s'en va chercher ailleurs une proie plus facile. Dans toutes les traditions d'Allemagne, le diable apparaît, du reste, avec les mêmes déceptions, et la même lourde bonhomie. Il représente parfaitement la sensualité présomptueuse et grossière asservie par l'intelligence.

X. MARMIER.

« PoprzedniaDalej »