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a dit Leibnitz, serait un miroir de l'univers, donc chaque monade serait belle ou sublime.

Sans doute cela est vrai au point de vue de l'absolu, cela est vrai au regard de l'intelligence divine, mais cela n'est pas vrai au point de vue du relatif et du contingent, c'est-à-dire au regard de notre intelligence imparfaite et bornée. Chaque monade à nos yeux n'est pas un miroir de l'univers, il ne nous est pas donné de voir les rapports de chaque chose avec l'ensemble des choses, et par conséquent nous ne voyons pas, nous ne pouvons voir en toutes choses une expression, une manifestation de l'infini. Si donc tout est beau dans la réalité, et au regard de l'intelligence infinie, tout n'est pas beau, tout ne peut pas être beau au regard de notre intelligence finie. En définissant le beau, la manifestation sensible de l'infini, nous laissons donc subsister néanmoins dans toute sa force, par rapport à notre intelligence, la distinction de ce qui est beau ou sublime, et de ce qui n'est ni beau ni sublime.

Ainsi le beau en soi, c'est l'infini manifesté d'une manière sensible; ainsi l'objet de la raison dans l'aperception du beau absolu est encore l'être infini comme dans toutes ses autres aper

ceptions. C'est de l'être infini que toute beauté découle, c'est par lui que sont belles toutes les choses belles, et sublimes toutes les choses sublimes. C'est lui qui, selon une expression non moins vraie et profonde que poétique, est la beauté toujours ancienne, la beauté toujours nouvelle. Toute beauté périssable et terrestre n'est qu'un rayon de l'éternelle et céleste beauté. Il n'y a du beau et du sublime que là où Dieu se montre, que là où notre raison découvre un symbole plus ou moins pur, plus ou moins parfait de son infinité et de ses perfections souveraines. Enfin, pour me servir encore de la belle expression de Bossuet, la beauté n'est qu'un rejaillissement de l'image de Dieu sur la face de l'univers, ou un épanchement de ses rayons, comme l'a dit Leibnitz '.

Les idées de cause, de temps, d'espace, d'ordre, de bien et de beau, étant les seules idées universelles et absolues, les seules idées qui relèvent de la raison, j'ai maintenant démontré que toutes ces idées se réduisent à une seule idée, l'idée de l'infini, et se rapportent à un seul objet, l'être infini. A quoi correspond l'idée d'infini? A l'être infini lui-même dont elle renferme l'existence. Quel est l'objet de l'idée de cause absolue? C'est

1 Préface de la Théodicée.

l'être infini qui a la causalité absolue pour essence même. Qu'est ce que l'espace en soi, le temps en soi ? C'est l'immensité et l'éternité de l'être infini. Qu'est-ce que l'ordre en soi? sur quoi repose l'idée de cet ordre absolu, que notre raison conçoit? Elle repose sur l'immutabilité de Dieu, immutabilité qui résulte de son essence même et de sa sagesse souveraine. Qu'est-ce que le bien en soi? C'est l'ordre éternel des perfections de Dieu, ordre éternel qui est la loi que Dieu même suit invinciblement, et qui devient la loi de tous les êtres intelligents, par suite de leur union avec la raison de Dieu. Enfin qu'est-ce que le beau en soi ? C'est encore l'infini, mais l'infini manifesté par le fini, par le sensible.

Ainsi ramenées à l'unité, les idées de la raison s'éclairent les unes par les autres. Par l'unité de leur objet s'explique l'unité de leurs caractères et de leur origine; par la nature de cet objet, s'expliquent leur universalité et leur caractère absolu. Enfin cette réduction de toutes les idées de la raison à l'idée de l'infini nous conduit naturellement à l'exacte détermination de la véritable essence de la raison; détermination qui était impossible sans la démonstration préalable de l'unité des idées de la raison et de l'unité de leur

objet. Cherchons donc maintenant quelle est la nature de cette merveilleuse faculté par laquelle notre intelligence entre en possession du nécessaire, de l'absolu, dé l'infini.

CHAPITRE XIII.

De la nature de la raison.

La raison ne peut être une faculté personnelle et limitée. Le fini ne peut connaître l'infini.-Deux termes infinis ne peuvent coexister. Il ne peut donc y avoir qu'un terme à la fois sujet et objet dans la connaissance de l'infini. Ce terme unique est l'être infini présent substantiellement en nous en vertu de son infinité. — Définition de la nature de la raison. Comment cette définition se rattache à tout ce qui précède. — Elle ne s'applique qu'à la connaissance de l'infini, et non à la connaissance du fini. — Critique de quelques métaphores au sujet de la raison. — Impersonnalité de la raison. — Citations de Malebranche, de Fénelon, de Bossuet, de M. Cousin. — Ils ont conçu de la même manière la nature de la raison. C'est de la nature divine de la raison que découlent tous ses caractères.

Il ne suffit pas d'avoir montré dans l'intelligence humaine l'existence de la notion de l'infini, d'avoir prouvé que toutes les idées absolues se ramènent à cette notion de l'infini, et d'avoir distingué de toutes les autres la faculté de notre intelligence en vertu de laquelle, êtres limités et imparfaits, nous concevons l'illimité et le souverainement parfait. Au-dessus de toutes ces questions, il en est une autre plus élevée, plus délicate, plus difficile, celle de la nature et de l'essence même de la raison. Je ne connais pas de questions sur laquelle on ait accumulé davantage les équivoques, les métaphores vagues et poétiques.

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