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conscrire son objet tout ce qui en excède l'image est superflu, et par conséquent nuisible au dessein du poëte. La comparaison doit finir où finissent les rapports. Homère, emporté par le talent et le plaisir de peindre, oubliait souvent que le tableau qu'il peignait avec feu n'était destiné qu'à exprimer une ressemblance; et dans la chaleur de la composition, il l'achevait comme absolu, et intéressant par lui-même. C'est un beau défaut, si l'on veut; mais c'en est un grand que d'introduire dans un récit des circonstances et des détails qui n'ont aucun trait à la chose. Le bon sens est la première qualité du génie; et l'à-propos, la première loi du bon sens : aussi, quoiqu'on ait excusé la surabondance des comparaisons d'Homère, aucun des poëtes célèbres ne l'a-t-il imitée, non pas même dans l'ode, qui, de sa nature, est plus vagabonde que le poëme épique. Lorsque Boileau défendait si hautement, contre Perrault, les comparaisons prolongées, si quelqu'un lui avait dit : Faites-en donc vousmême, et imitez ce que vous admirez; eût-il accepté le défi ?

Toute comparaison un peu développée est elle-même une excursion du génie du poëte, et cette excursion n'est pas également naturelle dans tous les genres. Plus l'ame est occupée de son objet direct, moins elle regarde autour d'elle plus le mouvement qui l'emporte est rapide, plus il est impatient des obstacles et des

détours: enfin plus le sentiment a de chaleur et de force, plus il maîtrise l'imagination et l'empêche de s'égarer. Il s'ensuit que la narration tranquille admet des comparaisons fréquentes; qu'à mesure qu'elle s'anime, elle en veut moins, les veut plus concises, et aperçues de plus près; que dans le pathétique elles ne doivent être qu'indiquées par un trait rapide; et que s'il s'en présente quelques-unes dans la véhémence de la passion, un seul mot les doit exprimer.

Quant aux sources de la comparaison, elle est prise communément dans la réalité des choses, mais quelquefois aussi dans l'opinion et dans l'hypothèse du merveilleux. Ainsi Voltaire compare les ligueurs aux géants: ainsi, après avoir dit du vertueux Mornai,

Jamais l'air de la cour et son souffle infecté
N'altéra de son cœur l'austère pureté;

il ajoute,

Belle Aréthuse, ainsi ton onde fortunée

Roule, au sein furieux d'Amphitrite étonnée,
Un crystal toujours pur et des flots toujours clairs,
Que jamais ne corrompt l'amertume des mers.

Finissons cet article par la plus belle et la plus touchante comparaison qu'il soit possible de transmettre à la mémoire des hommes : elle est de notre bon roi Henri IV. Il s'agissait de prendre d'assaut la ville de Paris; il ne le voulut pas, et voici sa réponse : « Je suis, dit-il, le vrai

père de mon peuple: je ressemble à cette vraie mère dans Salomon ; j'aimerais mieux n'avoir point de Paris, que l'avoir tout ruiné. »

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CONCERT SPIRITUEL. Nous appelons ainsi un spectacle où l'on n'entend guère que des symphonies et des chants religieux, et qui, dans certains jours consacrés à la piété, tient lieu des spectacles profanes : il répond à ce qu'on appelle en Italie Oratorio; mais il s'en faut bien que la musique vocale y soit portée au même degré de

beauté.

Comme ce sont les musiciens eux-mêmes, qui, servilement attachés à leur ancienne coutume, prennent, comme au hasard, un des psaumes ou des cantiques, et, sans se donner d'autre liberté que de l'abréger quelquefois, le mettent en chant tout de suite, et le divisent, tant bien que mal, en récitatif, en duo, et en choeur; il arrive que, sur les versets qui n'ont point de caractère, ils sont obligés de mettre un chant qui ne dit rien, ou dit toute autre chose: c'est ainsi qu'après ce début si sublime, Cœli enarrant, vient ce verset, Non sunt loquelæ, sur lequel Mondonville a mis précisément le babil de deux commères c'est ainsi qu'à côté de ces grandes images, A facie domini mota est terra, mare vidit et fugit, le même musicien a fait sauter dans une ariette les montagnes et les collines, en jouant

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sur les mots, Exultaverunt sicut arietes, et sicut agni ovium. L'on sent combien ce faux goût est éloigné du caractère simple et majestueux d'un cantique.

Quel génie et quel art n'a-t-il pas fallu à Pergolèse pour varier le Stabat! encore dans ce morceau unique tout n'est-il pas d'une égale beauté. La plus belle prose de l'Église, le Dies iræ, qui devrait être l'objet de l'émulation de tous les grands musiciens, aurait besoin lui-même d'être abrégé pour être mis en musique. Les deux cantiques de Moïse, tout sublimes qu'ils sont, demanderaient qu'on fit un choix de leurs traits les plus analogues à l'expression musicale. Dans tous les psaumes de David, il n'y en a peut-être pas un qui, d'un bout à l'autre, soit susceptible des beautés du chant et des contrastes qui rendent ces beautés plus variées et plus sensibles.

Il serait donc à souhaiter d'abord qu'on abandonnât l'usage de mettre en musique un psaume tel qu'il se présente, et qu'on se donnât la liberté de choisir, non-seulement dans un même psaume, mais dans tous les psaumes, et si l'on voulait même, dans tout le texte des livres saints, des versets analogues à une idée principale, et assortis entre eux, pour former une belle suite de chants. Ces versets, pris çà et là, et raccordés avec intelligence, composeraient un riche mélange de sentiments et d'images, qui donnerait à la musique

de la couleur et du caractère, et le moyen de varier ses formes et de disposer à son gré l'ordonnance de ses tableaux.

La difficulté se réduit à vaincre l'habitude, et peut-être l'opinion. Mais pourquoi ne ferait-on pas dans un motet ce qu'on a fait dans les sermons, dans les prières de l'église, où de divers passages de l'écriture rapportés à un même objet, on a formé un sens analogue et suivi?

Mais une difficulté plus grande pour le musicien, c'est d'élever son ame à la hauteur de celle du prophète; de se remplir, s'il est possible, du même esprit qui l'animait; et de faire parler à la musique un langage sublime, un langage divin. C'est là que tous les charmes de la mélodie, toute la pompe de la déclamation, toute la puissance de l'harmonie doivent se déployer avec magnificence un beau motet doit être un ouvrage inspiré; et le musicien qui compose de jolis chants et des choeurs légers sur les paroles de David, en profane le caractère.

Au lieu du moyen que je propose pour former des chants religieux, dignes de leur objet, on a imaginé en Italie de faire de petits drames pieux. qui, n'étant pas représentés, mais seulement exécutés en concert, sont affranchis par-là de toutes les contraintes de la scène : ces drames sont en petit ce que sont en grand, sur nos théâtres, Athalie, Esther, et Jephté : on les appelle oratorio; et Métastase en a donné des mo

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