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compagnie et poursuivit ensuite ses excursions et son rôle d'observateur.

On trouve dans les notes recueillies par le voyageur mystérieux une foule de documens précieux sur le pays de Tielbourg, et des anecdotes nombreuses relatives aux divers accidens causés par la piqûre des mouches fourchues. Nous en avons pris connaissance, et nous avons remarqué plusieurs exemples de l'engouement des jeunes filles mal dirigées pour divers simulacres d'hommes que leurs idées romanesques transformaient en personnages de mérite. Il arriva presque toujours que ces demoiselles, n'ayant pas un caractère aussi beau ni des sentimens aussi élevés que ceux d'Exotique, ne montrèrent ni sa patience ni ses vertus après leur mariage. Elles reconnurent leurs méprises et le mauvais placement de leurs affections; les séductions de la jeunesse galante ne les trouvèrent pas inébranlables comme notre héroïne: elles succombèrent hélas ! et bien souvent un amant de croquet supplanta un mari de pain d'épices. Le lecteur sensible doit les plaindre et non les condamner.

PAUL DE MUSSET.

TOME XIII. JANVIER.

13

ANDRÉ VÉSALE.

(1514 - 1564.)

SECONDE PARTIE.'

A peine le traité de Humani corporis fabricá eut-il paru, qu'il attira sur Vésale les plus violentes critiques; à Rome, Bartholomeo Eustachi tonnait contre lui, tandis que Marpurghi, professeur dans la même ville, ne craignait pas de le calomnier. Mais ce fut moins en Italie qu'en France que l'orage qui le menaçait se grossit. Jacques Dubois, ce Jacobus Sylvius dont Vésale avait été l'élève de prédilection à Paris, devint son ennemi le plus acharné, sitôt que son grand ouvrage fut connu.

A part le culte fanatique qu'il rendait à Galien, Sylvius était un anatomiste savant et très recommandable. Il a illustré sa carrière par plusieurs belles découvertes dont le nombre eût sans doute été plus grand, si la pénétration naturelle de son esprit n'eût pas été offusquée par cette fatale idée que, Galien étant infaillible, on devait fermer les yeux sur les phénomènes de la nature que le médecin de Pergame n'avait pas reconnus et signalés.

Ce genre d'aveuglement qui, sous d'autres formes, se reproduit dans tous

(1) Voyez la livraison du 5 janvier 1840.

les siècles, se combina dans l'esprit de Sylvius avec l'idée que ce petit Vésale, qu'il avait enseigné dans son école, était l'anatomiste dont l'ouvrage, en portant atteinte à l'infaillibilité de Galien, allait ruiner peut-être l'autorité que s'étaient acquise les professeurs qui suivaient ses doctrines.

Sylvius ne put supporter tranquillement cette double injure qu'il s'appliqua directement, et l'on peut dire qu'elle le rendit fou dans cette occasion. Cependant Vésale, dont la célébrité allait toujours croissant, ne cessa pas de montrer du respect pour le vieux professeur dont il appréciait les talens, et envers lequel il conservait une sincère reconnaissance. Cependant les leçons que Vésale continuait de donner à Padoue, à Bologne et à Pise, contribuèrent à augmenter l'éclat de son nom, ainsi que l'importance de son livre. Ce succès parvint jusqu'aux oreilles du vieux professeur parisien qui, ne pouvant plus contenir le dépit et la colère qu'il en ressentit, écrivit une espèce de traité intitulé : Sylvius VESANI calumnias depulsandus (Sylvius contre les calomnies d'un insensé), jouant avec aussi peu de dignité que de goût sur les mots Vesalius et vesanus. Dans cette défense de Galien contre les attaques de Vésale, le vieux professeur y traite son ancien élève d'ignorant, d'orgueilleux, de calomniateur, d'impie, de transfuge, et termine par le signaler comme un monstre d'ignorance dont l'haleine impure empoisonne l'Europe. Enfin, dans son égarement, le pauvre Sylvius, se voyant forcé par l'évidence des faits de reconnaître que quelques descriptions de Galien ne sont pas conformes à ce que présente la nature, se décide, pour sauver l'honneur de son oracle, à dire « que, dans le siècle de Trajan et de Septime Sévère, les hommes étaient autrement organisés que de son temps. »>

Malgré la fureur aveugle et l'absurdité qui se révélaient dans ces critiques, le nom et l'autorité de Sylvius étaient tels cependant que son écrit fit élever des doutes sur l'exactitude des assertions de Vésale. Le bruit de cette dispute se répandit en Europe, il parvint même jusqu'à la cour de Charles-Quint où il fut décidé que l'on ferait une enquête et, au besoin, une censure du livre de Vésale.

Dès que Vésale, après la réception de cette nouvelle, se vit forcé de se rendre à la cour, il se sentit profondément blessé. On dit que dans les premiers momens de sa colère il jeta plusieurs ouvrages manuscrits au feu un livre de formules de médicamens, une comparaison des travaux des médecins arabes avec ceux de Galien, un nombre considérable d'observations sur les divers ouvrages de Galien, et, ce qui peut-être est plus regrettable encore, l'exemplaire des œuvres de ce médecin, sur les marges duquel il consignait ce qu'il observait journellement de nouveau en disséquant. Plus tard, et lorsque sa colère fut passée, il regretta la perte de ces ouvrages qu'il s'efforça vainement de réparer.

Cependant, l'orage que Sylvius avait amoncelé sur la tête de Vésale se dissipa peu à peu, et le grand anatomiste, après avoir été employé comme médecin-chirurgien dans les armées de Charles-Quint, finit par être appelé à

la cour de ce prince, où il exerça la médecine pendant long-temps, à la grande satisfaction de la noblesse espagnole.

D'après plusieurs passages de ses écrits, et si l'on considère surtout l'infériorité des ouvrages qu'il a produits depuis son séjour en Espagne, on peut présumer que les efforts d'intelligence et de travail que fit Vésale, depuis son adolescence jusqu'à l'année 1542, où il publia ses sept livres sur la structure du corps humain, déterminent l'apogée de sa carrière de savant. A compter de 1545 à 1546, on le trouve presque exclusivement occupé à remplir les devoirs de son emploi à la cour, et vivant dans l'alternative incessante de la jalousie que lui portaient les médecins espagnols, et de l'admiration que lui témoignaient les courtisans de Charles-Quint. De fait, il ne se livrait presque plus aux études anatomiques; la dissection des corps humains n'était pas permise en Espagne, et toutes les ressources scientifiques lui manquaient. Luimême nous apprend, dans l'Examen des Observations de Fallope, qu'il n'avait ni le lieu, ni les instrumens nécessaires à la poursuite de ce genre d'études. Aussi, on ne doit pas s'étonner si tous les écrits qu'il a composés en Espagne se ressentent de ce dénuement et plus encore du défaut de cette activité d'esprit qui se ranime si difficilement une fois qu'on l'a laissée se ralentir.

Telle était, en effet, la disposition où se trouvait Vésale lorsque, dans les loisirs de sa vie à la cour, il rédigeait un ouvrage dont le volume ainsi que la nouveauté eussent été assez importans pour doubler sa gloire, si ce dernier écrit eût eu un mérite égal à celui du premier. Mais la Grande Chirurgie ne répond pas à ce que l'on avait droit d'attendre de celui qui a fondé la science de l'anatomie en Europe, et bien que Vésale ait plus d'une fois rempli les fonctions de chirurgien dans les armées de Charles-Quint, néanmoins les habitudes de son esprit et de sa main étaient avant tout celles d'un savant qui cherche et étudie, et il manquait un peu de cette sûreté de coup d'œil et de scalpel qui constitue l'opérateur habile.

Cette dernière gloire était réservée à un homme dont le nom n'est pas moins grand que celui de Vésale, à Ambroise Paré, qui a fondé la chirurgie moderne, de même que Vésale a jeté les bases de l'étude expérimentale de T'anatomie (1).

(1) Ambroise Paré, né à Laval en 1509, mort à Paris en 1590. Il fut successivement premier chirurgien de Henri II, de François II, de Charles IX et de Henri III. Cet homme extrêmement habile a fait, pour remettre la chirurgie en honneur, des -efforts de la même nature que ceux d'André Vésale pour restaurer la science de l'anatomie. A. Paré devint un praticien consommé par la réflexion et l'expérience. En plusieurs occasions, et particulièrement à Metz, ville dans laquelle il se trouva enfermé avec l'armée française, lorsque celle de Charles-Quint en faisait le siége, il donna la preuve de ses grands talens et de son noble courage.

Quant aux améliorations positives qu'il apporta dans l'art de la chirurgie, on lui doit la substitution de la ligature des artères à la cautérisation dont on avait fait jusqu'alors usage pour arrêter l'hémorragie après les amputations des membres; il

Depuis la publication du grand ouvrage de Vésale, les études anatomiques avaient pris un élan extraordinaire en Italie, et parmi les élèves que ce grand maître y avait formés, Gabriel Fallope, né à Modène en 1523, fut celui qui jeta le plus d'éclat. S'il était possible d'oublier un instant l'immense service que Vésale rendit à la science, en l'affranchissant de l'autorité pesante de Galien, pour ne la plus faire dépendre que de l'observation scrupuleuse de la nature, et si l'on considérait les expériences du maître en les comparant avec celles de l'élève, peut-être trouverait-on que G. Fallope a apporté dans ses travaux une sagacité, une pénétration, une délicatesse prudente, et une habileté dans ses recherches, qui, comme anatomiste au moins, le rendent supérieur à Vésale.

D'ailleurs, depuis que ce dernier était médecin à la cour de Madrid, l'impulsion qu'il avait donnée à la science en Italie s'était accrue en force et en vitesse. G. Fallope, après treize ans de professorat à Ferrare, toujours pénétré d'admiration pour son maître, crut cependant devoir faire sur ses ouvrages ce que Vésale avait fait sur ceux de Galien, et, en véritable savant élevé à ne s'en fier qu'à l'expérience, il publia en 1561 ses Observations anatomiques, dans lesquelles, tout en exposant ses propres découvertes, il signala avec le plus grand respect les erreurs et les omissions commises par son illustre maître. Cet ouvrage, extrêmement remarquable, fut lu avec avidité de son temps, et il est devenu le complément indispensable du grand travail de Vésale. Ces deux livres renferment l'exposition entière de l'état de la science anatomique pendant le xvIe siècle.

Les observations de G. Fallope furent lues attentivement par Vésale, qui de la cour de Madrid, et dans cette disposition d'esprit que j'ai fait connaître, fit une réponse à son élève dans la même année 1561.

Cette apologie est faible; il était difficile qu'il en fût autrement, puisque depuis plusieurs années, non-seulement Vésale était resté en arrière du mouvement scientifique qu'il avait imprimé, mais qu'il était dépourvu, à Madrid, de toutes les ressources qui eussent pu l'aider à se remettre au niveau des connaissances nouvellement acquises par G. Fallope et les jeunes anatomistes qu'il avait formés. Il y a quelque chose de triste et de touchant dans l'espèce d'exil où végétait cette belle intelligence de Vésale, au milieu de la cour de Philippe II. « J'espère cependant, dit-il en terminant son Examen, adressé à Fallope lui-même, s'il se présente quelque occasion favorable de faire des dissections (ce qui est douteux, puisque je n'ai même pas pu me procurer ici une tête osseuse); j'espère, dis-je, repasser la structure de l'homme en entier, et

posa les véritables règles à suivre dans le traitement des fractures compliquées de plaies, de telle sorte qu'ayant eu lui-même la jambe brisée d'un coup de pied de cheval, il dirigea le traitement avec une habileté qui, de l'aveu des hommes de l'art, ne pouvait être surpassée. C'est encore à lui que l'on doit la pratique du débridement des blessures. Il a d'ailleurs donné sur une foule d'opérations des préceptes qui n'ont point vieilli. Ses œuvres, dédiées à Charles IX, ont été publiées en 1573.

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