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cipons en quelque chose à son essence, nous sommes infiniment loin de participer à son essence tout entière; si en raison de cette participation incomplète nous voyons en lui quelque chose de ce qui y est réellement, c'est-à-dire quelque chose de la vérité absolue, nous sommes assurément bien loin d'y voir tout ce qui y est, c'est-à-dire d'y voir toute la vérité absolue. Il n'y a pas à douter que si par un développement ultérieur nous entrions un jour en une participation plus vaste et plus intime avec l'essence et les attributs de Dieu, nous verrions de la vérité absolue plus qu'il ne nous est donné d'en voir aujourd'hui dans notre condition actuelle; mais cette portion de vérité que nous pouvons voir actuellement, nous continuerions à la voir telle que nous la voyons. En d'autres termes, notre connaissance serait agrandie, elle ne serait pas changée, nous verrions plus, mais nous ne verrions pas autrement. Dans notre condition actuelle nous n'apercevons qu'un point de l'absolue réalité; mais dussionsnous un jour dans une autre existence la contempler tout entière, nous reconnaîtrions en son sein ce point infiniment petit, le seul qu'il nous soit donné d'y apercevoir aujourd'hui, semblables à celui qui, tombé dans un profond précipice, ne découvre plus qu'un seul astre du firmament, et qui, retiré du fond de l'abîme et contemplant tout

à coup la voûte azurée tout entière, l'infinité des astres dont elle est parsemée, reconnaît encore, au milieu de leur multitude infinie, cet astre unique qu'il apercevait du fond du précipice.

Concluons que toute espèce de doute sur la légitimité de la faculté de connaître manque de fondement, et que tous les nuages métaphysiques amoncelés par le scepticisme sur la question de la certitude se dissipent en présence de la vraie conception de la nature de la raison. Continuons de croire avec le genre humain tout entier que la vérité et la justice que notre raison nous révèle sont une portion du vrai et du bien absolus et non pas de vaines apparences relatives à notre nature. Ce qu'est le vrai et le bien au regard de notre intelligence est également le vrai et le bien au regard de toutes les intelligences possibles, au regard de Dieu même; nous devons donc le chercher et l'accomplir sans incertitude, sans hésitation, au prix de tous les efforts et de tous les sacrifices.

CHAPITRE XV.

Peut-on légitimement accuser de panthéisme cette théorie de la raison impersonnelle? - De la question des rapports de Dieu avec le

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monde. Elle a reçu deux grandes solutions opposées, le déisme et le panthéisme. Définition et critique du déisme. — Conséquences du déisme. Définition et critique du panthéisme. — Distinction de deux sortes de panthéisme. - Panthéisme naturaliste. Panthéisme idéaliste. Du principe et de la méthode du panthéisme idéaliste.—De la nature de l'homme dans ce système. · Des causes principales qui in

Conséquences du pantheisme.

clinent les esprits au déisme ou au panthéisme.

Des divers principes que je viens d'établir, résulte une union intime du créateur avec la crature, une participation continue de l'homme avec Dieu. En effet, j'ai placé dans l'être infini l'essence de tout ce que les êtres finis contiennent en eux de positif et de réel; j'ai défini l'espace, l'immensité de Dieu, le temps, son éternité; j'ai démontré que la raison impersonnelle n'était pas une faculté de notre intelligence finie, mais Dieu lui-même, présent en nous, en vertu de son infinité. De telles doctrines ne sont-elles pas contradictoires avec l'individualité et la personnalité de l'homme, ne sont-elles pas équivalentes au panthéisme, et n'y a-t-il pas de milieu possible entre la séparation absolue et l'identification ab

solue de Dieu avec le monde? Voilà ce qu'il faut sérieusement examiner.

On sait quel abus incroyable il a été fait, de nos jours, de l'accusation du panthéisme. Nul système contemporain, soit dans la philosophie allemande, soit dans la philosophie française, n'a eu la fortune d'y échapper. Il semble, à voir comment on en use, qu'une telle accusation se suffit à elle-même et se passe de toute définition, de toute preuve, de toute discussion. Dans l'arsenal des ennemis de la philosophie, le panthéisme a pris la place que tenait autrefois l'athéisme. C'est aujourd'hui le mot qui exprime en raccourci tous les mauvais vouloirs, toutes les haines contre la philosophie; c'est le mot magique à l'aide duquel on espère faire courir sus à la philosophie et aux philosophes. Néanmoins il a dû en coûter d'abandonner la vieille accusation d'athéisme. Elle était plus claire et plus nette, elle devait agir plus vivement sur la foule. Aussi n'y a-t-on renoncé qu'avec peine, et en présence de l'irrésistible clarté et du rôle dominant de l'idée de Dieu dans la philosophie contemporaine. Un moment déconcertés par le caractère nouveau de la philosophie qui s'est élevée en France sur les ruines de la philosophie sensualiste, bientôt nos éternels ennemis se sont ravisés, et changeant soudain

de tactique et de langage, ils ont accusé les philosophes d'aujourd'hui de mettre Dieu en tout et partout, comme ils accusaient les philosophes d'autrefois de ne le mettre nulle part.

Assurément il serait ridicule d'entreprendre de prouver que nous ne sommes pas panthéistes, à ces hommes aveugles et passionnés qui ne peuvent supporter aucune espèce de philosophie; mais il ne sera pas inutile de démontrer aux esprits éclairés et sages que, pour ne pas séparer Dieu de l'homme et du monde, nous ne le confondons pas cependant, nous ne l'identifions pas avec le monde.

La question de savoir si la théorie de la raison impersonnelle, telle que je l'ai exposée, est entachée ou bien est pure de panthéisme, rentre dans la question générale des rapports de Dieu avec le monde. Dans quel rapport la création subsistet-elle avec le créateur ? Comment concilier l'infinité de Dieu avec l'existence distincte et individuelle des créatures? Voilà la question.

Signalons d'abord les deux grands écueils contre lesquels plus d'une fois la philosophie a fait naufrage, lorsqu'elle a tenté de résoudre cette grande et difficile question des rapports de Dieu

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