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une équivoque à laquelle on ne prend point d'ordinaire assez garde, car il ne faut pas s'imaginer que la raison que l'homme consulte soit corrompue, ou qu'elle se trompe jamais lorsqu'il la consulte fidèlement. Je l'ai dit et je le redis encore, il n'y a que la souveraine raison qui nous rende raisonnables. Il n'y a que Dieu qui nous parle clairement etsachenous instruire. Nous n'avons qu'un véritable maître, Jésus-Christ Notre Seigneur, la sagesse éternelle, le Verbe du père en qui sont les trésors de la sagesse et de la science de Dieu, et c'est une impiété que de dire que cette raison universelle à laquelle tous les hommes participent, et par laquelle seule ils sont raisonnables, soit sujette à l'erreur ou capable de nous tromper. Ce n'est point la raison de l'homme qui le séduit, c'est son cœur; ce n'est point sa lumière qui l'empêche de voir, ce sont ses ténèbres; ce n'est point l'union qu'il a avec Dieu qui le trompe, ce n'est pas même en un sens l'union qu'il a avec son corps, c'est la dépendance où il est de son corps, ou plutôt c'est qu'il veut se tromper luimême, c'est qu'il veut jouir du plaisir de juger avant de s'être donné la peine d'examiner, c'est qu'il veut se reposer avant d'être arrivé au lieu où la vérité repose'. »

1 Douzième éclaircissement à la recherche de la vérité.

Telle est l'exacte détermination de la vraie nature de la raison, et tels sont les caractères qui nécessairement en découlent. La raison est divine, non pas en un sens poétique et figuré, mais au sens propre, au sens le plus rigoureux. Elle n'est pas un rayon échappé de Dieu et pénétrant dans la conscience, car comment concevoir un rayon échappé de l'être infini, et allant au delà de l'être infini, et pénétrant où il ne pénètre pas? Elle est Dieu lui-même, Dieu présent en nous d'une manière substantielle en vertu de son infinité. Elle est Dieu même à la fois sujet et objet dans la connaissance de l'infini, car à un sujet fini ne peut correspondre un objet infini, car deux termes infinis ne peuvent exister en face l'un de l'autre. Ainsi elle est en nous, mais elle n'est pas nous, elle ne constitue pas notre moi, notre personnalité, elle est ce qui relie notre individualité à toutes les autres individualités et à Dieu lui-même, elle est la racine par laquelle tout homme tient à l'infini, elle est impersonnelle.

Quand donc avec Descartes, avec Malebranche, avec Bossuet, avec Fénelon, et avec presque tous les grands métaphysiciens, nous proclamons la souveraineté et l'infaillibilité de cette raison impersonnelle, nous proclamons tout simplement la souveraineté et l'infaillibilité de Dieu lui-même.

Cependant cette opinion est devenue aujourd'hui le texte des plus vives et des plus injustes déclamations contre la philosophie contemporaine. Des théologiens qui ne nous ont sans doute pas compris, et qui semblent avoir totalement perdu ou la tradition ou l'intelligence de ces hautes doctrines métaphysiques ouvertement professées autrefois par les plus grands de tous les théologiens, nous ont accusés de déifier la raison, de relever les autels de l'exécrable déesse Raison1. La définition que je viens de donner de la vraie nature de la raison met en évidence la fausseté de toutes ces accusations. Lorsque nous déifions la raison, nous ne faisons pas un Dieu de ce qui n'en est pas un, nous ne dressons pas des autels à une idole, nous ne déifions que ce qui est divin, nous ne faisons que reconnaître Dieu là où il est, Dieu présent dans la conscience comme il est présent dans le monde.

1 Lettres pastorales de l'évêque de Chartres.

CHAPITRE XIV.

Du fondement de la certitude.

De la forme unique sous laquelle s'agite aujourd'hui la question entre le scepticisme et le dogmatisme. La raison est-elle capable de la vérité absolue ou seulement d'une vérité relative. — Nier que la raison soit capable de la vérité absolue, c'est affirmer le plus radical scepticisme. Pour détruire ce scepticisme issu de Kant il faut l'attaquer dans son principe. Ce principe est la distinction de deux termes au sein de la connaissance de l'absolu. - Si on accorde au scepticisme cette distinction, il est invincible. Mais dans la connaissance de l'absolu il n'y a qu'un terme unique à la fois sujet et objet. Donc il n'y a pas d'altération possible de la vérité absolue.- Hors de la participation de l'homme avec Dieu, il n'y a plus de vérit absolue, il n'y a plus que scepticisme et confusion. - L'homme connaît la vérité absolue, mais il ne la connaît pas tout entière, il ne la connaît qu'en raison du degré de sa participation à l'essence de Dieu.

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La raison est le principe et le fondement de la connaissance humaine tout entière. Il n'y a pas une seule idée contingente qui n'ait pour antécédent logique l'idée de l'infini et de l'absolu; il n'y a pas une seule idée contingente qui n'éveille en notre intelligence l'idée de ce qui ne passe pas et n'a pas de limites. Toutes nos connaissances reposent en dernière analyse sur un principe nécessaire et absolu de la raison. Donc autant vaut la raison, autant vaut la connaissance humaine tout entière. Si la raison a une valeur ab

solue, nous pouvons légitimement aspirer à la connaissance de la vérité absolue; si la raison n'a au contraire qu'une valeur relative, nous sommes condamnés à ne jamais saisir qu'une vérité relative, une vérité purement humaine.

Telle est la forme unique sous laquelle s'agite aujourd'hui la question du scepticisme et du dogmatisme. Le scepticisme actuel issu de Kant semble avoir désormais renoncé à tous les arguments tirés d'une analyse superficielle de la connaissance humaine, dont si longtemps le scepticisme ancien a fait tant de bruit. Les sceptiques d'aujourd'hui ne nous entretiennent plus des prétendues erreurs des sens, de prétendues contradictions entre les divers témoignages de nos facultés intellectuelles. Ils ne s'arment plus contre la possibilité de la certitude de ces contradictions plus réelles, qui ont existé, qui existent encore entre les opinions des hommes et surtout entre les opinions des philosophes. Ils ne perdent pas le temps à ébranler les fondements de tel ou tel principe particulier de la connaissance, soit du principe de causalité, soit du principe de la substance. Ils condamnent à priori la connaissance humaine, en tant que connaissance humaine, à une ignorance éternelle de la vérité absolue. En effet, disent-ils, comment connaissons-nous les

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