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nécessaire l'observation rigoureuse des unités de temps et de lieu. Lorsque, pendant les entr'actes, l'action se trouve interrompue, le spectateur peut spectateur peut aisément supposer qu'il s'est écoulé quelques heures entre l'acte qui vient de finir et celui qui va commencer, ou bien que de l'appartement d'un palais ou d'un endroit de la ville il s'est transporté dans un autre appartement ou dans un autre endroit; aussi doit-on se garder de sacrifier à ces unités quelque grande beauté d'exécution, ou quelque situation éminemment pathétique qu'il serait impossible de produire sans les violer.

On voit aisément quels efforts faisaient les poètes anciens, et même combien ils étaient quelquefois obligés de sacrifier les convenances pour se renfermer dans la règle des trois unités à laquelle il leur était impossible de manquer. Comme la scène ne pouvait jamais changer, ils se trouvaient contraints de la placer, soit dans la cour d'un palais, soit sur une place publique, où il était vraisemblable que tous les personnages de la pièce se rencontrassent. Il s'ensuivait nécessairement de nombreuses invraisemblances; car on représentait, dans ces endroits publics, des événemens qui, dans la nature des choses, ne devaient se passer que devant très-peu de témoins, ou dans des appartemens retirés. La stricte unité de temps avait pour eux le même inconvénient. Les incidens se trouvaient multipliés et pressés d'une manière peu naturelle; et l'on trouve dans les tragédies grecques beaucoup d'exemples d'événemens que l'on suppose arrivés pendant que le chœur

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a chanté une hymne, mais qui ont dû nécessairement employer un espace de plusieurs heures.

Mais s'il semble nécessaire d'affranchir les poètes modernes de l'observation rigoureuse des unités de temps et de lieu, il ne faut cependant pas perdre de vue que la liberté qu'ils peuvent prendre à cet égard a des bornes. Changer incessamment d'époque et de place, promener le spectateur d'un endroit de la ville dans un autre endroit, d'une contrée dans une autre contrée, renfermer plusieurs jours ou plusieurs semaines dans l'espace d'une seule représentation, sont des licences qui choquent l'imagination, donnent à une pièce quelque chose de romanesque et d'invraisemblable; et un auteur dramatique qui veut acquérir quelque célébrité, ne doit pas se les permettre. Il ne faut pas oublier que c'est entre les actes seulement que l'on peut supposer que la scène a changé de temps ou de lieu, car tant que les acteurs sont sous les yeux du spectateur, il est impossible de prendre cette liberté. En effet, dans le cours d'un acte, la scène ne doit jamais changer, et l'on ne doit jamais supposer qu'il se passe plus de temps que celui de la durée de cet acte. C'est un principe que les poètes français suivent rigoureusement, et auquel on ne peut manquer, comme il arrive trop souvent sur notre théâtre, sans faire preuve d'une négligence impardonnable, et montrer que l'on n'a aucun égard à la division que les actes sont destinés à établir dans une pièce. La tragédie de Caton, par M. Addison, est sans contredit la pièce anglaise la

plus régulière et la mieux conduite; la durée de l'action n'y excède pas l'espace d'un jour, et l'unité de lieu n'y est pas moins bien observée, car la scène ne change jamais, et se passe tout entière dans l'un des appartemens de la maison de Caton, à Utique.

En général, plus le poète, dans une représentation dramatique, approchera de la nature, plus il produira d'impression sur les spectateurs. J'ai fait observer en commençant cette leçon, que la vraisemblance était indispensable dans le développement d'un sujet tragique, et que toutes les fois qu'elle était violée nous en éprouvions un sentiment désagréable. C'est ce qui donne de l'importance à la règle des trois unités, et ce qui doit déterminer un poète à s'y conformer lorsqu'il peut le faire sans sacrifier des beautés d'un genre supérieur et d'un effet certain. Il ne faut pas conclure, comme on l'a fait souvent, que l'observation rigoureuse des unités de temps et de lieu puisse en imposer aux spectateurs, au point de leur faire croire à la réalité des objets qu'ils ont sous les yeux; et que lorsque ces unités se trouvent violées, le charme est rompu de manière que tout ne leur paraisse plus qu'une fiction. Il est impossible de produire une illusion aussi complète. Personne ne se crut jamais transporté dans Athènes ou à Rome, en assistant à la représentation d'une tragédie, dont le sujet était emprunté de l'histoire grecque ou romaine. On sait bien qu'il ne s'agit que d'une imitation, mais on exige une grande ressemblance, car c'est de cette ressemblance seule que dépend le plaisir que l'on goûte à la représentation, ainsi que l'intérêt que l'on doit y

prendre. Notre imagination se prête volontiers à l'imitation, elle la seconde de tous ses efforts; aussi le poète qui ne craint pas de la choquer par l'exposition de quelque circonstance invraisemblable, ou par une imitation grossière ou maladroite, non-seulement nous prive du plaisir que nous nous étions promis, mais encore nous inspire de l'ennui et du dégoût. Voilà tout le mystère de l'illusion du théâtre.

LECTURE XLVI.

DE LA TRAGÉDIE EN GÉNÉRAL, DE CELLE DES GRECS, DES FRANÇAIS ET DES ANGLAIS.

APRÈS avoir traité de la tragédie sous le rapport de l'action, nous allons examiner le caractère des personnages que le poète peut mettre en scène. Quelques critiques ont pensé que la tragédie, par sa nature, exigeait que les principaux rôles représentassent toujours des personnages illustres ou d'un rang très-élevé, comme des héros célèbres ou des princes, et la raison qu'ils en donnent, c'est que les malheurs et les souffrances qu'éprouvent ces grands personnages font sur le cœur et l'imagination une impression bien plus vive que celle que produiraient les mêmes malheurs éprouvés par de simples particuliers. Mais cette raison est plus spécieuse que solide, et les faits le prouvent assez; car les infortunes de Desdemona, de Monimia, de Belvidera, nous intéressent aussi vivement que si des princesses ou des reines en étaient les victimes. La dignité de la tragédie exige qu'il n'y ait rien de vil ou de trop bas dans le caractère et la conduite des personnages; mais elle n'exige rien de plus. La hauteur du rang qu'ils occupent peut ajouter plus de pompe au spectacle, peut donner plus d'importance au sujet, mais ne contribue que bien faiblement à le rendre plus inté ressant ou plus pathétique. Ces deux qualités ne dé

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