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et ce présage du destin de Rome,

Imperium terris, animos æquabit olympo (1);

et cette réponse de Médée,

Servare potui; perdere an possim rogas (2)?

et ces mots de Sénèque, en parlant de l'Être suprême et de ses immuables lois : Semper paret, semel jussit (3), ne sont-ils pas du style le plus grave? Ces mots d'Alexandre: Malo me fortuna poeniteat quam victoria pudeat (4); et ce trait du caractère de César, Meruitque timeri nil metuens (5); et cette conclusion de l'apologie de Socrate, en parlant à ses juges, Il est temps de nous en aller, moi pour mourir, et vous pour vivre, n'est-ce que du faux bel-esprit?

Il en est de l'antithèse comme de toutes les figures de rhétorique; lorsque la circonstance les amène et que le sentiment les place, elles donnent au style plus de grâce et plus de beauté. Il faut prendre garde seulement que l'esprit ne se fasse pas une habitude de certains tours de pen

(1) « Son empire embrassera la terre; son génie atteindra les cieux. »

(2)

(3)

« J'ai pu le sauver; et tu demandes si je puis le perdre?» << Il a commandé une fois; il ne fait plus qu'obéir. (4) « J'aime mieux avoir à me plaindre de ma fortune, que d'avoir à rougir de ma victoire. »

(5) Inaccessible à la crainte, il mérita de l'inspirer. »

sée et d'expression, qui, trop fréquents, cesseraient d'être naturels. C'est ainsi que l'antithèse, trop familière à Pline le jeune et à Fléchier, paraît, dans leur éloquence, une figure étudiée, quoique peut-être elle leur soit venue sans étude et sans réflexion.

APOSTROPHE. Rien de plus commun, dans les livres que l'on nous donne pour classiques, que le manque d'exactitude dans les définitions et de justesse dans les exemples. Longin, en citant de Démosthène un mouvement oratoire vraiment

sublime, a dit : Par cette forme de serment, que j'appellerai ici apostrophe, il défie, etc. Longin ne pensait pas alors à définir rigoureusement l'apostrophe: le sublime était son objet. Il ne fallait donc pas, sur la foi de Longin, donner pour apostrophe ce qui n'en est pas une. Et qui ne sait pas que cette figure ou ce mouvement oratoire consiste à détourner tout-à-coup la parole, et à l'adresser, non plus à l'auditoire ou à l'interlocuteur, mais aux absents, aux morts, aux êtres invisibles ou inanimés, et le plus souvent à quelqu'un, ou à quelques-uns des assistants? Or dans le serment de Démosthène il n'y a rien de détourné: il s'adresse aux Athéniens.

<< Non, non, leur dit-il; en vous chargeant du péril (de la guerre contre Philippe ) pour la fiberté universelle et pour le salut commun, vous

n'avez point failli. Non! j'en jure par ceux de vos ancêtres qui bravèrent les hasards de Marathon, et par ceux qui soutinrent le choc à la bataille de Platée, et par ceux qui sur mer livrèrent les combats de Salamine et d'Artemise, et par un grand nombre d'autres qui reposent dans les tombeaux publics.

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Si dans ce moment Démosthène eût employé l'apostrophe, il aurait dit : Je vous en atteste, ou j'en jure par vous, illustres morts, etc. Mais ce tour, plus artificiel et plus commun, aurait été moins beau. Et en effet, ce n'est pas dans le fort d'une argumentation aussi serrée que l'est celle de Démosthène dans cet endroit de son apologie, ce n'est point là que l'orateur doit lâcher prise et se dessaisir de ses juges, pour s'adresser aux absents ou aux morts.

Dans ces moments, c'est la partie adverse qu'on attaque, c'est un témoin présent que l'on atteste, c'est un accusateur qu'on presse, ou un protecteur qu'on implore, c'est quelquefois ses juges mêmes qu'on met en scène et qu'on prend à témoin. Ainsi, dans la harangue que je viens de citer, soit que Démosthène provoque son adversaire et lui demande : « Pour qui voulez-vous, Eschine, qu'on vous répute? pour l'ennemi de la république, ou pour le mien? » Soit qu'il interroge ses juges et qu'il leur demande à euxmêmes : « Qui empêcha que l'Hellespont ne tombât sous une domination étrangère? Vous, messieurs.

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Or, quand je dis vous, je dis la république. Mais qui consacrait au salut de la république ses discours, ses conseils, ses actions? qui se dévouait totalement pour elle? Moi. » Le mouvement oratoire est vif, pressant, irrésistible.

Quelquefois l'apostrophe est double; et les deux mouvements, se succédant avec rapidité, donnent à l'éloquence le plus haut degré de chaleur. Tel est, contre Aristogiton, cet endroit du même orateur, rappelé par Longin : « Il ne se trouvera personne entre vous, Athéniens, qui ait du ressentiment et de l'indignation de voir un impudent, un infâme, violer insolemment les choses les plus saintes! Un scélérat, dis-je, qui... O le plus méchant de tous les hommes! rien n'aura pu arrêter ton audace effrenée!» etc.

J'ai cité ailleurs la plus belle des apostrophes de Cicéron : Quid enim, Tubero, tuus ille districtus in acie pharsalicá gladius agebat? (1) Mais cette figure se reproduit à chaque instant dans ses harangues. Je ne sais pas pourquoi nous le citons en détail; il faut le lire tout entier, et le relire après l'avoir lu. Tantôt on le verra prendre à la gorge son adversaire, le terrasser, le couvrir d'opprobre, et après l'avoir foulé aux pieds et traîné dans la fange, l'abandonner avec mépris à l'indignation publique; c'est ainsi qu'il

(1) « Toi-même, Tuberon, que faisait ton épée dans le champ de Pharsale? »

traite Pison; tantôt s'adresser à ses juges, comme dans la défense de Milon, et invoquer leur témoignage : Sed quid ego argumentor? quid plura disputo? Te, Q. Petilli, appello, optimum et fortissimum civem; te M. Cato, testor; quos mihi divina quædam sors dedit judices (1): tantôt s'adresser à son client et le mettre en scène : Te quidem, Milo, quod isto animo es (scilicet fortissimo) satis laudare non possum; sed quo est ista magis divina virtus, eo majore à te dolore divellor (2) : tantôt enfin chercher dans l'auditoire des amis et des défenseurs: Vos, vos appello, fortissimi viri, qui multum pro republicá sanguinem effudistis; vos in viri et in civis invicti appello periculo, centuriones, vosque, milites. Vobis non solum inspectantibus, sed etiam armatis et huic judicio præsidentibus, hæc tanta virtus ex hác urbe expelletur, exterminabitur, projicietur (3).

(1) « Mais pourquoi m'arrêter à des raisonnements? pourquoi disputer davantage? C'est à vous, vertueux et vaillant Q. Petilius, c'est à vous, M. Caton, que je m'adresse, à vous qu'une providence divine semble m'avoir donnés pour juges. >>

(2) « Je ne puis, Milon, trop louer la force et l'élévation de ton ame; mais plus je vois dans ta vertu ce noble et divin caractère, plus grande est pour moi la douleur de me séparer de toi. >>

(3) « C'est vous que j'implore, braves guerriers, qui avez tant répandu de votre sang pour la patrie; c'est vous que j'appelle au secours d'un vaillant citoyen, d'un homme invin

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