Obrazy na stronie
PDF
ePub

sinon que tous les hommes ne sont pas des métaphysiciens comme Clarke et comme Malebranche?

Il faut donc se rendre à l'opinion de Clarke sur la nature de l'espace. Bien interprétée, bien comprise, elle résiste à toutes les objections qu'on a soulevées contre elle. Elle n'aboutit pas à la confusion de Dieu avec le monde, elle ne fait pas de Dieu une intelligence mundana, comme l'en accuse Leibnitz, puisque, entre Dieu et le monde, entre son immensité et l'étendue matérielle, elle conserve la distance infinie qui sépare ce qui est limité de ce qui est sans limites, puisqu'il n'y a ni dedans ni dehors pour l'être dont l'attribut est l'immensité. Elle ne fait que traduire en une forme plus scientifique cette vérité vulgaire que Dieu est partout. Dieu est partout présent, et l'espace est un attribut de Dieu, me paraissent au fond deux propositions identiques, et je ne vois pas plus dans l'une que dans l'autre de sujet de légitimes alarmes. Enfin cette définition de la nature de l'espace est seule conforme à la raison, puisque seule entre toutes les autres elle peut rendre compte des caractères d'absoluité et d'infinité avec lesquels la raison conçoit l'espace.

L'espace infini étant un attribut de l'être in

fini, dans la notion d'espace, comme dans la notion d'infini, comme dans la notion de cause, la raison a toujours un seul et même objet, à savoir, l'être infini. Ainsi l'idée d'espace, qui est l'idée de l'immensité de l'être infini, se réduit, comme l'idée de cause absolue, à l'idée de l'infini.

CHAPITRE VI.

De l'idée du temps infini.

De son antécédent chronologique.

Le temps infini est absolu. - De l'objet de l'idée de temps infini. Exposition et critique des diverses opinions sur la nature du temps. · Critique de l'opinion vulgaire.

[merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small]

Critique de Locke et Critique de Kant. - De

Opinion de Clarke.

Le temps infini

- Définition de l'éternité de Dieu

opposée à la durée des créatures. Leibnitz.

Réfutation d'une objection de

Analogies entre le temps et l'espace. l'idée du temps avec l'idée de l'être infini.

[blocks in formation]

Toute intelligence humaine conçoit le temps avec les mêmes caractères que l'espace, c'est-àdire comme absolu et infini. Nous pouvons imaginer que tout ce qui se succède au sein du temps cesse un jour d'exister; mais il nous est impossible de supposer que le temps lui-même puisse être anéanti. La notion que nous avons de l'infinité du temps est tout aussi nette que la notion de l'infinité de l'espace. Nous comprenons tout aussi clairement le temps sans bornes que l'espace sans bornes, et si nous jugeons qu'il est sans bornes, ce n'est pas à cause de l'impuissance plus ou moins éprouvée de notre intelligence à lui poser une borne, mais parce que nous sommes persuadés à priori de son infinité.

Quel est l'antécédent fini et contingent à pro

pos duquel, suivant la loi générale qui a été posée, s'éveille en notre intelligence l'idée du temps nécessaire et infini? L'antécédent de l'idée d'espace infini se trouve dans l'exercice des sens et dans la notion de corps. L'antécédent de la notion de temps infini est d'une autre nature; il n'est pas au dehors, il est au dedans de nous; il n'est pas dans l'exercice des sens, mais dans l'exercice de la mémoire. De même que toute perception du tact nous suggère l'idée d'une étendue limitée, de même tout fait de mémoire renferme en lui l'idée d'une durée plus ou moins longue, et de même que l'idée de l'étendue révélée par les sens éveille en nous l'idée d'espace infini, de même c'est l'idée de durée enfermée dans tout fait de mémoire à propos de laquelle nous concevons la durée illimitée, le temps infini. Quelle est cette durée enfermée dans tout fait de mémoire? C'est notre propre durée. Nous ne pouvons nous souvenir sans savoir que nous avons duré, à partir du fait qui est l'objet du souvenir, jusqu'au souvenir lui-même. Pour que nous nous souvenions et que nous ayons l'idée de notre propre durée, la condition de la succession de deux ou de plusieurs idées et opérations n'est pas nécessaire. En effet, le moi est essentiellement actif, et il ne peut agir sans savoir qu'il agit, et il ne peut continuer d'agir sans savoir qu'il

continue d'agir; sans savoir que lui, qui agit le moment d'à présent, est le même qui agissait le moment d'auparavant, et par conséquent sans savoir qu'il a duré. Donc, l'idée de notre propre durée nous est donnée primitivement dans la conscience de notre activité continue, et non dans la succession de plusieurs opérations ou idées de notre esprit.

Cette idée de notre propre durée, puisée dans le sentiment de la continuité de notre activité, est l'antécédent chronologique de l'idée du temps infini. C'est de l'idée de notre propre durée limitée et contingente que nous allons dans l'ordre de la connaissance, à l'idée du temps infini; mais s'il en est ainsi au point de vue de la connaissance, il n'en est pas de même dans l'ordre de la réalité. En effet, ce qui a une restriction ne suppose-t-il pas toujours antérieurement à lui ce qui n'a pas cette restriction? L'infini n'est-il pas nécessairement le principe et le fondement du fini? Notre durée a donc pour antécédent logique la durée infinie dont elle n'est qu'une restriction, une limitation, dont elle n'est, pour ainsi dire, qu'un dépôt partiel et momentané.

Cette durée infinie est absolue; elle s'écoule la même pour tous les êtres, quels que soient leur

« PoprzedniaDalej »