Obrazy na stronie
PDF
ePub

distinguer en proclamant cette faiblesse de la raison humaine quand elle veut marcher seule, et la né– cessité d'un secours divin pour lui frayer la route de la vérité théologique. A chaque instant, dans les écrits des sages de l'antiquité, nous les voyons se rejeter en arrière de leur propre raison, comme d'un abîme, et se réfugier dans la tradition et par la tradition dans la révélation primitive; alors seulement ils sont en repos, et vous les entendez parler un langage haut et ferme, comme celui que nous citions, il n'y a qu'un instant, de Cicéron; langage qui contraste d'une manière frappante avec le bégaiement de leur raison, lorsqu'elle veut s'aventurer toute seule à la périlleuse recherche de la vérité.

On pourrait mesurer avec exactitude la force de F'intelligence au degré de sa soumission en ce point; aussi voyons-nous, dans nos temps modernes, les deux plus fortes têtes peut-être qui se soient rencontrées, Montaigne et Pascal, ne faire servir la puissance de leur raison qu'à porter le joug de la foi 1.

Quelques rationalistes modernes eux-mêmes ont été forcés d'en convenir à la fin et de se rejeter dans la révélation, épuisés et honteux de l'usage qu'ils avaient fait de leur propre raison pour la sup

Le scepticisme proverbial de Montaigne est généralement très-mal compris. Son que sais-je? n'a pas le caractère absolu qu'on lui attribue. Tant s'en faut ! c'est une arme qu'il n'emploie que contre la raison pour la désespérer et la forcer à se jeter dans le sein de la foi dont il proclame même l'empire avec exagération. Lisez son livre: Apologie de Raymond de Sebonde.

planter. -«Notre raison,

c'est Bayle qui parle,

- « n'est propre qu'à brouiller tout, qu'à faire dou

[ocr errors]

» ter de tout; elle n'a pas plutôt bâti un ouvrage qu'elle nous montre les moyens de le ruiner. C'est » une véritable Pénélope qui, pendant la nuit, dé>> fait la toile qu'elle avait faite pendant le jour. » Ainsi le meilleur usage qu'on puisse faire de la philosophie est de connaître qu'elle est une voie » d'égarement et que nous devons chercher un au» tre guide, qui est LA LUMIÈRE RÉVÉLÉE 1.

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

Il faut donc en revenir là, tout nous y ramène : - la génération de la vérité dans la société du genre humain,-l'origine du langage, la nature particulière de la vérité religieuse, le mode de conservation de cette vérité par la tradition dans les temps anciens, —l'impuissance naturelle de la raison humaine privée de ce secours, le découragement même et les aveux de ses partisans. — C'est, comme nous l'avons déjà dit, la seule issue du labyrinthe; il a fallu, il y a eu primitivement, au sein de l'humanité, RÉVÉLATION.

[ocr errors]
[ocr errors]

Quel a été le sort de cette première révélation? l'intervention du ciel n'est-elle pas venue une seconde fois influer sur les destinées de la vérité parmi les hommes? Tel est le second problème philosophique et historique qui se présente à résoudre et qui est bien fait pour exciter vivement notre attention.

[merged small][merged small][ocr errors]

CHAPITRE VI.

NÉCESSITÉ D'Une seconde rÉVÉLATION.

Si le rationalisme avait commencé avec le genre humain il est probable que la vérité n'aurait pas fleuri un seul jour sur la terre. Cette plante divine aurait été étouffée dans son germe, et on aurait vu l'idolâtrie et tous ses déréglements souiller l'aurore même de la création'. Mais longtemps le genre humain ne connut d'autre doctrine que celle de la tradition et, par ce moyen, vécut dans la simplicité de la foi et de l'obéissance à un seul Dieu, créateur de l'univers et rémunérateur dans une autre vie du bien et du mal qui se fait dans celle-ci. Posté

Il n'est que trop vrai cependant que la philosophie rationaliste et par elle la tendance du genre humain à l'idolâtrie et à l'impiété remontent à l'origine même du monde. « Ce n'est pas >> la philosophie que l'on a reçue d'Adam qui apprend ces cho>>ses, c'est celle que l'on a reçue du serpent; car, depuis le » péché, l'esprit de l'homme est tout païen. » ( Mallebr. Rech. de la vérité, 2o partie, liv. v1.) Mais le venin injecté dans l'esprit humain par celui qui fit entendre le premier pourquoi comme un sifflement, n'a atteint et corrompu la masse que peu à peu. Nous faisons nos réserves à ce sujet.

rieurement, quand les hommes, comme dit Diodore de Sicile, ne suivirent plus la doctrine de leurs pères et plongèrent au dedans d'eux-mêmes dans les recherches qu'ils entreprirent, alors les dogmes primitifs venus de Dieu s'ébranlèrent, les vapeurs épaisses du doute et du sensualisme montèrent dans les esprits et y formèrent toutes les superstitions, les utopies, et les extravagances de l'idolâtrie et de la philosophie sophistique. La vérité s'altéra peu à peu, se mélangea, s'abâtardit. L'erreur s'insinua, s'accrédita, s'assit partout. Il y eut longtemps une lutte entre elles. Les sages, armés de la tradition, repoussaient l'erreur de la même manière que l'Église catholique confond l'hérésie, en l'accusant de NOUVEAUTÉ. Mais ils ne pouvaient pas le faire avec une égale assurance et surtout une égale durée; car la vérité et la tradition n'étaient pas garanties, comme elles le sont dans l'Église catholique, par une autorité dépositaire et dispensatrice, unique au monde, universelle et perpétuelle comme la vérité même, et par une succession non interrompue de ministres exclusivement dévoués à sa garde et à son culte; mais la vérité était éparse, sans défense, sans unité, sans autorité visible, dans les souvenirs des peuples et dans les témoignages de plus en plus vagues et corrompus du genre humain. Son antiquité fut d'abord aisée à constater, mais peu à peu l'erreur commença à devenir antique à son tour et à combattre la vérité sur le terrain flottant et indécis de la tradition; elle se donnait même, au besoin, ainsi que nous l'avons vu, une antiquité factice,

lorsque l'antiquité réelle venait à lui manquer trop ouvertement; et enfin, ne trouvant devant elle aucun vigilant accusateur qui dévoilât toujours et partout ses frauduleuses tentatives, elle réussit si bien à chasser sa rivale et à prescrire contre elle, que lorsque celle-ci voulut reparaître plus tard, elle fut à son tour accusée de nouveauté, et que Socrate, professant l'unité de l'Être suprême, fut condamné à boire la ciguë pour avoir voulu introduire des Dieux nouveaux.

Alors la vérité se cacha sous le manteau de quelques sages qui ne la soutinrent plus que d'une manière indécise et problématique, et la retinrent captive dans l'injustice, comme le leur reprochait plus tard éloquemment saint Paul. Ils la prenaient et la quittaient, y mêlant leurs propres rêveries, et la démentant surtout par leurs actions, entraînés qu'ils étaient, dans leur isolement, par le déréglement universel; et quand, après eux, vinrent ces nuées de sophistes qui pullulaient dans Athènes et dans Rome et vivaient de l'art de tout soutenir, alors la nuit se fit sur le monde, l'esprit humain se joua de la vérité comme d'une prostituée, et le titre de philosophe devint synonyme de celui de parasite et d'histrion. La corruption marcha de pair avec les prétentions philosophiques; là où les sophistes abondèrent, abondèrent aussi les superstitions et les déréglements de mœurs, parce que rien ne dégage le cœur du joug du devoir comme les incertitudes de l'esprit, et que rien n'engendre les incertitudes de l'esprit comme l'abus de son indépendance.

[ocr errors]
« PoprzedniaDalej »