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De cette conception de la nature de l'espace Clarke déduit immédiatement une preuve de l'existence de Dieu dont la forme lui appartient. L'espace est nécecsaire et infini, et il n'est pas une substance, il est un attribut; il est donc l'attribut d'une substance nécessaire et infinie. En d'autres termes, nous ne connaissons pas les substances en elles-mêmes, mais seulement par leurs attributs; et c'est par leurs attributs que nous jugeons de leur nature. Or, l'espace est une attribut infini et nécessaire; donc, l'idée de l'espace révèle à priori à toutes les intelligences l'existence d'un être infini et nécessaire, puisque toutes les intelligences ont l'idée d'un espace nécessaire et infini.

Malebranche et Fénelon ont conçu de la même manière la nature de l'espace.

Malebranche, après avoir distingué l'étendue intelligible infinie de l'étendue matérielle finie, la définit ainsi : « L'étendue intelligible est éternelle, immense, nécessaire; c'est l'immensité de l'être divin'. » Dans les Entretiens métaphysiques il dit : « Les esprits sont dans la raison divine, et les corps sont dans son immensité; » et d'une manière plus expressive encore : « Le lieu de sa substance est sa substance même 2. >>

1 Méditations chrétiennes, neuvième méditation. 2 Huitième entretien mét., p. 7.

Fénelon a développé la même opinion dans le chapitre sur l'immensité du traité de l'existence de Dieu. Il fait résider dans l'essence de Dieu tout ce que l'étendue a de positif; c'est-à-dire l'étendue sans rien de ce qui la limite, car l'étendue avec une limite constitue la nature corporelle, tandis que l'étendue sans limite constitue l'immensité, qui seule convient à l'être infini. Ainsi, selon Newton et Clarke, selon Malebranche et Fénelon, c'est Dieu qui est le substratum de l'espace; l'espace est l'immensité de l'être divin.

Enfin je termine cette énumération en rappelant l'opinion de Kant, qui diffère profondément de toutes les autres. Selon Kant, l'espace n'est ni une substance, ni une propriété, ni un rapport des choses; il n'est rien de réel en dehors de la pensée qui le conçoit. Il n'a de réalité que comme une forme de la pensée, que comme une condition subjective de la sensibilité. Nous ne pouvons percevoir un phénomène sensible quelconque, sans le placer au sein de l'espace. De cette nécessité où nous sommes de placer tout corps dans l'espace, Kant tire cette conclusion, que l'espace est une pure forme de la sensibilité, à travers laquelle passent nécessairement les intuitions sensibles qui toutes en subissent l'empreinte. Ainsi, selon Kant, l'espace n'est pas une substance; il

n'adhère aux choses ni comme condition ni comme propriété, et il n'a aucune espèce de réalité, abstraction faite de notre intuition sensible. Il ne faut pas confondre l'opinion de Kant avec celle de Leibnitz. L'espace, il est vrai, selon Leibnitz, n'est qu'un rapport aperçu par l'esprit entre les choses; mais ce rapport a une certaine valeur objective, puisqu'il existe indépendamment de l'esprit qui le perçoit; les choses, en effet, continuent à coexister, soit que nous apercevions ou nous n'apercevions pas leur coexistence. Ainsi, l'espace de Leibnitz n'est pas une pure forme de la pensée, et en tant que rapport réel des choses entre elles, il a encore une certaine valeur objective, une certaine réalité en dehors de notre esprit, qui le conçoit. Il n'en est pas de même de l'espace de Kant: il n'a aucune espèce d'existence soit comme réalité, soit comme attribut, soit comme rapport en dehors de la pensée qui le conçoit; il est une pure forme de notre intelligence, une forme nécessaire, inhérente à la constitution au travers de laquelle elle perçoit toutes choses.

Je ne connais pas, soit dans l'histoire de la philosophie ancienne, soit dans l'histoire de la philosophie moderne, une seule opinion qui ne rentre dans une de celles que je viens d'exposer. C'est donc entre ces cinq solutions opposées que

doit s'agiter toute la discussion sur la vraie nature de l'espace. L'espace est-il une réalité distincte et indépendante de Dieu et du monde? est-il identique à l'étendue matérielle? est-il un attribut? est-il un simple rapport entre les choses? ou bien seulement une forme de la pensée? voilà les solutions entre lesquelles nous devons nécessairement opter. Comment reconnaîtrons-nous celle qui doit l'emporter sur toutes les autres, celle qui est la vraie? Nous la reconnaîtrons à ce signe, qu'elle puisse rendre compte des caractères sans lesquels la raison ne peut concevoir l'espace. Ainsi, toute solution sur la nature de l'espace qui exclura le caractère de l'infini et de l'absolu sera fausse, et celle-là seulement sera vraie qui pourra expliquer et justifier ce caractère.

DE LA NATURE

CHAPITRE V.

Examen critique de ces diverses opinions sur la nature de l'espace. - Critique de l'opinion de Kant. Critique de l'opinion vul

gaire. Critique de l'opinion de Descartes.

nion de Leibnitz.

- Critique de l'opiDe la vraie nature de l'espace. - Opinion de Malebranche, Fénelon, Clarke et Newton. L'espace est l'immen

sité de l'être infini.

il faut l'entendre.

De l'omniprésence de Dieu. En quel sens
De la preuve de l'existence de Dieu fondée
Réfutation d'une objection de
Identité de l'idée d'espace avec l'idée de

par Clarke sur l'idée de l'espace.
M. Royer-Collard.
l'être infini.

De toutes les opinions sur la nature de l'espace, celle de Kant me paraît la plus opposée à la vérité, parce qu'elle contredit le témoignage de la raison qui nous atteste la réalité objective de l'espace. Kant affirme que l'espace n'est qu'une forme de notre pensée. Dans cette première affirmation est déjà contenue la conclusion suprême de toute la critique de la raison pure; si elle était vraie, indépendamment des catégories et des antinomies, elle suffirait à elle seule pour couper court toute prétention de l'esprit humain à la connaissance des objets en eux-mêmes ou de la vérité absolue. Il semble donc que Kant aurait dû environner de preuves ce point fondamental de sa doctrine, et cependant il n'en a rien fait. Les difficultés, les contradictions qu'engendre, selon

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