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Plistarque, fils de Léonidas, apprenant qu'un homme connu pour être envieux et méchant, disait du bien de lui, répondit: Il me croit donc mort?

Le seul moyen pour les gens de lettres de capituler avec l'amour-propre de l'amateur à prétentions, serait donc de s'ensevelir, je veux dire, de vivre obscurs et retirés; en sorte que, dans le monde, il ne rencontrât que leurs livres, et qu'il n'eût jamais avec leur personne ni débats d'opinions, ni assaut de raison, de goût et de lumières, ni aucune espèce de rivalité à soutenir; alors sa vanité n'ayant rien à démêler avec eux face-à-face, il leur pardonnerait peut-être une existence idéale qui ne lui ferait plus d'ombrage. Mais s'il les trouve dans le monde; s'il les y voit estimés, applaudis; s'ils lui enlèvent l'attention; si leur esprit a quelquefois le malheur d'éclipser le sien; s'ils ont sur-tout un caractère qui ne se plie pas assez aux complaisances, aux déférences, aux adulations qu'il exige, ils sont perdus dans son opinion; ils peuvent compter sur sa haine; il les dénonce comme des hommes d'une présomption, d'un orgueil, d'une arrogance insupportable, comme des hommes qu'on ne peut trop rabaisser et humilier. Il les a soupçonnés de croire valoir mieux que lui; c'est assez; il affirmera qu'ils n'estiment rien tant qu'eux-mêmes; que, du côté des rangs et des conditions, ils n'admettent à leur égard nulle espèce d'inégalité,

et que, du côté des talents, ils pensent avoir surpassé tout ce qu'il y a de plus illustre. Sur ces deux points, il leur attribue toutes les sottises qu'il imagine; et il a bien de quoi en être libéral.

Je ne serais donc pas surpris que, dans un siècle où les gens de lettres se seraient trop répandus, et où cette espèce d'envieux secrets, et honteux de l'être, se serait trop multipliée, ce fût la principale cause de l'animosité qu'un certain monde aurait conçue contre les talents littéraires, et de la protection clandestine et sourde que l'on accorderait à leurs plus insolents et plus vils détracteurs.

AMÉNITÉ. C'est, dans le caractère, dans les mœurs, ou dans le langage, une douceur accompagnée de politesse et de grâce. L'aménité prévient, elle attire, elle engage, elle fait souhaiter de vivre avec celui qui en est doué.

Un peuple sauvage peut avoir de la douceur; mais l'aménité n'appartient qu'à un peuple civilisé.

La société des hommes entre eux, et sans les femmes, aurait trop de rudesse; ce sont elles qui, par l'émulation d'agréments qu'elles leur inspirent, leur donnent de l'aménité.

Aménité se dit aussi, et dans le même sens, du style d'un écrivain; et cette qualité convient particulièrement au familier noble et aux ouvra

ges de sentiment. Le style d'Ovide, celui d'Anacréon, celui de Fontenelle est plein d'aménité. On peut aussi le dire du style héroïque; et c'est une des qualités de la prose de Télémaque.

Un modèle d'aménité, chez les anciens, ce sont les dialogues de Cicéron sur l'orateur. Il n'y eut jamais d'entretien littéraire plus animé; il n'y en eut jamais de plus doux; c'est à-la-fois un monument d'éloquence et d'urbanité. Qui peut, en lisant ces dialogues, ne pas sentir un désir trèsvif d'être sous ce platane, sous ce portique de Tusculum, où les plus éloquents des Romains s'expliquent sur leur art, chacun avec une modestie aimable en parlant d'eux-mêmes, et avec une estime sentie et motivée, quelquefois avec un enthousiasme sincère, quand ils parlent de leurs rivaux? Par-tout de la chaleur, par-toui de la lumière. C'est enfin, ce qui est si rare, de la contrariété sans aigreur et sans amertume, de la politesse sans fard, de la louange sans fadeur. Que n'avons-nous sur l'art du théâtre un pareil entretien entre Corneille, Molière, et Racine, composé par Voltaire! cet ouvrage apprendrait aux jeunes gens à travailler, et à disputer.

AMPLIFICATION. Manière de s'exprimer qui agrandit les objets ou qui les diminue. Cette définition d'Isocrate a été contestée, et on la croit désavouée par Cicéron; mais on se trompe; c'est

dans ce même sens que Cicéron nous dit que l'amplification est le triomphe de l'éloquence. Summa autem laus eloquentiæ amplificare rem ornando: quod valet non solum ad augendum aliquid et tollendum altiùs dicendo, sed etiam ad extenuandum atque abjiciendum. De orat. 1. 3. (1).

Et quoiqu'Aristote distingue ces deux effets de l'éloquence, il les met de pair à côté l'un de l'autre, comme un seul et même secret de l'art. Mais cet art-là serait, dit-on, celui d'un sophiste ou d'un déclamateur. Colonia, dans sa Rhétorique, a fait cette observation, et on l'a répétée.

Pour y répondre, observons d'abord qu'agrandir n'est pas tout-à-fait synonyme d'exagérer. Le développement d'une idée, ou son accroissement par une aggrégation d'idées incidentes, une comparaison qui la fortifie, un contraste qui la rend plus saillante, une gradation qui l'élève; tout cela, dis-je, l'agrandit, sans en exagérer l'objet. Alors amplifier n'est pas donner aux choses une grandeur fictive, mais toute leur grandeur réelle. On peut de même, par la diminution, ne les réduire qu'à leur valeur. L'un et l'autre sera sensible dans une fable de La Fontaine.

(1) « Le grand mérite de l'éloquence est d'amplifier les choses en les ornant; et cet art d'agrandir un objet et de l'élever au-dessus de lui-même, sert aussi à le diminuer et à le rabaisser. »

dir.

Un mal qui répand la terreur,
Mal que le Ciel, en sa fureur,

Inventa pour punir les crimes de la terre,
La peste, etc.

C'est là ce qu'on appelle amplifier pour agran

L'âne vint à son tour, et dit : J'ai souvenance

Qu'en un pré de moines passant,

La faim, l'occasion, l'herbe tendre, et, je pense,
Quelque diable aussi me poussant,

Je tondis de ce pré la largeur de ma langue.

C'est là ce qu'on appelle diminuer en amplifiant; et par ces deux exemples, on voit que l'amplification est si bien compatible avec la vérité, avec la sincérité même, qu'elle se trouve dans le récit le plus simple et le plus naïf.

Observons de plus que, lorsque c'est l'enthou siasme ou la passion qui exagère, comme fait l'indignation, l'admiration, la douleur, l'amplification est encore sincère, quoiqu'elle excède la vérité; car l'orateur s'exprime comme il sent; et si le sentiment qui l'anime est louable, son éloquence est sans reproche. Il n'est pas obligé d'être calme, impassible, et modéré comme le juge; c'est à celui-ci à réduire l'amplification aux termes de la vérité.

Observons enfin, que lors même que de prodélibéré l'orateur grossit ou atténue, relève ou rabaisse l'objet de l'amplification, comme fait

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