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Cicéron parlait devant César; il lui peignait l'accusateur de Ligarius; il le lui faisait voir tout occupé lui-même à le chercher dans la mêlée, à lui plonger l'épée dans le sein; et le rhéteur appelle cela une amplification de mots! Sans doute, gladius, mucro, arma; sensus, mens, animus; cupiebas, optabas, sont des mots synonymes; mais comment ce rhéteur n'a-t-il pas vu que des synonymes gradués par leur emploi dans l'expression redoublent la force de la pensée, et que cette gradation ne fait qu'exprimer celle de l'idée et du sentiment?

Lorsque Longin a défini l'amplification un accroissement de paroles, il y a donc compris la pensée l'amplification, sans cela, ne serait rien que de l'enflure. Mais quoi qu'il en soit de la définition de Longin, celle de Cicéron est expresse et non équivoque: Vehementius quoddam dicendi genus, quo rei vel dignitatem et amplitudinem, vel indignitatem et atrocitatem, pondere verborum et enumeratione circumstantiarum demonstramus (1). Il ajoute, qu'en amplifiant, il faut éviter les petits détails: Nihil tenuiter enucleandum; et sur-tout les paroles vides: vitandas vacuas voces, et inanem verborum sonitum.

(1) « C'est un genre de discours plus véhément, dans lequel, par la force des paroles et l'énumération des circonstances, nous démontrons ou la dignité et la grandeur d'une action, ou son indignité et son atrocité. »

La première règle de l'amplification sera donc que le sujet en soit digne. « Il n'y a point de figure plus excellente, nous dit Longin, que celle qui est tout-à-fait cachée, et lorsqu'on ne reconnaît point que c'est une figure. » Tel est le naturel de l'amplification, lorsque le sujet la soutient. Si elle est déplacée, elle est froide; si elle est démesurée, elle est ridicule ou choquante. C'est, comme disait Sophocle, ouvrir une grande bouche pour souffler dans un chalumeau.

La seconde règle, c'est que le fait ou le fond de l'idée soit solidement établi; car l'amplification, qui porte à faux, n'est qu'une déclamation vaine : il y en a beaucoup de ce nombre.

La troisième règle est que l'amplification se lie à la preuve, et y ajoute. L'art d'embellir un discours sérieux est le même que l'art d'orner un édifice : c'est de rendre l'utile et le nécessaire agréables, et de faire servir la décoration à la solidité. Columnæ, et templa et porticus sustinent; tamen habent non plus utilitatis quàm dignitatis. Capitolii fastigium istud, et cæterarum ædium, non venustas sed necessitas ipsa fabricata est (1). De orat. 1. 3. Tout le reste est déclamation.

(1) « Les colonnes soutiennent les temples et les portiques, et cependant elles n'ont pas moins de dignité que d'utilité. Ce beau faîte du Capitole, ainsi que de tant d'autres édifices, ce n'est pas la magnificence qui l'a construit, c'est la nécessité. »

Quand on dit tout ce qu'on doit dire, on n'amplifie pas, dit Voltaire; et après avoir cité ces beaux vers de Virgile :

Nox erat, et placidum carpebant fessa soporém
Corpora, etc.

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Il ajoute « Si la longue description du règne du sommeil dans toute la nature ne faisait pas un contraste admirable avec la cruelle inquiétude de Didon, ce morceau ne serait qu'une amplifi cation puérile : c'est le mot at non infelix animi Phænissa, qui en fait le charme. »

Rien n'est plus vrai; mais cela prouve que l'amplification est un défaut lorsqu'elle est sans objet, et une beauté lorsqu'elle est bien placée. Quand on dit tout ce qu'on doit dire, on dit plus que l'idée vague ou précise ne dirait elle-même; et la présenter aux esprits avec tous les traits qui peuvent l'agrandir, l'élever, la rendre plus sensible et plus intéressante, c'est ce qu'on appelle amplifier. Ce beau rôle de Phèdre, que Voltaire donne pour exemple, n'est lui-même qu'une éloquente amplification de ces mots : J'aime, je suis coupable, je le suis malgré moi : j'aime; et ma rivale est aimée.

Quant aux défauts qu'on observera dans ce genre de composition, de la part des jeunes élèves, les principaux seront la stérilité, la futilité, la timidité, la surabondance, et l'audace.

La stérilité est affligeante; mais il n'en faut pas désespérer. La culture et l'étude peuvent en être

le remède. On prend trop souvent pour un manque d'esprit, ce qui n'est qu'un manque d'idées.

La futilité est bien pire; car celui qui attache de l'importance à des minuties, qui amplifie des bagatelles, qui veut faire valoir des riens, a rarement le sens droit, l'esprit juste, et le talent de la vraie éloquence.

La timidité n'est souvent, dans un jeune homme heureusement doué, que le sentiment trop vif de sa faiblesse ou des difficultés de l'art : il faut estimer en lui cette défiance modeste, l'en louer, et l'en corriger.

La surabondance est un excès qu'Antoine aimait dans ses disciples. Volo se efferat in adolescente fœcunditas. Mais il voulait aussi qu'on modérât cette première végétation, comme celle des blés naissants, lorsque l'herbe en est trop épaisse. In summá ubertate inest luxuries quædam, quæ stylo depascenda est.

Il faut aussi, dans un jeune homme, réprimer l'emportement de l'expression comme celui de la pensée; et, soit avec une imagination trop fougueuse, soit avec un esprit trop craintif et trop lent, imiter Isocrate, qui employait, disaitil, selon le génie de ses élèves, ou la bride, ou les éperons: Alterum enim exsultantem verborum audaciá reprimebat; alterum cunctantem et quasi verecundantem excitabat (1).

(1) « Dans l'un, il réprimait l'audace des paroles; dans l'autre, il excitait l'irrésolution et la timidité. »

« Le genre d'éloquence auquel l'amplification convient le mieux, dit Aristote, c'est le genre démonstratif; mais elle doit porter sur des faits reconnus, de façon qu'il ne reste plus qu'à les orner et à les agrandir. >>>

AMPOULE. Le projicit ampullas d'Horace semble avoir donné lieu à cette expression figurée. On appelle un style, un vers, un discours ampoulé, celui où l'on emploie de grands mots à exprimer de petites choses; où la force de l'expression se déploie mal-à-pròpos; où la parole excède la pensée, exagère le sentiment.

Il n'est point d'expressions dont l'énergie ou l'élévation ne trouve sa place dans le style: mais il faut que la grandeur de l'objet y réponde; et de la justesse de ce rapport, dépend la justesse de l'expression. Qu'un autre que Phèdre pensât que son amour pût faire rougir le soleil, ce serait du style ampoulé. Mais après ces vers:

Noble et brillant auteur d'une illustre famille,
Toi, dont ma mère osait se vanter d'être fille ;

il est tout simple et tout naturel que la fille de Pasiphaé ajoute :

Qui peut-être rougis du trouble où tu me vois.

Il n'est pas moins naturel que la fille de Minos. juge des morts, se représente son père épou

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