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nom ne serait d'aucun poids en faveur de ce qu'il dit. L'auteur, dans sa modestie, n'a pas réfléchi que l'anonyme est aussi une prétention, et semble plutôt annoncer une situation faite et une renommée conquise.

La mort de M. de Quélen ouvre deux successions, l'une dans l'épiscopat, l'autre à l'Académie. Le gouvernement ne saurait apporter trop de prudence dans le choix du membre du haut clergé qui sera placé sur le siége métropolitain de Paris. Il importe également à l'église et à l'état que ces hautes fonctions ne soient confiées qu'à un prélat qui ait accepté sans restriction mentale le gouvernement et la société de 1830, et que la sincérité de son caractère mette audessus de tout soupçon d'intrigue et d'arrière-pensée. Si de ces graves intérêts nous passons à la succession académique du défunt archevêque, nous désirons que l'Académie mette aussi de l'habileté dans l'élection qui comblera ce vide. Elle a aujourd'hui deux fauteuils à donner; c'est à elle d'y faire asseoir deux personnes d'une illustration incontestable et différente. M. Victor Hugo est toujours pour nous l'héritier naturel de M. Michaud; d'abord il a qualité pour parler en poète des travaux de l'historien des Croisades et des souvenirs roya listes, qui tiennent une si grande place dans sa vie; puis lui-même est mûr pour l'Institut, et l'investiture académique sera une justice non pas tardive, mais opportune. Il est fort possible qu'à l'époque fixée par l'ajournement qu'a prononcé l'Académie, M. Berryer ne retrouve plus les mêmes chances et le même nombre de voix : l'élection littéraire a dégénéré en lutte politique, et probablement l'Académie ne voudra pas servir indirectement des passions qui lui sont étrangères. Mais si les notabilités politiques ont pour elle tant d'attrait, pourquoi ne ferait-elle pas asseoir à la place de l'ancien archevêque un homme d'état sur lequel s'est déjà portée une partie de ses suffrages? Certes, l'Académie n'a pas à craindre que M. Molé la fatigue de ses sollicitations: il n'y mettra pas la même insistance que M. Casimir Bonjour; mais on peut le présenter, et il ne déclinerait pas un honneur qui lui serait déféré d'un accord général. Il y a quelque temps, dans un recueil, on disait, avec beaucoup de justesse, que l'Académie était comme le premier salon littéraire de France, dans lequel tiendrait assez convenablement sa place un homme d'état, nourri des traditions françaises, qui a su porter à la tribune une parole politique dont la forme est toujours spirituelle et polie. L'Académie n'a pas à redouter l'envahissement des grands seigneurs, comme dans le temps où Duclos s'écriait : Ne nous enducaillons pas ; mais elle doit désirer attirer à elle toutes les gloires, et se proposer de les rehausser encore elle-même par le contraste de leur association. N'y réussirait-elle pas en nommant aux deux fauteuils vacans M. Victor Hugo et M. le comte Molé?

La chambre des pairs doit entendre lundi la lecture de l'adresse rédigée par sa commission. On en dit la rédaction moins ferme et moins précise que pouvait le faire espérer la composition de la commission; on y retrouve les habitudes un peu prolixes du rapporteur, M. Portalis. On assure qu'au sujet de l'Orient le projet se félicite de notre bonne intelligence avec l'Angleterre, et ne prévoit de dénouement satisfaisant qu'à la faveur de cette union. Mais la

pâleur de l'adresse ne fera que mieux ressortir l'intérêt des débats. Le paragraphe relatif à Alger doit soulever d'importantes discussions. Quand il s'agira de déterminer la part de prévoyance ou d'imprévoyance qui appartient à chacun dans nos rapports avec les Arabes, les membres de la pairie qui faisaient partie de l'administration du 15 avril pourront prouver que le traité de la Tafna, objet de tant de critiques, n'avait jamais été considéré par le cabinet qui l'avait conclu comme définitif et comme devant amener une paix durable, mais seulement comme une trève favorable à d'autre entreprises. Quelques momens avant de quitter les affaires, le ministère du 15 avril avait donné ordre au maréchal Valée de préparer la reprise des hostilités; déjà le gouverneur-général avait pris les premières mesures et commandé quelques mouvemens de troupes, quand tout fut suspendu par l'avènement de l'administration du 12 mai.

- Les concerts du Conservatoire s'ouvriront le dimanche 12 janvier. La foule s'y portera comme à l'ordinaire; mais nous les voudrions plus variés et moins exclusifs. Nous les suivrons, du reste, avec tout l'intérêt que commande cette belle institution.

-M. Marliani, ancien consul-général d'Espagne à Paris, vient de publier une brochure remarquable à plus d'un titre. Outre qu'elle est la protestation d'un homme de cœur contre des imputations mensongères, fait toujours assez grave, puisqu'il intéresse tous les honnêtes gens, elle offre des détails assez curieux sur l'immoralité politique qui règne en Espagne dans certaines régions du pouvoir.

Envoyé en Allemagne, en Prusse et en Angleterre pour éclairer les puissances du Nord sur la légitimité des droits de la reine Isabelle, M. Marliani fut adjoint à M. Zéa Bermudez, homme inébranlable dans sa loyauté envers la reine, mais porté vers les idées absolutistes autant que M. Marliani l'est vers les idées libérales. Sans crainte d'être accusé de défection par ses amis politiques, bien qu'il prévît le cas où quelques défiances injustes pourraient résulter de cette association, M. Marliani, n'écoutant que son patriotisme, se rendit à Vienne et à Berlin dans le courant de l'hiver dernier. De concert avec M. Zéa, qui remplit son mandat avec la même intégrité, il eut le bonheur de réussir dans sa mission au-delà des espérances du ministère qui la lui avait confiée. La démonstration historique des droits d'Isabelle au trône d'Espagne eut pour conséquence la suppression immédiate des secours envoyés jusque-là à don Carlos. C'était une assez belle tâche que celle d'avoir contribué à pacifier l'Espagne en rendant impossible à don Carlos l'entretien d'une armée. Cette tâche fut remplie avec un zèle et une promptitude, et un sentiment de fierté nationale qu'on ne saurait trop louer. Aucune place, aucune faveur ne récompensa M. Marliani, et il considéra cette conduite du gouvernement de la reine, non comme un oubli, non comme une injustice, mais comme le plus beau témoignage

d'estime que l'on pût accorder à son caractère. L'éclat des distinctions publiques n'eût pu rien ajouter à la joie intérieure qu'il éprouvait d'avoir aidé au succès de la cause espagnole, et le mystère dont la diplomatie enveloppe et les personnes et leurs opérations n'est jamais une souffrance d'amour-propre à ceux qui comprennent la sainteté de leurs devoirs. M. Marliani n'aurait donc jamais pensé à rompre le silence sur lui-même, si une étrange discussion élevée à son sujet dans les séances des cortès des 26, 27 et 28 octobre dernier, ne l'eût forcé de rendre publiquement compte de ses actes. Dans ces séances, la voix d'un député s'étant élevée pour demander des explications sur la mission de MM. Zéa et Marliani, le ministère, par un sentiment impossible à expliquer, impossible à justifier, désavoua cette mission et l'attribua au propre mouvement d'agens volontaires ou à l'impulsion occulte de quelque camarilla. M. Marliani, outragé dans sa personne, dans ses actes, a dû prendre la plume et mettre les faits dans leur jour sans trahir le secret inviolable de la partie de ses opérations qui n'intéressent pas immédiatement la partie politique, il a raconté ses démarches et produit les preuves authentiques de ses pouvoirs. Il se devait à lui-même de ne pas laisser outrager son caractère et dénaturer ses opinions; il devait prouver qu'il n'avait pas joué le rôle d'un aventurier diplomatique, mais celui d'un mandataire de son gouvernement et d'un ami de son pays. Il devait se plaindre (et il l'a fait avec mesure) de la conduite d'un ministère qui niait ses propres actes et désavouait la meilleure partie de ses services; car si la Navarre est pacifiée, ce résultat est dû en partie à la persévérance avec laquelle le ministère a suivi la voie qu'avait ouverte M. le duc de Frias par les instructions données à MM. Zéa et Marliani, et il est au moins étrange de voir ce même ministère rougir en public d'avoir persévéré dans une si haute et si nécessaire entreprise.

La brochure de M. Marliani, écrite avec énergie et clarté, n'est cependant ni une récrimination, ni un libelle; mais l'auteur n'a pu toucher à une question où son honneur est en cause, sans soulever, malgré lui, un coin du rideau derrière lequel s'agitent les fantômes du ministère espagnol. Dans un travail plus étendu, il se propose de lever tout-à-fait le voile qui nous cache les véritables causes des désordres dont l'Espagne est depuis si long-temps victime. Cet ouvrage, qui aura pour titre : Histoire de la Liberté espagnole, contient une introduction qui est un précis rapide de l'histoire parlementaire de l'Espagne et des longs combats qu'elle a livrés, depuis ses premiers siècles jusqu'à nos jours, pour conquérir sa liberté politique. Un autre travail sur les Relations diplomatiques de l'Espagne avec la France depuis Louis XIV sera le complément de ce tableau historique.

F. BONNAIRE.

MADAME DE FRESNES.

I.

Déjà les journées étaient courtes et les nuits humides; c'était le temps où s'enfuient les hirondelles, où les voyageurs rentrent dans les villes, où les chasseurs, atteints de mélancolie, oublient leurs meutes pour rêver sur les feuilles mortes que l'automne amoncèle sous leurs pas. Une chaise de poste qui suivait la route d'Auxerre à Paris, s'arrêta au bas d'un coteau très rapide, et l'unique voyageur qu'elle contenait en descendit pour gravir à pied la colline.

Ce personnage, vêtu avec une certaine élégance, paraissait jeune, bien qu'une décoration ornât sa boutonnière; ses formes avaient cette délicatesse, ses traits, cet air de froideur, de résolution et de défiance à la fois, qui est le propre des gens dont la force est toute intellectuelle. La largeur des arcades sourciliaires qui encadraient ses yeux bleus, la fermeté des contours de ses lèvres indiquaient une volonté peu commune et d'autant plus remarquable, qu'on devinait à la blancheur du teint de l'étranger, au peu de développement de sa poitrine, au reflet cendré de ses cheveux noirs, longs et fins, une organisation physique très débile.

Malgré la recherche de sa toilette, la finesse de sa physionomie et sa décoration, ce jeune homme n'avait l'apparence ni d'un militaire, ni d'un dandy, ni d'un artiste, et en examinant ses moindres mouvemens sur ce chemin désert où personne ne l'obligeait à s'observer, on démêlait en sa personne une longue pratique de la bonne société et des manières du monde.

TOME XIII.

JANVIER.

6

Au moment où il quittait le marche-pied de sa chaise, un chasseur, rustiquement vêtu d'une veste grise et d'un pantalon de coutil, chaussé de guêtres énormes, coiffé d'un grand chapeau de paille, se leva du gazon où il était assis sur le talus de la route, et s'avança avec empressement sans même relever son fusil et sa carnassière, vieux sac de cuir écorché, taché de pluie, de sang, et digne d'un vieux braconnier. Le campagnard avait une taille athlétique et une belle tête assez commune, hâlée comme celle d'un soldat de marine. -Par le ciel! s'écria-t-il en barrant le chemin de l'homme à la chaise, c'est lui-même! Pardon, monsieur, n'êtes-vous point..., n'es-tu pas mon bon ami de collége, Jean-Paul Gersain?

A ces mots, Gersain recula de surprise et contempla deux secondes, sans le reconnaître, celui qui l'abordait de la sorte. Il fallait, pour justifier une telle hésitation, qu'un grand changement se fût accompli dans celui qu'on cherchait ainsi sans le trouver, car il avait un de ces visages dont le caractère frappe à une première inspection, et où l'on ne voit plus rien de saillant après deux entrevues. Les beautés de Gersain, au contraire, délicates et cachées, se découvraient une à une et ne se manifestaient point tout d'abord. La chevelure de son compagnon était mal taillée, d'épais favoris ombrageaient ses joues trop vermeilles, sa voix était rauque et sa démarche pesante comme celle d'un laboureur.- Eh quoi! repartit enfin Jean-Paul, serait-ce là mon sémillant camarade, le comte Alexis de Vignolle? Qui diantre t'a ainsi accoutré, mon cher? que fais-tu donc ici? qu'es-tu devenu depuis trois ans que la diplomatie me confine au fond de l'Allemagne? Tu le vois, quittant Paris et ses pompes, je me suis fait campagnard. Tu sais quelle a toujours été ma vie, bercée sur une paresse absolue; eh bien, la fatigue et la philosophie atteignent le fainéant comme le plus occupé. L'existence me pesait, les plaisirs me comblaient d'ennui, l'oisiveté même ne me souriait plus; j'en étais là quand j'ai perdu mon père, et je suis venu passer mon deuil dans mes terres de Bourgogne. Que te dirai-je? la solitude m'a plu; revenu des erreurs de la jeunesse, j'eus la joie de sentir qu'ici je ne me sentais plus exister, et c'est pourquoi j'y demeure; la mort viendra quand elle voudra.

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-Tu me surprends: comment reconnaître le roi des fêtes, le beau Vignolle enfin, sous cette tournure de garde-chasse?

- Ne me rappelle plus ces souvenirs, le bruit m'est devenu insupportable. Les amusettes de notre temps prosaïque ne sont pas assez vives pour qu'un sage se détermine long-temps à gaspiller pour elles

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