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plétement placés en dehors les uns des autres, n'en résulte-t-il pas qu'entre cette diversité qu'elle nous montre et l'être infini, l'unité absolue que la raison conçoit, il n'y a pas contradiction? Sans doute l'expérience ne nous donne pas ce que nous donne la raison; mais elle ne nous donne rien qui aille contre la raison, et c'est là ce qui nous importe. C'est donc à tort qu'on prétend opposer le témoignage de l'expérience à celui de la raison. Toutes choses se tiennent, toutes les existences sont enchaînées les unes aux autres; voilà ce que l'expérience nous enseigne. Il y a une unité absolue, il y a un être infini; voilà ce que la raison nous force impérieusement de croire. Non-seulement ces deux témoignages ne se contredisent pas, mais ils s'accordent parfaitement l'un avec l'autre.

S'il est certains esprits qui répugnent à toutes les considérations dont l'infini est l'objet, il en est d'autres moins superficiels, plus disposés aux spéculations métaphysiques, qui y entrent avec facilité. Non-seulement ces esprits n'ont pas de répugnance à accepter ou plutôt à reconnaître en eux l'idée de l'infini, à la suivre dans sa portée et dans ses conséquences, mais encore ils ont bien moins de peine à la concevoir qu'à concevoir l'idée du fini. Quiconque y pense sérieusement se

rend mieux compte de l'existence de l'infini que de l'existence du fini. A concevoir l'infini, il n'y a pour la raison aucune difficulté. Il n'en est pas de même de l'idée du fini: pour celui qui veut l'approfondir elle soulève de graves et difficiles problèmes, elle tourmente incessamment la raison, qui ne l'accepte qu'avec une sorte d'hésitation et d'embarras, parce qu'elle aperçoit en elle le principe de contradictions dont au premier abord la conciliation lui échappe, tandis qu'au contraire elle se repose paisiblement au sein de l'idée de ce qui existe par soi-même, de ce qui ne passe pas, de ce qui n'a pas de bornes, de ce qui n'est pas soumis à des conditions, de ce qui ne souffre aucune espèce de restriction, en un mot de l'idée de l'infini. Aussi le grand problème de toute métaphysique un peu profonde a-t-il toujours porté sur l'existence du fini et non sur l'existence de l'infini. La métaphysique démontre sans effort l'existence d'un premier être existant par luimême, d'un être infini; mais l'existence de cet être infini étant posée, elle a de la peine à concevoir et déterminer l'existence des êtres finis dans leur rapport avec l'être infini. Comment, en dehors de l'être infini, quelque chose peutil exister qui ne soit pas lui? comment l'homme en particulier pourra-t-il être conçu en tant qu'être indépendant et libre, en tant que doué

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d'une certaine substantialité et d'une certaine causalité propre? Quel peut être le rapport des êtres finis en général et de l'homme en particulier avec cet être infini? Sera-t-il en rapport d'émanation, ou de participation substantielle, ou de création continue? De quelle manière le concevoir pour ne pas compromettre l'existence des êtres finis, pour ne pas rendre incompréhensible et contradictoire le fait de notre causalité et de notre substantialité? Comment l'être infini a-t-il pu conférer ou déléguer une partie de son essence à des êtres séparés ou même distincts de lui? Comment, si tout dérive de son essence et de sa causalité, pourra-t-il exister quelque chose qui n'en soit pas une simple manifestation, quelque chose qui possède réellement de la personnalité et de la liberté? Voilà, je le répète, le difficile problème qui, en tout temps, a attiré vers lui les méditations et tourmenté le génie de tous les grands métaphysiciens.

Si je parle ainsi, ce n'est pas assurément que veuille faire le sacrifice métaphysique du fini à l'infini; j'ai voulu seulement montrer combien il serait facile de récriminer contre ceux qui nient systématiquement l'infini, sous le prétexte qu'il est incompréhensible. Non-seulement l'idée de

l'infini n'est pas de sa nature une idée incompréhensible et négative, mais elle est beaucoup plus claire que l'idée du fini, mais elle est la seule idée positive, parce que, seule entre toutes les idées, elle n'admet en elle aucune restriction, aucune condition, aucune négation. Ainsi, en dépit de tous les arguments des sensualistes et des sceptiques pour la mettre en doute, la réalité de l'existence de l'idée de l'infini dans notre intelligence est incontestable. Cette réalité deviendra plus évidente encore à mesure que j'avancerai dans la discussion successive des questions psychologiques et ontologiques relatives aux diverses idées de la raison, qui toutes ne sont que des points de vue différents de l'idée d'infini. Mais il ne suffit pas d'avoir établi la réalité de cette idée au sein de l'intelligence, il faut la suivre dans toute sa portée ontologique, il faut nous élever jusqu'à la contemplation de son objet et en déterminer la

nature.

CHAPITRE II.

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L'idée de l'infini a pour objet l'être infini. - La vérité de l'existence de l'être infini est enfermée dans l'idée que nous en avons. —L'esprit l'aperçoit immédiatement et ne la conclut pas par voie de syllogisme. L'idée de l'infini est le fondement de la seule vraie preuve de l'existence de Dieu. - Par l'idée de l'infini notre intelligence est en rapport continuel avec Dieu. - Universalité de la croyance en un Dieu infini et souverainement parfait. - Elle a existé plus ou moins claire dans toutes les religions. - Religion de l'Inde. — Religion de la Perse. — Religion de l'Égypte. — Religion de la Grèce et de Rome. Toutes les différences religieuses consistent dans le plus ou le moins de clarté de cette notion universelle du Dieu un et infini. — Définition de l'essence de l'être infini. — Il contient en lui tout ce qu'il y a de réel et de positif dans les créatures, soit dans les esprits, soit dans les corps. — L'être infini ne peut pas plus être conçu comme esprit que comme corps. - Il n'en contient pas moins en lui tout ce qu'il y a de réel dans notre intelligence sous la raison de l'infinité.

Nous sortons de la psychologie pour entrer dans l'ontologie. De l'idée de l'infini nous allons nous élever à son objet, c'est-à-dire à l'être infini lui-même. Mais comment et par quelle voie? Par la voie que Descartes et Malebranche nous ont tracée. Etres finis et bornés, nous avons en nous, par le plus merveilleux des prodiges, l'idée de l'infini. Nous avons cette idée en nous, mais d'où nous vient-elle? Où avons-nous pu puiser cette idée qui est tellement au-dessus de nous, qui par sa grandeur confond à un tel point la petitesse de

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