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Voilà le véritable genre de l'apostrophe oratoire. Celle qui s'adresse aux absents, aux morts, aux êtres invisibles ou inanimés, peut être pathétique, lorsque le sujet la soutient et que la situation l'inspire; mais elle est beaucoup moins pressante, et le plus souvent elle tient de la déclamation.

Sa place naturelle c'est la poésie passionnée.

Que diras-tu, mon père, à ce spectacle horrible?

(Phedre.)

Månes de mon amant, j'ai donc trahi ma foi?

(Alzire.)

O cendres d'un époux! ô Troyens! ô mon père !
O mon fils! que tes jours coûtent cher à ta mère !
(Andromaque.)

Quoi! pour noyer les Grecs et leur milles vaisseaux,
Mer, tu n'ouvriras pas des abymes nouveaux ?...
Et toi, soleil, et toi, etc. (Clytemnestre.)

Elle interrompt le dialogue, se mêle au récit et l'anime, s'échappe à tous moments d'un cœur que possède l'amour, la jalousie, la colère, l'indignation, etc. Elle soulage aussi la douleur plaintive et solitaire; et c'est l'expression la plus familière et la plus touchante de cette mélancolie qui se nourrit de souvenirs et de regrets.

cible, vous, centurions, vous, soldats, qui, non-seulement assistez, mais qui, sous les armes, présidez à ce jugement. Souffrirez-vous que du sein de Rome on écarte, on bannisse, ine tant tu?»

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Autrefois l'usage d'adresser la parole à son cœur, à ses yeux, à son ame, à son bras, était fréquent dans la poésie pathétique; et il n'est pas absolument hors de la vraisemblance de se détacher ainsi d'une partie de soi-même. Ce guerrier qui au moment du combat, se sentant frémir, disait à ses compagnons: Ce corps frémirait bien davantage s'il savait où je vais le mener, exprimait un sentiment naturel et sublime. Homère, qui est toujours si simple et si vrai, n'a pas laissé de dire qu'Ulysse avait tancé son cœur rugissant de colère, et lui avait dit: Supporte encore cet affront. Rien de plus vif et de plus touchant que cette apostrophe de dom Diègue à son épée.

Et toi, de mes exploits glorieux instrument,
Mais d'un corps tout de glace inutile ornement,
Fer, jadis tant à craindre, et qui, dans cette offense,
M'as servi de parade, et non pas de défense,
Va, quitte désormais le dernier des humains;
Passe, pour me venger, en de meilleures mains.

Ces vers de Chimène, tant critiqués,

Pleurez, pleurez mes yeux, et fondez-vous en eau,
La moitié de ma vie a mis l'autre au tombeau.

Ces vers nous font encore verser des larmes : c'est que la passion a dans son délire des mouvements et des illusions que la froide critique ne connaît pas.

Scudéri trouvait là trois moitiés. Eh! malheureux! ne vois-tu pas que le père et l'amant sont

tout; que Chimène n'est rien; qu'elle s'oublie; et que dans sa douleur elle doit s'oublier?

APPLICATION. Nouvel emploi d'un

de prose, soit de poésie.

passage, soit

Plus le nouveau sens, ou le nouveau rapport que l'application donne au passage, est éloigné de son sens primitif, plus l'application est ingénieuse, lorsqu'elle est juste.

De tous les jeux de l'esprit, c'est peut-être celui où il brille le plus par la justesse, la finesse, la singularité piquante, et sur-tout l'à-propos de ces rencontres heureuses que l'occasion semble lui offrir d'elle-même, espèces de hasards qui n'arrivent qu'à lui.

L'archevêché de Paris venait d'être érigé en pairie. Les duchesses, en corps, allèrent en faire compliment à l'archevêque de Harlai, l'un des plus beaux hommes de son temps. « Monseigneur, lui dit celle qui portait la parole, les brebis viennent féliciter leur pasteur de ce qu'on a couronné sa houlette. » L'archevêque, en regardant ces dames, dit à sa cour sacerdotale :

Formosi pecoris custos (1).

Madame de Bouillon, qui savait le latin, répliqua :

«

(1) De quel beau troupeau je suis pasteur! »

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Formosior ipse (1).

L'abbé de Villeroi n'avait pu obtenir des chanoines de Lyon d'être reçu dans leur chapitre. Le roi le fit archevêque de Lyon; et le chapitre lui rendit les devoirs accoutumés. Villeroi voulut se prévaloir de son avantage, et leur dit ces mots du psaume 117: Lapidem quem reprobaverunt ædificantes, hic factus est in caput anguli (2). L'un des chanoines lui répondit par le verset qui suit immédiatement celui-là: A domino factum est istud, et est mirabile oculis nostris (3)

Il fut un temps où il était permis, en chaire, de citer des auteurs profanes. Le P. Arnoux, jésuite, confesseur de Louis XIII, en prêchant la passion, vit entrer la reine, Marie de Médicis, et obligé de recommencer, selon l'usage, il lui adressa ce vers de Virgile :

Infandum, regina, jubes renovare dolorem (4).

L'emblême de Louis XIV était, comme on sait, le soleil. Le jésuite Bouhours prétendait même

(1) « Le pasteur est plus beau lui-même. »

(2) « La pierre qu'ils avaient rejetée est devenue la pierre de l'angle. »

(3) C'est le Seigneur qui a fait cela, et c'est un miracle à

a

nos yeux. »

(4) « Reine, vous m'ordonnez de renouveler une horrible douleur. »

que depuis que le roi avait pris un soleil pour son symbole, et qu'il s'était approprié ce bel astre, pour parler de la sorte, les personnes un peu éclairées prenaient le soleil pour lui. Quoi qu'il en soit, Louis XIV avait été instruit de ce qui se tramait en Angleterre en faveur du prince d'Orange, et il en avait averti le roi Jacques II, qui n'avait pas voulu le croire. Mais quand l'événement justifia l'avis qu'il avait négligé, on dit que Jacques s'écria :

Solem quis dicere falsum

Audeat? ille etiam cæcos instare tumultus

Sæpè monet, fraudemque, et operta tumescere bella (1).

Voilà sans contredit une des plus belles applications qui se soient jamais faites, mais une présence d'esprit bien étrange, dans un roi menacé de perdre sa couronne!

Ce même Jacques II nous rappelle le malheur de la Hogue, et la réponse trop heureuse que firent les Anglais aux flatteurs de Louis XIV. Les flatteurs avaient imaginé une médaille où Louis XIV était représenté sous la figure de Neptune menaçant les vents, avec cette légende, Quos ego. Le combat fut perdu; et toute l'habileté de Tourville, et toute la valeur des Français ne purent

(1) « Qui osera dire que le soleil nous trompe ? C'est lui qui souvent nous avertit des troubles secrets qui nous menacent, des trahisons, et des guerres sourdes qui commencent à s'allumer. »

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