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rassemblé les raisons, éparses dans mon esprit, de ma croyance. J'en nourrissais intérieurement ma pensée, j'en ressentais intimement toute la force, mais je craignais de l'affaiblir en la communiquant. C'était pour moi l'arbre de la divine science, je n'osais en détacher le fruit. Tout au plus je me promettais, comme un rêve lointain, quand l'âge aurait mûri mes pensées et m'aurait rapproché un peu plus de l'éternité, de léguer aux miens l'exposé de la croyance de toute ma vie, et d'ensevelir mes derniers jours dans ce saint travail comme dans un beau et honorable suaire. Aujourd'hui j'étais appelé à m'expliquer tout à coup et, tout étourdi encore des agitations du siècle, à parler la langue même de Dieu. Je me soumis, en puisant dans le sentiment de ma faiblesse, la confiance qu'elle serait aidée par celui qui semblait la choisir pour organe. Je ne me mis à l'œuvre toutefois qu'en me promettant bien d'être sobre de tout développement, et de ne faire que côtoyer mon sujet. Mais, vaine résolution! il m'en eût plus coûté d'efforts pour me contenir dans cette timite qu'il ne m'en avait fallu pour y entrer; mes réflexions naissaient les unes des autres, et se dilataient en quelque sorte sous ma plume au fur et à mesure que je les exposais; des souvenirs de lectures anciennes me revenaient de toute part; des lectures nouvelles, que le hasard, mais un hasard intelligent, semblait choisir et diriger sous mes yeux, des conversations imprévues, un passage, un mot,

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un fait, tout enfin semblait concourir et se transformer autour de moi en aliment pour mon travail, qui insensiblement grandit et atteignit le développement qu'il présente avant que j'aie pu m'en approprier la conception, tout comme s'il eût été déjà fait dans mon esprit, et qu'une main mystérieuse fût venue replier peu à peu le voile qui le dérobait à mes regards. Telle est l'histoire de ce traité que, sur l'impulsion de quelques personnes sages dont le jugement est ordinairement pour moi une autorité, je me détermine à publier aujourd'hui. Il doit nécessairement se ressentir beaucoup de son genre de création, que j'oserai appeler providentielle. Je laisse aux lecteurs le soin de rapporter à cette cause une grande partie des impressions quelconques qu'il pourra leur faire éprouver, il me suffit de la leur avoir fait connaître et de me placer sous sa garantie.

Entrant seulement ici dans quelques explications nécessaires pour l'intelligence de mes intentions et de mon dessein, je dirai que, tout en visant au but particulier qui m'avait fait prendre la plume, l'extension imprévue de mon travail m'a porté, chemin faisant, à l'assortir à la généralité des intelligences et à parler à plusieurs dans un seul.

Suivant ce point de vue, je me suis attaché à refaire dans les esprits la connaissance de la Religion, en reprenant tous les anneaux de la chaîne, depuis les vérités les plus simples, telles que celles d'un

principe spirituel dans l'homme, de Dieu, de l'immortalité de l'âme, etc., jusqu'aux preuves et aux enseignements les plus explicites de la foi catholique, procédant toujours par inductions philosophiques, et appuyant chaque point par des arguments et des témoignages puisés, autant que possible, dans les sciences et les autorités modernes les plus en dehors de la Religion, de manière à ce que la vérité, résultant de leur parfait accord avec elle, frappe les esprits les plus prévenus.

Beaucoup d'apologies de la Religion ont paru sans doute, dont le haut mérite m'aurait fait tomber la plume des mains si j'avais eu la folle prétention de me comparer à leurs auteurs. Mais le temps a marché depuis, les dispositions et les exigences des esprits ont changé, le progrès des sciences a déplacé le point de vue de la vérité, et il en résulte que tel ouvrage immortel, qui a pu confondre l'irréligion de son temps, n'est plus en harmonie avec le besoin actuel des intelligences, en défendant des points abandonnés, et ne répondant pas aux attaques portées sur de nouveaux points. La vérité est immuable en elle-même; mais la position de l'erreur changeant à chaque instant autour d'elle, il faut qu'elle lui soit opposée sous plusieurs faces, et que, sans bouger de place, elle fasse front, de toute part, à sa mobile ennemie.

Le système imaginé par celle-ci, de nos jours, consiste à ne pas attaquer directement la foi, mais

à passer outre, et à prétendre qu'elle n'a rien à démêler avec la raison, ni la Religion avec la philosophie; que ce sont deux puissances parfaitement indépendantes l'une de l'autre et même incompatibles; que chacune doit avoir ses enseignements, ses disciples, ses vérités, et pouvoir arriver par conséquent à des résultats opposés, si bien que, comme philosophe, on puisse rejeter ce que l'on devrait croire comme chrétien.

Étrange et funeste erreur! comme si le fonds de la foi, qui est la vérité éternelle révélée dans une admirable proportion avec nos besoins, n'était pas le fonds même de la raison renouvelé dans l'humanité; - cette lumière qui illumine tout homme venant en ce monde rendue plus visible, et si la vocation naturelle de l'intelligence, la philosophie véritable, ne consistait pas précisément à s'assimiler ce fonds divin et à y puiser éternellement la matière première de ses opérations et le germe fécond de ses plus hautes connaissances!

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«< A Dieu ne plaise que je sois ni injuste ni in>> grat! disait un illustre savant et un grand philosophe, Bonnet :-je compterai sur mes doigts >>> les bienfaits de la Religion, et je reconnaîtrai que » la vraie philosophie elle-même lui doit sa nais»sance, ses progrès, et sa perfection '. »

Recherches sur le Christianisme, chap. 41.

Ce système n'est qu'une fausse interprétation de la fameuse hypothèse de Descartes, et qu'un détournement impie du respect qui avait porté ce grand homme à mettre un instant les vérités de la foi de côté dans une arche sainte, pour ne pas les commettre dans le combat que son génie se préparait à livrer seul à seul à l'impiété de son temps. Confiance malheureuse! et qui a trahi ses louables intentions, en ouvrant après lui l'abîme du spinosisme avec les mêmes instruments dont il s'était servi pour remuer le sable, disait-il, et creuser jusqu'au roc, tant la raison de l'homme tourne vite aux précipices dès qu'elle vient à s'isoler systématiquement de la foi ou de l'analogie de la foi, même avec l'intention d'y retourner!

Le bon sens, d'ailleurs, désavoue cette distinction captieuse entre les vérités philosophiques et les vérités religieuses. Il ne se peut pas que des véri– tés qui tendent à un même but, la direction morale de l'humanité, soient autres. Elles doivent nécessairement se rencontrer à leur origine, et n'être toutes qu'une seule et même vérité, présentée seulement sous des formes d'enseignement différentes.

C'est ce que reconnaît très-bien un philosophe de nos jours, M. Francisque Bouillier, professeur de philosophie à la faculté de Lyon : << Cette dis>> tinction de vérités de l'ordre philosophique et de » vérités de l'ordre religieux, dit-il, n'a pas de fon>> dement dans la réalité des choses, elle ne peut

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