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Deux fois repris en vain, son impuissant ciseau
Veut peindre de son fils l'aventure cruelle,
Et deux fois il échappe à la main paternelle.

DELILLE.

Ces exemples et les observations dont je les ai accompagnées, pourront donner une idée exacte des qualités que doit réunir une description véritablement poétique. Défions-nous du talent d'un auteur qui toujours affecté, toujours emphatique, surcharge son style d'expressions vagues ou d'épithètes triviales afin de nous donner une plus haute idée de son sujet, qu'après tous ses efforts nous avons encore bien de la peine à concevoir distinctement. Les poètes qui savent le mieux décrire sont les plus simples et les plus concis. Ils peignent si bien et si juste, qu'au premier coup d'œil notre imagination se frappe et s'allume. L'objet qu'ils tracent, un peintre ou un sculpteur pourraient l'exécuter d'après eux, et c'est la preuve la plus évidente et la plus certaine du mérite d'une description.

LECTURE XLI.

DE LA POÉSIE DES HÉBREUX.

PARMI les différens genres de poésie que nous soumettons à notre examen, la poésie des Hébreux, ou autrement celle des écritures sacrées, mérite de fixer notre attention. En ne considérant ces livres saints que comme les plus anciens monumens de poésie que nous ayons, ils sont pour la critique pleins d'intérêt et de curiosité; ils nous montrent quel était le goût de ces siècles et de ces contrées que le temps a séparés de nous par un intervalle immense; ils nous offrent un genre de composition magnifique et avec lequel nous n'avons rien à comparer. Considérés comme une inspiration divine, ils ouvrent une vaste carrière à des discussions d'une toute autre nature. Mais nous ne devons les examiner ici que sous le point de vue de la critique, et ce n'est pas sans plaisir que nous verrons que la beauté et la dignité de la composition y répondent à Ja grandeur et à l'importance du sujet. Ceux qui veulent connaître à fond la matière qui va nous occuper, pourront lire avec fruit le savant traité du docteur Lowth, intitulé: De sacrâ Poesi Hebræorum, de la Poésie sacrée des Hébreux. C'est un excellent ouvrage, remarquable par son élégance et la justesse des observations critiques qu'il renferme. Comme en traitant ce sujet, je ne puis mieux faire que de suivre les traces de

cet auteur ingénieux, j'aurai souvent recours à lui dans la suite de cette Lecture.

Il n'est pas nécessaire d'entrer dans de longs développemens pour prouver qu'il existe entre les différens livres de l'Ancien Testament une telle diversité de style, que les uns peuvent être regardés comme des compositions poétiques, et les autres comme des compositions en prose. Si d'un côté les chapitres qui renferment la partie historique du peuple de Dieu et la législation de Moïse, sont évidemment écrits en style prosaïque, il n'est pas moins évident que le livre de Job, les psaumes de David, le songe de Salomon, les lamentations de Jérémie, presque tous les livres des prophètes, et quelques passages de chapitres historiques portent tous les caractères éminemment distinctifs de la poésie.

Il est incontestable que, dans l'origine, cette partie des livres sacrés fut écrite en vers, ou du moins en une espèce de prose soumise à une cadence déterminée. La prononciation des Hébreux nous est aujourd'hui tout-à-fait inconnue, aussi nous ne pouvons être fixés que d'une manière au moins fort imparfaite sur la nature de leur poésie, qui fut pour les savans un long sujet de discussions dans lesquelles nous ne pourrions entrer sans perdre trop long-temps de vue le but que nous nous sommes proposé. En ne prenant même l'Ancien Testament que dans notre traduction, qui est extrêmement littérale, nous trouvons des preuves nombreuses que cet ouvrage fut primitivement écrit en style mesuré, et souvent même nous apercevons encore les membres épars du poète, disjecti membra poeta.

Lisez attentivement l'introduction historique du livre de Job renfermée dans les deux premiers chapitres, et ensuite le commencement du troisième chapitre dans lequel Job s'exprime lui-même, vous verrez comme est sensible ce passage de la prose à la poésie; ce ne sont pas seulement les pensées poétiques et le style figuré qui vous en avertissent, c'est l'arrangement des mots et la cadence harmonieuse de chaque phrase. La différence est aussi grande que celle des Commentaires de César à l'Énéide de Virgile. C'en est assez pour nous prouver que les saintes écritures renferment des compositions poétiques dans le sens le plus rigoureux de ce mot, et je pourrai démontrer dans la suite qu'on y trouve des exemples de presque tous les genres de poésie. Remarquons en passant que cette considération est faite pour jeter beaucoup d'éclat sur l'art du poète; qui pourra croire en effet que ce soit un art frivole et méprisable, celui qu'employèrent des hommes embrasés de l'esprit divin, celui qu'ils choisirent pour annoncer à l'univers les vérités que Dieu leur avait révélées ?

Les Hébreux cultivaient la musique et la poésie depuis un temps très reculé; on rapporte qu'à l'époque où ce peuple avait des juges pour chefs, il existait des écoles ou des colléges de prophètes, dans lesquels on s'exerçait à chanter les louanges de Dieu en s'accompagnant avec divers instrumens. Nous voyons au premier livre des Rois (Chap. x, f. 5), que Samuel dit à Saül qu'il rencontrerait une troupe de prophètes descendant de la montagne où était probablement située cette école, et qui auraient des tambours, des flûtes et

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des harpes. « Et cùm ingressus fueris ibi urbem, ob<< vium habebis gregem prophetarum descendentium « de excelso, et ante eos psalterium, et tympanum, et

tibiam, et cytharam. » Mais sous le règne de David la musique et la poésie furent portées à leur plus haut degré de perfection. Ce prince attacha quatre mille lévites au service du tabernacle, les divisa en vingtquatre légions, et mit à la tête de chacune un chef uniquement occupé à chanter des hymnes et à jouer de divers instrumens pendant les cérémonies. Asaph, Heman et Jeduth étaient les principaux directeurs de la musique, et il paraît par les titres de quelques psaumes qu'ils avaient aussi composé des hymnes et des poëmes sacrés. On trouve dans le chapitre xxv du premier livre des Chroniques, quelques détails sur les institutions de David relatives à la musique et à la poésie sacrée, et aucune nation, peut-être, ne déploya plus de pompe et de magnificence dans cette partie du culte public.

La poésie hébraïque est originale et tout-à-fait particulière dans sa construction. Elle consiste à diviser chaque période en membres presque toujours d'une égale étendue, et qui se correspondent mutuellement pour le sens et pour le son. Le premier membre de la période renferme l'expression d'un sentiment ou d'une pensée, le second membre est la répétition de cette même pensée en d'autres termes, ou son développement, ou même son contraste, mais de manière que l'un et l'autre membre présentent la même construction et presque le même nombre de mots. Telle est, en général, la forme de la poésie des Hébreux. Il suffit

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