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« vallon. Si la rigueur de la saison m'oblige à chercher « un asile plus retiré, je le trouve auprès de ce foyer dont << la faible lueur semble ajouter encore à l'obscurité d'une «< chambre silencieuse. Les accens de la joie n'arrivent point jusques-là; mes oreilles ne sont frappées que « par les cris aigus et répétés du grillon, et par la voix « du guet qui écarte de nos maisons les crimes qu'en<«< fantent les ténèbres. Ou bien, à la clarté de ma lampe, sur le sommet d'une tour isolée, plus vigilant « que l'étoile du pôle, j'évoque le grand Hermès ou « le génie de Platon; je leur demande quel monde, quelles vastes régions habite l'âme immortelle, lorsqu'elle s'est dégagée de sa prison obscure, de son enveloppe charnelle; je leur demande quels esprits << habitent l'air, le feu, l'onde, ou les entrailles de la

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<<< terre. >>

Dans tout ce passage, point de termes généraux, point d'expressions insignifiantes. Tout est particularisé, tout est pittoresque; rien n'est forcé, rien n'est exagéré. C'est un style simple, c'est une série d'images fortes et expressives, faites pour produire sur l'imagination des impressions de même nature, et rappeler des idées également tristes et mélancoliques: la promenade au clair de lune, le son lointain de la cloche du soir, la dernière clarté du foyer qui s'éteint, le cri du guet, et cette lampe dont, à minuit, l'on aperçoit la lueur sur le haut d'une tour écartée. Remarquons encore combien le poète est concis dans son expression. Il ne s'arrête trop long-temps sur aucune circonstance; il la décrit en peu de mots, et la quitte après

l'avoir produite au lecteur sous son point de vue le plus frappant, le plus complet et le plus clair.

« Dé son casque et de son bouclier, » dit Homère, en décrivant un de ses héros (Diomède) au moment du combat, « de son casque et de son bouclier sortait con<< tinuellement un feu semblable à celui de l'astre bril<< lant de l'automne, qui jette une lumière plus étince<«< lante après s'être baigné dans l'Océan (1). » Voilà qui est vif et concis; mais, sous la main de M. Pope, cette image perd toute sa force, et se noie dans quatre vers pompeux, qui la reproduisent trois fois en termes différens.

High on his helm celestial lightnings play
His beamy shield emits a living ray;

Th' unwearied blaze incessant streams supplies
Like the red star that fires th' autumnal skies.

« De célestes éclairs partent du haut de son casque; << son bouclier rayonnant lance une vive lumière; la << flamme brillante jaillit sans cesse comme l'étoile rouge qui embrase le ciel d'automne. >>

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Il faut observer qu'en général la concision produit un très-bon effet dans les descriptions graves et majestueuses; celles qui ont pour objet des scènes gaies ou gracieuses peuvent être étendues et prolongées, parce que leur principal mérite ne consiste pas dans leur

(1) Δαῖέ οἱ ἐκ κορυθὸς τε καὶ ἀςπίδος ἀκάματον πῦρ ̓Αςτέρ' όπωρινῷ ἐναλίγκιον, ὅςτε μάλιστα Λαμπρὸν παμφαίνης: λελυμένος Ωκεανοῖο.

E. 4.

force. Mais si l'on veut produire une impression sublime ou pathétique, c'est à paraître énergique qu'il faut s'appliquer avant tout. Il faut s'emparer de l'imagination tout entière, et l'on y réussit bien mieux par une seule image vive et forte que par des développemens minutieux et recherchés. « Ses traits étaient ob<«< scurs et sans formes, dit Ossian en parlant d'un esprit; << on distinguait à travers son corps la pâle lueur des <«< étoiles; trois fois il soupira sur le héros, et trois fois << les vents de la nuit firent entendre à l'entour leurs

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Observons encore que le poète, pour embellir une description d'objets inanimés dont la nature lui fournit le modèle, y doit toujours introduire quelques êtres vivans. Des scènes mortes ou une nature inerte n'ont presque aucun charme pour nous, si, en y répandant l'action et la vie, le poète ne sait leur attacher un sentiment. C'est une vérité dont les meilleurs peintres ont senti toute l'importance; aussi est-il rare de trouver un beau tableau de paysage sans quelque personnage qui anime la scène, soit comme acteur, soit seulement comme spectateur.

Hic gelidi fontes, hic mollia prata, Lycori,
Hic nemus, hic ipso tecum consumerer ævo.

Ici, ma Lycoris, sont de fraîches fontaines;
Ici, tu foulerais le vert tapis des plaines;
Ici, des bois sacrés cacheraient nos amours:

Que n'y puis-je avec toi consumer tous mes jours!

(Trad. de Tissot.)

Le dernier de ces deux beaux vers de Virgile est le plus touchant, parce qu'il mêle au détail d'une scène

TOME III.

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champêtre l'intérêt qu'inspirent deux amans. Si, à la manière de nos auteurs modernes, le poète eût fait une longue description des fontaines, des forêts et des prairies, il n'eût toujours donné qu'un morceau fort insipide, sans ce dernier trait qui, en peu de mots, intéresse le cœur aux beautés du paysage:

Hic ipso tecum consumerer ævo.

C'est une grande beauté de l'Allégro de Milton, que tout y soit animé, et qu'il s'y représente sans cesse de nouveaux personnages. (1)

J'ai dit que chaque objet, dans une description, devait être, autant que possible, particularisé d'une manière assez exacte pour que l'idée que l'on s'en forme fût à la fois complète et distincte. L'imagination se représente plus clairement telle colline, tel lac, telle rivière, spécialement désignés, qu'une colline, un lac ou une rivière, pris dans un sens général. C'est ce qu'ont bien senti la plupart des écrivains de l'antiquité. Ainsi, dans le songe de Salomon, cette belle composition pastorale, les images sont presque toutes particularisées par les

(1)

Souvent dans vos tableaux placez des spectateurs;

Sur la scène des champs amenez des acteurs :

Cet art de l'intérêt est la sonrce féconde.

Oui, l'homme aux yeux de l'homme est l'ornement du monde,
Les lieux les plus rians sans lui nous touchent pen;

C'est un temple désert qui demande son dieu.

Avec lui mouvement, plaisir, gaîté, culture,

Tout renaît, tout revit ainsi qu'à la nature,

La présence de l'homme est nécessaire aux arts.
C'est lui, dans vos tableaux, que cherchent nos regards.

DELILLE, l'Homme des champs, c. IV.

objets auxquels elles font allusion : c'est la rose de Saron, le lys des vallées, les troupeaux qui paissent sur le mont Galaad, le ruisseau qui coule du Liban : « Veni de « Libano, sponsa mea, veni de Libano, veni; corona«beris de capite Amana, de vertice Sanir et Hermon, « de cubilibus leonum, de montibus pardorum. » (Canticum canticorum, cap. iv, §. 8.) Il en est ainsi dans Horace:

Quid dedicatum poscit Apollinem
Vates? quid orat de paterâ novum
Fundens liquorem? non opimas

Sardiniæ segetes feracis;

Non æstuosæ grata Calabria

Armenta, non aurum aut ebur indicum,

Non rura, quæ Liris quietâ

Mordet aquâ taciturnus amnis.

Ode I.

Quels vœux fait le poète au temple d'Apollon?
Que lui demande-t-il, lorsque sa main fidèle
Répand en son honneur une liqueur nouvelle?
Ce n'est point d'Olbia l'abondante moisson,
L'ivoire de l'Indus, ni les champs de Sicile,
Ni ceux que le Liris ronge d'un flot tranquille.
DARU.

Homère et Virgile possédaient au plus haut degré l'art de décrire. Virgile, dans le second livre de l'Énéide, fait un tableau si frappant du siége et de l'incendie de Troie, les détails en sont si bien choisis, si bien représentés, que le lecteur croit se trouver lui-même au milieu de cette scène horrible. La mort de Priam est surtout un chef-d'œuvre : lorsque le vénérable monarque apprend que les ennemis se sont emparés de la

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