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Au commencement de 1714, M. de SaintHyacinthe signala son goût éclairé pour les lettres, par une nouvelle édition du Traité du Poëme épique, du père Le Bossu. Cette sixième édition, qu'il accompagna de notes philologiques, et d'un discours préliminaire sur l'excellence de l'ouvrage, est enrichi en outre d'un abrégé historique de la vie de l'Auteur, écrit par le Père Le Courayer, bibliothécaire de Sainte-Geneviève. Elle fournit à l'Editeur l'oc casion de témoigner publiquement sa reconnoissance au Chanoine Chevalier, qui avoit tant fait pour lui. Le discours préliminaire lui est adressé.

La dispute célèbre entre les Partisans des Anciens et ceux des Modernes, qui n'avoit été qu'assoupie, par la mort de M. Perrault, se réveilla vers cette époque, à l'occasion de la traduction de l'Iliade, publiée en 1711, par Madame Dacier; avec cette différence qu'Homère en devint, dans cette circonstance, le principal sujet, tandis que précédemment, il étoit confondu dans la querelle, avec les autres Auteurs de l'antiquité. Quoique des deux côtés on convînt de l'élévation du génie d'Homère, ses détracteurs exerçoient leurs censures sur le sujet de son poëme, et sur une partie des détails de son exécution. Ils blamoient le Poète d'avoir donné à ses héros des vices honteux, qui dégradent l'humanité, des caractères et des mœurs qui choquent la vraisemblance et la

bon sens; et d'avoir rabaissé la majesté de ses dieux, en les rendant accessibles aux passions les plus avilissantes. Ces reproches, et une foule d'autres, reproduits par M. de la Motte, dans le discours préliminaire de son imitation en vers de l'Iliade, avoient allumé la bile de Madame Dacier, qui, dans l'exaltation de sa fureur, lança contre lui et ses partisans, un libelle virulent qui parut à la fin de 1714, sous ce titre : Des Causes de la Corruption du goût. Comme on l'a déjà observé, jamais Homère, dans ses deux poëmes, n'avoit tant fait prononcer d'injures par ces héros, que cette Dame en répand dans cet ouvrage contre M. de la Motte. Cet emportement fut blâmé généralement, et la modération avec laquelle son antagoniste répliqua, lui concilia tous les suffrages. Cette réponse, qu'il publia au commencement de 1715, sous le titre de Réflexions sur la Critique, fait autant d'honneur à son caractère qu'à son talent. On la lit encore avec fruit, et on ne sait ce qu'on y doit admirer le plus, où de la sagesse et de la pureté du style, ou de la force du raisonnement. Les Auteurs du Journal littéraire ne restèrent pas spectateurs oisifs de cette lutte, qui divisa de nouveau tous les Savans, et à laquelle nous verrons tout à l'heure que M. de Saint-Hyacinthe prit une part active. Les Partisans des anciens eurent en eux des adversaires redoutables.

Dans le même temps, éclatoient de toutes

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parts de justes plaintes contre le pédantisme et l'arrogance d'une certaine classe de lettrés qui, sous le prétexte d'éclaircir les endroits douteux d'un auteur ancién, ou de remplir de prétendues lacunes, se permettoient d'altérer les textes les plus clairs et du sens le plus précis, et de les remplacer par un texte nouveau, qu'ils ne pouvoient soutenir qu'à l'aide d'une foule de définitions obscures, et qui donnoit lieu à d'éternels commentaires, dont l'unique résultat étoit d'égarer l'esprit et de corrompre le jugement. Le mal étoit arrivé à un tel dégré que l'on ne trouvoit plus de ressources dans les éditions les plus anciennes, ni dans les manuscrits, pour remédier aux altérations du texte, et que les commentateurs en étoient venus au point de regarder les ouvrages des auciens. comme des propriétés dont eux seuls pouvoient disposer, et auxquelles même il n'étoit permis qu'à eux de toucher, frappant rudement de leur férale, et injuriant avec insolence et brutalité les savans qui se refusoient à tolérer leurs ab¬ Burdes prétentions. La société du Journal littéraire, qui s'étoit plusieurs fois élevée, dans cet ouvrage, contre l'abus de la critique, n'avoit réussi qu'à s'attirer les invectives d'une foule de pédans et de journalistes qui avoient entassé sur elle les dénominations les plus grossières. M. de Saint-Hyacinthe sentit, en y réfléchissant, que l'arme la plus puissante contre cette espèce de gens, étoit celle du ridi

cule, et il résolut de l'employer, non-seule→ ment contre eux, mais encore contre ces partisans outrés de l'antiquité, qui admirent, de la manière la plus exclusive, et jusqu'aux moindres bagatelles, tout ce qu'elle nous a transmis; qui ne jugent pas les ouvrages par les règles, mais qui cherchent à introduire des règles nouvelles, pour appuyer des absurdités, et qui s'emparent de l'ouvrage d'un ancien, moins pour en éclaircir le sens, de bonne-foi, ou pour en développer les beautés, que pour faire un vain étalage d'érudition et de sagacité. Fatigué d'entendre répéter sans cesse, par la fille d'un Menuisier hollandais, chez lequel il étoit logé, la chanson la plus burlesque du monde (o), il imagina de faire servir cette chanson de texte à ses commentaires, et il fit paroître au moins d'août 1714, Le Chef-d'Euvre d'un Inconnu, poëme heureusement découvert, et mis au jour avec des remarques savantes et recherchées , par M. le Docteur MATANASIUS, avec cette épigraphe: Infelix eorum ignorantia qui ea damnant, quæ non intelligunt. Rien de ce qu'on avoit coutume de prodiguer en semblable occasion, n'y est oublié. Le portrait du Docteur placé à la tête du livre, offre la physionomie stupide et présomptueuse d'un pédant fieffé; ses armes qu'on voit au bas du portrait, sont un soufflet enflé, en champ de gueule, ayant pour supports un âne et un paon, et un perro

quet pour cimier. Le prétendu Chef-d'œuvre est précédé d'Approbations de célèbres professeurs, de l'Eloge du Commentateur en cinq sortes de langues, de Préface, Dédicace, Tables des dieux, diables, grands hommes, livres, manuscrits, etc., cités dans l'ouvrage, et terminé enfin par une table des matières, et par an errata dont le préambule est ironique. On a encore inséré dans ce volume, une Lettre aus Duc de' et une Dissertation sur Homère et sur Chapelain. De ces deux pièces, la première est adressée au Duc de Clermont-Tonnerre, Evêque de Langres, et relative à la conduite pleine d'inconséquence qu'avoit tenue ce Prélat, dans l'affaire de la constitution Unigenitus; la seconde qui établit, entre Homère et Chapelain, un parallèle satyrique, dont tout l'avantage reste au dernier, étoit de M. VanEffen, membre de la société du Journal littéraire.

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Le coup porté aux commentateurs et aux faux critiques, fut un coup mortel. C'étoit une idée à-la-fois originale et piquante, que celle de se servir pour les combattre, des moyens même sur lesquels ils fondoient leurs prétentions et leur orgueil. Mais ce qu'on ne croiroit pas, sî l'on n'en trouvoit la preuve dans les journaux du temps, c'est que beaucoup de gens s'abusèrent sur la véritable intention de l'auteur, et s'imaginèrent qu'il vouloit de bonne-foi démontrer l'excellence d'une chanson, qu'ils ne

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