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France. Le sujet de cette comédie était la chute de l'homme. Les acteurs étaient Dieu le père, les Diables, les Anges, Adam, Ève, le Serpent, la Mort et les sept Péchés mortels. Ce sujet, digne du génie absurde du théâtre de ce temps-là, était écrit d'une manière qui répondait au dessein.

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« La scène s'ouvre par un choeur d'Anges, et Michel parle ainsi au nom de ses confrères : « Que «l'arc-en-ciel soit l'archet du violon du firma«ment; que les sept planètes soient les sept notes « de notre musique; qué le temps batte exacte«ment la mesure; que les vents jouent l'or<< gue, etc. » Toute la pièce est dans ce goût : j'avertis seulement les Français, qui en riront, que notre théâtre ne valait guère mieux alors; que la Mort de saint Jean-Baptiste et cent autres pièces sont écrites dans ce style; mais que nous n'avions ni Pastor fido, ni Aminte.

<< Milton, qui assista à cette représentation, découvrit, à travers l'absurdité de l'ouvrage, la sublimité cachée du sujet. Il y a souvent dans des choses où tout paraît ridicule au vulgaire, un coin de grandeur qui ne se fait apercevoir qu'aux hommes de génie. « Les sept Péchés mortels dansant << avec le Diable » sont assurément le comble de l'extravagance et de la sottise; mais « l'univers << rendu malheureux par la faiblesse d'un homme, « les bontés et les vengeances du Créateur, la << source de nos, malheurs et de nos crimes,» sont des objets dignes du pinceau le plus hardi. Il y a

surtout dans ce sujet je ne sais quelle horreur ténébreuse, un sublime sombre et triste qui ne convient pas mal à l'imagination anglaise. Milton conçut le dessein de faire une tragédie de la farce. d'Andreino; il en composa même un acte et demi. Ce fait m'a été assuré par des gens de lettres qui le tenaient de sa fille, laquelle est morte lorsque j'étais à Londres.

« La tragédie de Milton commençait par ce monologue de Satan, qu'on voit dans le quatrième chant de son poëme épique; c'est lorsque cet esprit de révolte, s'échappant du fond des enfers, découvre le Soleil qui sortait des mains du Créa

teur :

Toi, sur qui mon tyran prodigue ses bienfaits,
Soleil, astre de feu, jour heureux que je hais,

Jour qui fais mon supplice, et dont mes yeux s'étonnent,
Toi qui sembles le Dieu des cieux qui t'environnent,
Devant qui tout éclat disparaît et s'enfuit,

Qui fais pâlir le front des astres de la nuit;

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Image du Très-Haut, qui régla ta carrière,
Hélas! j'eusse autrefois éclipsé ta lumière.
Sur la voûte des cieux, élevé plus que toi,
Le trône où tu t'assieds s'abaissait devant moi;
Je suis tombé, l'orgueil m'a plongé dans l'abîme.

<< Dans le temps qu'il travaillait à cette tragédie, la sphère de ses idées s'élargissait à mesure qu'il pensait. Son plan devint immense sous sa plume; et enfin au lieu d'une tragédie qui, après tout, n'eut été que bizarre et non intéressante, il ima

gina un poëme épique, espèce d'ouvrage dans lequel les hommes sont convenus d'approuver souvent le bizarre sous le nom du merveilleux.

« Les guerres civiles d'Angleterre ôtèrent longtemps à Milton le loisir nécessaire pour l'exécution d'un si grand dessein. Il était né avec une passion extrême pour la liberté; ce sentiment l'empêcha toujours de prendre parti pour aucune des sectes qui avaient la fureur de dominer dans sa patrie. Il ne voulut fléchir sous le joug d'aucune opinion humaine, et il n'y eut point d'Église qui pût se vanter de compter Milton pour un de ses membres. Mais il ne garda point cette neutralité dans les guerres civiles du roi et du parlement. Il fut un des plus ardens ennemis de l'infortuné roi Charles 1er. Il entra même assez avant dans la faveur de Cromwell, et, par une fatalité qui n'est que trop commune, ce zélé républicain fut le serviteur d'un tyran. Il fut secrétaire d'Olivier Cromwell, de Richard Cromwell, et du parlement, qui dura jusqu'au temps de la restauration. Les Anglais employèrent sa plume pour justifier la mort de leur roi, et pour répondre au livre que Charles 11 avait fait écrire par Saumaise au sujet de cet événement tragique. Jamais cause ne fut plus belle et ne fut si mal plaidée de part et d'autre. Saumaise défendit en pédant le parti d'un roi mort sur l'échafaud, d'une famille errante dans l'Europe, et de tous les rois même de l'Europe intéressés dans cette querelle. Milton soutint, en

mauvais déclamateur, la cause d'un peuple victorieux, qui se vantait d'avoir jugé son prince selon les lois. La mémoire de cette révolution étrange ne périra jamais chez les hommes, et les livres de Saumaise et de Milton sont déjà ensevelis dans l'oubli. Milton, que les Anglais regardent aujourd'hui comme un poète divin, était un très-mauvais écrivain en prose.

<< Il avait cinquante-deux ans lorsque la famille royale fut rétablie. Il fut compris dans l'amnistie que Charles I donna aux ennemis de son père; mais il fut déclaré, par l'acte même de l'amnistie, incapable de posséder aucune charge dans le royaume. Ce fut alors qu'il commença son poëme épique à l'âge où Virgile avait fini le sien. A peine avait-il mis la main à cet ouvrage, qu'il fut privé de la vue. Il se trouva pauvre, abandonné et aveugle, et ne fut point découragé. Il employa neuf années à composer le Paradis perdu. Il avait alors très-peu de réputation; les beaux esprits de la cour de Charles I, ou ne le connaissaient pas, ou n'avaient pour lui nulle estime. Il n'est pas étonnant qu'un ancien secrétaire de Cromwell, vieilli dans la retraite, aveugle et sans bien, fût ignoré ou méprisé dans une cour qui avait fait succéder à l'austérité du gouvernement protecteur, toute la galanterie de la cour de Louis xiv, et dans laquelle on ne goûtait que les poésies efféminées, la mollesse de Waller, les satires du comte de Rochester, et l'esprit de Cowley.

« Une preuve indubitable qu'il avait très-peu de réputation, c'est qu'il eut beaucoup de peine à trouver un libraire qui voulût imprimer son Paradis perdu. Le titre seul révoltait, et tout ce qui avait quelque rapport à la religion était alors hors de mode. Enfin, Thompson lui donna trente pistoles de cet ouvrage, qui a valu depuis plus de cent mille écus aux héritiers de ce Thompson. Encore ce libraire avait-il si peur de faire un mauvais marché, qu'il stipula que la moitié de ces trente pistoles ne serait payable qu'en cas qu'on fit une seconde édition du poëme édition que Milton n'eut jamais la consolation de voir. Il resta pauvre et sans gloire son nom doit augmenter la liste des grands génies persécutés de la fortune.

« Le Paradis perdu fut donc négligé à Londres; et Milton mourut sans se douter qu'il aurait un jour de la réputation. Ce fut le lord Sommers et le docteur Atterbury, depuis évêque de Rochester, qui voulurent enfin que l'Angleterre eût un poëme épique. Ils engagèrent les héritiers de Thompson à faire une belle édition du Paradis perdu. Leur suffrage en entraîna plusieurs. Depuis, le célèbre Addison écrivit en forme, pour prouver que ce poëme égalait ceux de Virgile et d'Homère les Anglais commencèrent à se le persuader, et la réputation de Milton fut fixée.

<< Il peut avoir imité plusieurs morceaux du grand nombre de poëmes latins faits de tout temps sur

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