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se donne la palme à lui-même (1). A peu près dans le même temps, M. Gay publia sa Semaine du Berger; ce sont six pastorales dont le but est de tourner en ridicule cette espèce de simplicité que vantaient si fort Philips et ses prôneurs. Ce sont des parodies ingénieuses de ce genre de pastorales, où les mœurs de nos modernes paysans sont peintes dans toute leur rusticité. La Ballade pastorale de M. Shenstone, en quatre parties, peut, je crois, être mise au nombre des poëmes les plus élégans que nous ayons en anglais.

Je n'ai pas encore fait mention d'une forme particulière que la pastorale a prise dans nos temps modernes, celle d'une comédie ou d'un drame régulier, dans lequel une intrigue, des caractères et des passions sont assortis à l'innocence et à la simplicité des champs. C'est le perfectionnement le plus important que les poètes modernes aient donné à ce genre de poésie, et deux pièces italiennes, composées de cette manière, il Pastor fido, du Tasse, et l'Aminte, de Guarini, ont acquis une grande célébrité. On trouve dans l'une et l'autre des beautés d'un ordre supérieur; et à beaucoup d'égard, elles méritent la réputation qu'elles ont obtenue. On doit peut-être la préférence à la dernière, parce que l'action et l'intrigue en sont moins compliquées, et que l'on remarque moins d'affectation dans les

(1) Voyez Guardian, Mentor moderne, no 40; M. Prévost observe que l'on ne trouve pas ce numéro dans la traduction française de ce recueil publiée à Amsterdam en 1727. (Note da Trad.)

TOME III.

sentimens; quoiqu'elle ne soit pas exempte de cette espèce de raffinement ou de recherche qui caractérise essentiellement la poésie italienne, et dont j'ai donné un exemple, en choisissant, il est vrai, le passage le plus vicieux de tout le poëme, c'est généralement une composition fort distinguée. La poésie en est douce et charmante, et la langue italienne ajoute encore beaucoup à cette douceur, qui convient si bien à la pastorale. (1)

(1) Il est à propos de faire remarquer ici que l'on a quelquefois poussé trop loin les reproches adressés au Tasse sur ses pointes et ses jeux de mots. Ainsi M. Addison, dans un article critique sur l'Aminte, inséré au Mentor moderne, cite que « Sylvie arrive parée d'une guirlande de fleurs; qu'après « s'être regardée dans une fontaine, elle adresse la parole à ces « fleurs placées sur sa tête, et leur dit qu'elle ne les porte pas « pour se parer, mais pour leur faire honte. Puis il ajoute : « Celui qui trouve cela supportable peut être assuré qu'il n'eut « jamais de goût pour la poésie pastorale. » (Guardian, ou le Mentor moderne, n° 38.) Il est cependant certain que Sylvie ne joue pas dans l'Aminte un rôle si ridicule, et ce jugement nous oblige à croire que M. Addison n'avait point lu cette pièce. Dans un dialogue entre Daphné, compagne de Sylvie, et Tyrcis, confident d'Aminte, qui est l'amant de Sylvie, Daphné, pour prouver que Sylvie n'était ni aussi simple ni aussi ignorante de sa beauté qu'elle cherchait le paraître, donne pour exemple qu'elle la surprit un jour au bord d'une fontaine, occupée du soin de sa parure; et, qu approchant de ses joues tantôt une fleur, tantôt une autre, elle comparait leur éclat au sien, souriait, et semblait leur dire : « Je veux bien vous por«ter, non pour me rendre plus belle, mais pour montrer com« bien je suis plus belle que vous, » Daphné ajoute : « S'aper

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N'oublions pas de parler d'un autre drame pastoral, le Gentil Berger d'Allan Ramsay, digne d'être mis en parallèle avec les meilleurs ouvrages de ce genre. Il est malheureux pour ce beau poëme qu'il soit écrit dans ce vieux et rustique dialecte de l'Écosse, qui bientôt, sans doute, sera inintelligible et entièrement oublié ; un

«< cevant que je l'avais surprise ainsi occupée à s'admirer, elle « jeta ses fleurs, et rougit.» Cette image de la vanité d'une bergère coquette est on ne peut plus naturelle, et bien différente de l'idée que nous en donne M. Addison.

Cette censure du Tasse n'appartient pas originairement à M. Addison. Il paraît que c'est le P. Bouhours qui, dans son ouvrage intitulé: Manière de bien penser dans les ouvrages d'esprit, a le premier commis celte méprise sur les paroles de Sylvie, et en a fait la base de sa critique, que Fontenelle a répétée dans son Discours sur la poésie pastorale. M. Addison, ou l'auteur, quel qu'il soit, de l'article inséré dans le Guardian, les a copiés l'un et l'autre, et M. Warton a encore fait la même remarque dans la préface de sa traduction des églogues de Virgile. Partout ces paroles que Sylvie adresse à des fleurs se' trouvent citées comme un exemple frappant du mauvais goût des poètes italiens, tandis que le Tasse, loin de faire parler ainsi la bergère, nous apprend que c'est sa compagne qui suppose que telle était sa pensée, ou ce qu'elle se disait à ellemême, lorsque, se croyant seule, elle admirait sa beauté. Lorsque je viens d'accuser tant de critiques judicieux d'avoir commis une inexactitude si étrange en se copiant les uns les autres, au lieu de lire l'auteur qu'ils censuraient, je crois devoir rapporter ici le passage qui a donné lieu à mon observation. Voici donc ce que Daphné dit à Tyrcis :

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autre désavantage encore, c'est qu'il est si exactement calqué sur les mœurs champêtres de l'Écosse, qu'il faut être Écossais pour le bien comprendre et en sentir les beautés. Malgré ces inconvéniens particuliers, qui ont dû mettre des bornes étroites à sa réputation, l'on y trouve des descriptions si naturelles, et des sentimens si tendres, qu'il n'est aucun poète qui ne pût se glorifier d'en être l'auteur. Les caractères y sont bien tra

Alle parole, agli atti. Ier vidi un segno
Che me ne mette in dubbio. Io la trovai,
Là presso la cittade in quei gran prati,
Ove fra stagni giace un' isoletta,
Sovra essa un lago limpido e tranquillo,
Tutta pendente in atto, che parea
Vagheggiar se medesma, e' nsieme insieme
Chieder consiglio all' acque, in qual maniera
Dispor dovesse in su la fronte i crini,

E sovra i crini, il velo, e sovra'l velo
I fior, che tenea in grembo; e spesso spesso

Or prendeva un ligustro, or una rosa

E l'accostava al bel candido collo,
Alle guance vermiglie, e de colori
Fea paragone; e poi siccome lieta
Della vittoria, lampeggiava un riso
Che parea che dicesse : io pur vi vinco;
Ne porto voi per ornamento mio;
Ma porto voi sol per vergogna vostra,
Perche si veggia quanto mi cedete;
Ma mentre ella s'ornava, e vagheggiava
Rivolse gli occhi a caso, e si fù accorta
Ch'io di lei m'era accorta, e vergognando,
Rizzossi tosto, ei fior lascio cadere;
In tanto io piu ridea del suo rossore
Ella piu s'arrossia del riso mio.

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cés, les incidens pleins d'intérêt, la scène et les mœurs peintes d'une manière aussi riche que vraie. Ce poëme est une preuve frappante de l'influence que, dans tous les genres d'écrits, le naturel et la simplicité exercent sur le cœur humain; il fait voir aussi quelle variété de caractères et de sujets charmans pourrait admettre la poésie pastorale, s'ils étaient traités par un poète habile.

Occupons-nous maintenant de la poésie lyrique ou de l'ode, genre de composition poétique qui a beaucoup de dignité, et que dans tous les siècles, un grand nombre d'écrivains ont traité avec succès. Ce qui earactérise particulièrement ce poëme, c'est qu'il est fait pour être chanté ou accompagné par la musique; son nom même l'indique; ode, en grec, signifie chanson ou hymne, et poésie lyrique veut dire que les vers doivent être accompagnés de la lyre ou de quelque autre instrument. Cette distinction, dans l'origine, n'était particulière à aucune espèce de poésie; car, ainsi que je l'ai fait observer dans la précédente Lecture, la musique et la poésie furent contemporaines, et long-temps réunies. Mais lorsqu'on les eut séparées l'une de l'autre, lorsque les bardes eurent composé des vers qui devaient seulement être lus ou récités, l'on donna le nom d'ode aux poëmes spécialement destinés à être chantés ou récités avec un accompagnement de musique.

La poésie a donc conservé dans l'ode sa forme primitive, cette forme sous laquelle les plus anciens bardes donnaient essor à leur enthousiasme poétique, chantaient les dieux et les héros, célébraient leurs victoires

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