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ole; mais la louange, dans la bouche d'un oraeur religieux, ne doit jamais être sans fruit; ce doit être comme un flambeau qui éclaire, non pas les ténèbres impénétrables de la mort, mais les sentiers périlleux de la vie; et qui échauffe, non pas les cendres de l'homme qui n'est plus, mais l'ame des hommes qui sont encore et qui ont besoin d'émulation.

Ainsi, à proprement parler, il n'y aurait pour la chaire qu'un genre d'éloquence, celui qui traite des devoirs de l'homme; mais parce qu'elle a tantôt pour base une maxime à développer, tantôt un exemple à produire, je distinguerai le sermon et l'éloge, et pour celui-ci je renvoie à l'article DEMONSTRATIF.

Quant au sermon, c'est à lui d'imprimer son caractère à l'éloquence; et ce caractère est décidé par la qualité du sujet et par celle de l'auditoire.

Instruire, persuader, émouvoir, sont la tâche de l'éloquence en général; mais, selon le sujet, elle s'adresse plus directement à l'esprit ou à l'ame, et sur l'un et sur l'autre elle agit avec plus ou moins de douceur ou de violence. De là cette éloquence onctueuse et insinuante de Massillon, qui entraîne moins qu'elle n'attire, et qui rendrait irrésistible la séduction du mensonge, comme elle rend inévitable le charme de la vérité de là cette éloquence dominante de Bourdaloue sur la raison, et cette éloquence impé

rieuse de Bossuet sur l'imagination et sur la volonté, qu'elle subjugue à force ouverte, et comme dédaignant le soin de les gagner.

On sent que de ces deux moyens, le choix ne saurait être indifférent au génie de l'orateur et à son propre caractère; mais selon qu'il est plus ou moins doué de cette vigueur de raisonnement qui étonne dans Démosthène, ou de cette souplesse d'ame qu'on admire dans Cicéron, ou de cette hauteur de pensée qui se distingue dans Bossuet, ou de cette abondance de sentiment qui s'épanche de l'ame de Massillon, ou de cete fermeté imposante et progressive qui donne à l'éloquence de Bourdaloue l'impénétrable solidité et l'impulsion irrésistible d'une colonne guerrière qui s'avance à pas lents, mais dont l'ordre et le poids annoncent que devant elle tout va ployer: selon, dis-je, que l'orateur se sentira porté naturellement vers l'un de ces genres d'éloquence, il s'attachera aux sujets les plus analogues à son génie.

Si intérieurement il se sent né pour les hautes conceptions et pour les images sublimes, il se saisira des sujets les plus susceptibles de grandeur et de majesté : il planera comme l'aigle sur les débris des trônes, sur les ruines des empires: il élevera son auditoire à la hauteur de ses pensées, soit pour lui faire. contempler l'étendue et la profondeur des desseins de Dieu, soit pour lui faire apercevoir du haut du ciel le néant de

'homme, et le forcer à s'écrier avec Bossuet : O que nous ne sommes rien! Je ne dirai qu'un mot pour caractériser ce genre. Un orateur est appelé à prononcer une oraison funèbre au milieu des tombeaux des rois. Il monte en chaire, il jette les yeux sur ces tombeaux, il parcourt d'un regard lent et sombre une cour en deuil, autour d'un pompeux mausolée; et à la vue de cet appareil, de ce cortége de la mort, après quelques moments de silence, il débute ainsi : Dieu seul est grand, mes frères. Si ce n'est pas Bossuet qui a eu ce mouvement, quel autre est digne de l'avoir eu?

Si le caractère de l'orateur est la force, la véhémence, une âpreté austère, et cette profonde sensibilité qu'on appelle si bien du nom d'entrailles, il livrera la guerre aux vices de la prospérité, aux passions des ames superbes, à l'orgueil, à l'ambition, aux fiers ressentiments de la vanité offensée; à la cupidité, qui boit le sang des peuples; au luxe avide et insatiable, qui s'abreuve de leurs sueurs; à cette dureté des riches, que la vue des malheureux importune et n'amollit jamais; à cet amour-propre exclusif et impitoyable, qui change autour de lui la dépendance en servitude; à cet esprit de tyrannie et d'oppression, qui n'estime dans la fortune que le moyen d'acheter des esclaves, et dans l'autorité que le droit odieux de faire trembler ou gémir.

C'est à l'orateur, susceptible d'une sainte in dignation et capable des grands efforts de l'élo quence pathétique, à prendre l'homme ainsi dé naturé, comme Hercule embrassait Anthée, faire perdre terre à ce colosse, à le tenir sus pendu sur l'abyme du tombeau et de l'avenir, et à l'étouffer de remords.

Qui nous donnera le modèle de ce genre? Ah! Bridaine nous l'eût donné, si on l'avait mis à sa place; mais il nous reste de ce Bridaine (au moins s'il faut en croire M. l'abbé Maury) un morceau à côté duquel tout paraît faible en éloquence.

« Je me souviens, dit M. l'abbé Maury (et c'est au moins ce qu'on peut appeler un heureux effort de mémoire), je me souviens de lui avoir entendu répéter le début du premier sermon qu'il prêcha dans l'église de Saint-Sulpice à Paris, en 1751. La plus haute compagnie de la capitale. vint l'entendre par curiosité. Bridaine aperçut dans l'assemblée plusieurs évêques, des personnes décorées, une foule innombrable d'ecclésiastiques; et ce spectacle, loin de l'intimider, lui inspira l'exorde qu'on va lire. Voici, ajoute-t-il, ce que ma mémoire me rappelle de ce morceau, dont j'ai toujours été vivement frappé, et qui ne paraîtra peut-être point indigne de Bossuet ou de Démosthène. »>

« A la vue d'un auditoire si nouveau pour moi, il semble, mes frères, que je ne devrais ouvrir la bouche que pour vous demander grâce en fa

veur d'un pauvre missionnaire dépourvu de tous les talents que vous exigez quand on vient vous parler de votre salut. J'éprouve cependant aujourd'hui un sentiment bien différent; et si je suis humilié, gardez-vous de croire que je m'abaisse aux misérables inquiétudes de la vanité. A Dieu ne plaise qu'un ministre du Ciel pense jamais avoir besoin d'excuse auprès de vous. Car, qui que vous soyez, vous n'êtes, comme moi, que des pécheurs. C'est devant votre Dieu et le mien que je me sens pressé dans ce moment de frapper ma poitrine. Jusqu'à-présent j'ai publié les justices du Très-Haut dans des temples couverts de chaume; j'ai prêché les rigueurs de la pénitence à des infortunés qui manquaient de pain; j'ai annoncé aux bons habitants des campagnes, les vérités les plus effrayantes de ma religion. Qu'ai-je fait, malheureux! J'ai contristé les pauvres, les meilleurs amis de mon Dieu; j'ai porté l'épouvante et la douleur dans ces ames simples et fidèles, que j'aurais dû plaindre et consoler. C'est ici, où mes regards ne tombent que sur des grands, sur des riches, sur des oppresseurs de l'humanité souffrante, ou sur des pécheurs audacieux et endurcis; ah! c'est ici seulement qu'il fallait faire retentir la parole sainte dans toute la force de son tonnerre, et placer avec moi dans cette chaire, d'un côté la mort qui vous menace, et de l'autre mon grand Dieu qui vient vous juger. Je tiens aujourd'hui votre

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