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» Cette dédicace ne produisit aucun des effets qu'en avoit espéré l'auteur. Le Roi n'y fit pas la moindre attention. M. de Saint Hyacinthe s'imagina que c'étoit l'effet des mauvais services que M. de Voltaire lui avoit ren-, dus à la cour de Prusse; c'est ce qu'on peut voir dans les lettres qu'il m'adressa, et que je vais rapporter.

» Il m'écrivit le 8 juillet 1744. « J'ai reçu une lettre de M. Jordan; il m'avoit écrit, quand j'envoyai à Berlin l'exemplaire pour le Roi, avec plusieurs autres, qu'il l'avoit fait tenir. « au Roi ; et que dès que le Roi seroit de re» tour, et qu'il sauroit sa volonté, il m'en in» formerait. Voltaire passa dans ce temps-là à « Roterdam, en allant en Prusse; M. de Bruas » lui fit présent d'un exemplaire de mes Re» cherches, croyant l'engager à me rendre de » bons offices en Prusse; Voltaire tint de moi » beaucoup de mauvais discours, et je me dou» tois bien qu'il me nuiroit de son mieux. En effet, j'ai été près d'un an sans recevoir des » nouvelles de M. Jordan, et pour m'assurer » de la vérité de ce que je soupçonnois, j'écri» vis une lettre à M. Jordan, pour me plaindre de ce qu'après m'avoir écrit qu'il me > manderoit son sentiment de mon livre, » quand il l'auroit lu, et celui de ses amis, >> il avoit oublié de me faire cette grace. Je » ne lui parlai point du Roi ni de Voltaire, dont je disois seulement qu'un poète, à son

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>> retour de Berlin, avoit assuré, à un de mes >> amis de Roterdam, que mon livre n'y avoit

pas réussi ; mais que comme les poètes sont » fort accoutumés à la fiction, je le priais, lui, » M. Jordan, de me dire, au vrai, ce qui » en étoit, le priant de me croire assez galant » homme pour penser que je pouvois faire un » mauvais livre, et même pour me l'entendre » dire. J'ai reçu une lettre concertée, où l'on »> ne me dit pas un mot ni du Roi ni du poète, » où on parle assez bien de mon livre; d'ail>> leurs lettre polie, mais d'un froid poli, en comparaison des autres. Ainsi, mon très» cher ami, il n'y a rien à espérer de ce côtélà; et qui, en effet, sera ami de Voltaire, » ne le sera pas de moi. Si, après le premier >> voyage que ce poète fit à Berlin, on ne m'eût >> pas écrit de Paris qu'il étoit revenu disgracié » du Roi de Prusse, quelque admiration que j'eusse pour ce que j'apprends de ce Prince, je ne lui aurois pas fait l'honneur de lui dé» dier mon livre, mais la chose est faite ».

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« M. Jordan, qui étoit en relation avec M. de Saint Hyacinthe, étoit un homme de lettres qui avoit une place à la cour de Prusse; il est connu par plusieurs ouvrages, et entre autres par l'Histoire de M. de la Croze.

» M. de Saint Hyacinthe m'écrivit une lettre, dans laquelle il répète à peu-près ce qu'il m'avoit déjà mandé; elle est du 10 octobre 1745. La voici :

« C'est Voltaire qui a mal disposé le Roi de » Prusse à mon égard. Il arriva justement que » ce poète alla en Prusse lorsque mes Recher»ches y arrivèrent; et le silence du Roi, qui << ne m'a pas seulement fait dire qu'il les avoit » reçues, est un effet de l'amitié de ce Prince » pour ce poète; aussi je ne les lui aurois pas » dédié, si je n'avois cru, sur ce qu'on m'a» voit écrit, que leur amitié étoit rompue, » bien persuadé que qui est ami de Voltaire, » n'est pas propre à l'être de Saint Hyacinthe».

Cette pièce est la dernière de celles qui furent publiées sur cet indécent débat. J'en terminerai le récit par cette réflexion qu'approuveront tous les amis'de la vérité : Si M. de Voltaire a payé son tribut à l'humanité par quelques foiblesses, elles n'ont pas terni l'éclat des grandes vertus par lesquelles il a signalé sa vie; et la postérité, qui depuis long-temps a commencé pour lui, ne se souvient plus que de ses titres à l'admiration et à la gloire.

M. de Saint Hyacinthe s'occupoit encore de divers travaux que la mort l'empêcha de terminer. On voit, par un avertissement que contient son dernier ouvrage, qu'il devoit être bientôt suivi d'un autre du même genre. L'idée qu'en donne l'auteur, semble le rappro→ cher beaucoup de celui dont il avoit publié le prospectus en 1728, et qui n'avoit point été imprimé. Il paroît en outre, si l'on en juge par ce qu'il dit à la fin de la Déïfication,

qu'il travailloit à un Florilegium poeticum, et à un Traité de la mosaïque littéraire, ou l'Art de faire des livres avec des pièces de rapport. « Art admirable, dit-il, auquel tant de geus doivent leur réputation, qu'il est étonnaut que personne, jusqu'ici, n'en ait réduit la pratique en règle ». On trouve à la fin de l'édition in-folio du Parnasse français, une lettre mêlée de vers, écrite à M. Titon du Tillet, par M. de Saint-Hyacinthe, sur cet ouvrage; elle avoit déja paru dans la Bibliothèque raisonnée des Ouvrages des Savans de l'Europe. On lit encore dans les lettres de Madame Dunoyer, et dans d'autres recueils, quelques poésies dont il est auteur, et qui ont été réunies dans les Pièces échappées au feu (z).

J'ai omis, dans le cours de cette notice, de parler de quelques écrits, dont on a supposé que M. de Saint Hyacinthe étoit auteur. S'étant toujours tenu caché sous le voile de l'anonyme, il en est résulté qu'en lui en attribuant quelques uns qu'il avoit réellement composés, les bibliographes ont pu regarder comme de lui, quelques ouvrages publiés de son temps, et qui ne lui appartiennent pas (z). Il paroît ne s'être exercé qu'une seule fois dans le genre dramatique, et y avoir bientôt renoncé pour toujours, son essai n'ayant pas été heureux. J'extrais textuellement l'anecdote suivante de la suite du Journal historique de Collé, qui est sur point de paroître (aa). « J'ai

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entre mes mains une comédie en manuscrit de l'Incertain, qui est, je pense, mille fois encore plus mauvaise que les deux autres (l'Irrésolu de Destouche, et une autre pièce intitulée l'Indécis), quoiqu'elle soit de la main de l'auteur du Chef-d'œuvre d'un Inconnu M. de Saint Hyacinthe; c'est peut-être cette comédie même qu'il apporta chez Madame de Tencin. Après en avoir lu les trois premiers actes à des gens d'esprit qui étoient chez cette Dame, il s'apperçut qu'un froid mortel avoit gagné ses auditeurs, il s'arrêta tout court et dit: Je vois bion Messieurs, que ma comédie vous ennnuie; plusieurs de vous bâillent; tout le monde paroît glacé, je sens bien que mon ouvrage ne vaut rien, je n'en acheverai pas la lecture, et il ne verra jamais le jour. Après avoir prononcé cela du plus grand sang-froid, et à ce que l'on m'a assuré, de la meilleure foi du monde, il remit tranquillement sa comédie dans sa poche et parla d'autres choses; je ne dirai pas positiveinent que ce fut l'Incertain qu'il lisoit dans cette assemblée, mais je sais bien que c'étoit une comédie qu'il lisoit; et M. de Burigny, qui m'a fait présent du manuscrit de l'Incertain, m'a dit qu'il croyoit que Saint-Hyacinthe n'avoit jamais fait d'autre comédie que cellelà ».

M. de Saint Hyacinthe mourut à Genecken, en 1746, laissant une fille qui vint, après

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