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LECTURE XLVII.

DE LA COMÉDIE EN GÉNÉRAL, DE LA COMÉDIE CHEZ

LES GRECS, LES ROMAINS, LES FRANÇAIS ET LES

ANGLAIS.

La comédie se distingue assez de la tragédie par son esprit particulier et le ton général qui y domine. Tandis que la pitié, la terreur et toutes les grandes passions forment le domaine de l'une, le principal et peut-être le seul instrument de l'autre, c'est le ridicule. La comédie n'embrasse ni les grandes infortunes, ni les grands crimes des hommes; elle retrace le tableau de leurs extravagances, de leurs vices, elle saisit les caractères qui présentent quelques bizarreries aux yeux de l'observateur, qui donnent prise à la critique, qui exposent certaines personnes à devenir l'objet de la risée des autres, ou les rendent incommodes dans la société.

La comédie, considérée comme une représentation satirique des folies et des imperfections des hommes, est un genre de composition très-moral et très-utile, dans la nature et le plan général de laquelle la censure n'a rien à reprendre. Polir les mœurs des hommes, appeler leur attention sur les bienséances qu'ils doivent observer, rendre surtout le vice ridicule, c'est être véritablement utile à la société. La plupart des vices résistent moins au ridicule qu'aux argumens solides et

aux attaques sérieuses. Mais il faut convenir, d'un autre côté, que c'est une arme difficile à manier, qui, dans une main maladroite ou malintentionnée, peut être aussi fatale qu'elle eût été utile dans une main sage et expérimentée; car le ridicule n'est pas, comme on l'a dit quelquefois, la véritable pierre de touche de la vérité. Il peut, au contraire, nous séduire et nous tromper par les couleurs qu'il donne aux objets; et il est souvent plus difficile de juger si ces couleurs sont naturelles ou fausses, que de distinguer l'erreur de la vérité. Des auteurs comiques ont trop souvent poussé la licence jusqu'à couvrir de ridicule les caractères et les objets qui le méritaient le moins. Mais ce n'est pas à la comédie même qu'il faut en faire le reproche, on n'en doit accuser que la dépravation de ces écrivains. Dans la main d'un auteur sans mœurs et sans probité, la comédie peut devenir un instrument de corruption; dans celle d'un homme vertueux, elle sera un amusement non-seulement innocent et gai, mais encore louable et utile. La comédie française est une excellente école de mœurs, tandis que la comédie anglaise ne fut trop souvent que l'école du vice.

Les règles que, dans la Lecture précédente, j'ai données sur l'action dramatique dans la tragédie, sont éga~ lement applicables à la comédie, aussi ne nous y arrêterons-nous pas long-temps. Il est nécessaire qu'il y ait dans l'une comme dans l'autre une unité d'action et de sujet; que l'unité de temps et de lieu soit observée autant que possible, c'est-à-dire, que le temps de l'action soit renfermé dans de justes limites, et que le lieu

de la scène ne change point, au moins pendant le cours du même acte. Les scènes ou les conversations successives doivent être liées les unes aux autres. Le théâtre ne doit jamais rester vide pendant la durée d'un acte, et les personnages ne doivent point entrer ni sortir sans un motif évident pour le spectateur. J'ai démontré que le but de ces règles était de rapprocher le plus possible l'imitation de la réalité; car une imitation ne nous plaît qu'autant qu'elle est exacte, et par cela même, il importe peut-être d'observer ces règles plus rigoureusement encore dans la comédie que dans la tragédie. En effet, le sujet d'une comédie nous est presque toujours plus familier, et comme il doit ressembler à ce dont nous sommes souvent témoin dans le cours de la vie, nous jugeons plus aisément de sa vraisemblance, et lorsqu'il en manque nous en sommes plus vivement blessés. Il ne faut jamais perdre de vue que le principal mérite d'une comédie consiste dans la vraisemblance et le naturel de l'action, des caractères et des pensées.

La tragédie peut emprunter des sujets à tous les siècles et à toutes les contrées; le poète tragique place la scène partout où il lui plaît, il choisit une action dans l'histoire de sa patrie ou dans celle d'un autre peuple et peut la prendre à toutes les époques, même aux plus reculées. C'est le contraire dans la comédie, et la raison en est fort simple. Les grands vices, les grandes vertus, les grandes passions sont les mêmes chez tous les hommes, dans tous les siècles et dans tous les pays; et partout, comme dans tous les temps, ils fournissent

des sujets à la muse tragique. Mais les bienséances exigées dans la société, les nuances délicates des caractères dans lesquels la comédie puise ses sujets, changent considérablement selon les pays et les âges, et ne sont jamais aussi bien saisies par des étrangers que par les habitans d'une même contrée. Nous nous attendrissons aux malheurs des héros de la Grèce et de Rome comme aux infortunes des héros de notre patrie; mais nous ne sourions au ridicule de certaines mœurs ou de certains caractères qu'autant que ces mœurs et ces caractères nous sont connus. Il est donc évident que la scène et le sujet d'une comédie doivent être choisis parmi nous, et au siècle où nous vivons. Le poète comique qui vise à corriger les imperfections et les folies de ses semblables, saisit leurs mœurs et leurs ridicules à mesure qu'il les voit se former. Son devoir n'est pas de nous divertir par une fable empruntée au siècle précédent, ou par quelque intrigue française ou espagnole; mais bien de nous présenter des tableaux dont les originaux se trouvent parmi nous, de poursuivre avec les traits de la satire les vices de notre temps, de montrer au siècle une copie fidèle de lui-même, de son goût dominant, de ses travers et de ses vices. C'est là le seul moyen de donner à la récréation qu'il nous offre quelque importance et quelque dignité. Il est vrai que Plaute et Térence n'ont pas suivi ce précepte; ils ont placé la scène de leurs comédies dans la Grèce, et puisé leurs sujets dans les mœurs et dans les usages de cette nation. Mais il faut se souvenir qu'au temps où ils écrivaient, ce genre d'amusement était nouveau pour les

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Romains. Aussi ces deux auteurs se contentèrent-ils d'imiter, et quelquefois même de traduire littéralement, les pièces de Ménandre et de quelques autres poètes grecs. On sait que, dans la suite, il y eut à Rome une comédie où les mœurs nationales étaient représentées; on l'appelait comœdia togata, et l'on distinguait celle qui rappelait les mœurs de la Grèce par le nom de comœdia palliata.

On peut admettre deux espèces différentes de comédies. Dans l'une, c'est l'intrigue ou l'action qui est le principal objet de la pièce; dans l'autre, l'auteur n'a eu en vue que l'exposition et le développement d'un certain caractère; l'action n'est employée qu'à ce développement, et lui est entièrement subordonnée. Les Français ont un plus grand nombre de comédies de caractère, tels sont les chefs-d'œuvre de Molière, comme l'Avare, le Tartufe, le Misanthrope; ceux de Destouches, et de presque tous les auteurs comiques de cette nation. Les Anglais semblent donner la préférence à la comédie d'intrigue. Dans les pièces de Congrève, et, en général, dans toutes nos pièces, il y a plus d'action, plus de mouvement, plus d'incidens que dans celles du théâtre français.

Pour rendre une comédie parfaite, il faudrait y réunir ces deux genres; c'est-à-dire, qu'elle fût à la fois une comédie de caractère et une comédie d'intrigue. Sans une action intéressante et bien conduite, le dialogue devient insipide; il faut qu'il y ait toujours assez d'intrigue pour que, dans le cours de la représentation, le spectateur désire ou craigne quelque chose. Les in

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