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dans les Femmes savantes, et dont il a dit, dans

le Misanthrope,

Ce n'est que jeux de mots, qu'affectation pure,
Et ce n'est point ainsi que parle la nature.

L'affectation est un protée dont les métamorphoses se varient à l'infini. Celle de l'avocat le Maître et des orateurs de son temps, consistait à aller chercher, le plus loin qu'il était possible de leur sujet, des figures et des exemples. Le Maître, dans son plaidoyer pour une fille désavouée, dit que son père a été pour elle un ciel d'airain, et sa mère une terre de fer. Prendra-t-on, dit-il encore, en parlant de la jalousie du père, pour un astre du ciel cette funeste comète de l'air, si féconde en maux et en désordres? Il dit, en parlant des larmes que la mère laissa échapper en désavouant sa fille : Cette tie si tendre (le coeur) étant blessée, pousse des larmes comme le sang de sa plaie. Il dit de la jeune fille, que le soleil de la providence s'est levé sur elle; que ses rayons, qui sont comme les mains de Dieu, l'ont conduite. Il dit, à propos des moyens qu'avait employés un clerc pour séduire une servante, Qui ne sait que l'amour est le père des inventions; qu'il anime dans l'Iliade toutes les actions merveilleuses des héros; que Sapho l'appelait le grand architecte des paroles, et le premier maitre de rhétorique; qu'Agathon le surnommait le plus savant des dieux,

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et soutenait qu'il n'était pas seulement poëte, mais qu'il rendait les amoureux capables de faire des vers; que Platon a remarqué qu'Apollon n'a montré aux hommes à tirer de l'arc qu'à cause qu'il était blessé de la flèche de l'amour, ni enseigné la médecine qu'étant agité de cette violente maladie, ni inventé la divination que dans l'excès du méme transport? Quel usage de l'esprit et de l'érudition! Voyez BARREAU.

L'affectation de Marivaux ne ressemble ni à celle de Pline, ni à celle de Voiture, ni à celle de Balzac, ni à celle de le Maître. Elle consiste, du côté de la pensée, dans des efforts continuels de discernement, pour saisir des traits fugitifs, ou des singularités imperceptibles de la nature; et du côté de l'expression, dans une attention curieuse à donner aux termes les plus communs une place nouvelle et un sens imprévu; souvent aussi, dans une continuité de métaphores familières et recherchées, où tout est personnifié, jusqu'à un oui qui a la physionomie d'un non. C'est un abus continuel de la finesse et de la sagacité de l'esprit.

On a été trop sévère lorsqu'on a dit de Marivaux, qu'il s'occupait à peser des riens dans des balances de toile d'araignée: mais lorsqu'on a dit de lui, qu'en observant la nature avec un microscope, il faisait voir des écailles sur la peau, on n'a dit que la vérité, et on l'a dite de la manière la plus ingénieuse. Pour bien peindre la nature aux

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yeux des autres, il faut ne la voir qu'avec ses yeux, ni de trop près, ni de trop loin. C'est avoir beaucoup d'esprit, sans doute, que d'en avoir trop; mais c'est n'en pas avoir assez.

L'affectation de Fontenelle, la plus séduisante de toutes, consiste à rechercher des tours ingénieux et singuliers, qui donnent à la pensée un air de fausseté, afin qu'elle ait plus de finesse. Ce mot de lui, pour exprimer le ressemblance du portrait d'un homme taciturne, on dirait qu'il se tait; et celui-ci au cardinal Dubois, Vous avez travaillé dix ans à vous rendre inutile; et celuici, en parlant de certaines choses, Dès l'âge de neuf ans, je commençais à n'y rien comprendre; et celui-ci, en louant La Fontaine, Il était si béte, qu'il ne savait pas qu'il valait mieux qu'Ésope et Phèdre, font sentir ce que je veux dire. Le mot de Charillus, à un Ilote, Si je n'étais pas en colère, je te ferais mourir sur l'heure ; et celui d'un autre Lacédémonien qui revenait d'Athènes, et à qui on demandait comment tout y allait, Le mieux du monde, tout y est honnéte ; et ce mot de Pyrrhus, après avoir battu deux fois les Romains et vu périr ses meilleurs capitaines, Si nous gagnons encore une bataille, nous sommes perdus, sont dans le goût de Fontenelle. On lui a reproché en général le soin d'aiguiser ses pensées et de brillanter ses discours, en ménageant, pour la fin des périodes, un trait saillant et inattendu. Mais cette affectation, qui

n'en était plus une, tant l'habitude lui avait rendu ce tour d'esprit familier et facile, ne peut pas être celle de tout le monde: Marivaux, avec bien de l'esprit, s'était gâté le goût en voulant l'imiter.

Ce que Fontenelle paraît avoir recherché avec tant de soin, c'est cette simplicité délicate et fine qu'on attribuait à Simonide, et à propos de laquelle M. le Fèvre a dit: Il faut vieillir dans le métier, pour arriver à cette admirable, à cette bienheureuse et divine facilité. Ni Hermogène, ni Longin, ni Quintilien, ni Denis encore, ne feront cette grande affaire. Il faut que le ciel s'en méle, et que la nature commence ce que l'art achevera peut-être un jour.

La Motte était moins étudié que Fontenelle dans sa prose; mais dans ses fables, toutes les fois qu'il a voulu être naïf, il a été maniéré : c'est que la naïveté ne lui était pas naturelle, et que tout l'esprit du monde ne peut suppléer au talent. Voyez FABLE.

AIR. En lisant et relisant l'Essai sur l'union de la poésie et de la musique, je me suis si bien pénétré des idées dont cet excellent ouvrage est rempli; et depuis, mes réflexions et les lumières que l'expérience a pu me donner, se sont si parfaitement accordées avec les principes de l'auteur de l'Essai, qu'en écrivant sur la poésie des

tinée à être mise en chant, il ne me serait pas possible de distinguer ce qui est de lui ou de moi; et qu'il vaut mieux tout d'un coup lui attribuer, soit que je le copie ou non, tout ce que je dirai sur l'objet qu'il a si bien approfondi.

L'air est une période musicale, qui a son motif, son dessein, son ensemble, son unité, sa symétrie, et souvent aussi son retour sur ellemême.

Ainsi l'air est à la musique ce que la période est à l'éloquence, c'est-à-dire, ce qu'il y a de plus régulier, de plus fini, de plus satisfaisant pour l'oreille; et l'interdire au chant théâtral, ce serait retrancher du spectacle lyrique le plus sensible de ses plaisirs. C'est sur-tout le charme de l'air qui dédommage les Italiens de la monotonie de leur récitatif, et de la froideur de leurs scènes épisodiques; et c'est ce qui manque à l'opéra français pour en dissiper la langueur. (J'écrivais ceci avant que la musique italienne fût établie sur notre scène lyrique : les opéra de M. Piccini n'y laissent plus rien à désirer).

Mais si l'air doit être admis dans la musique théâtrale, il doit y être aussi naturellement amené; et l'art de le placer à-propos n'a pas été as

sez connu.

La musique vocale a trois procédés différents : le récitatif simple, le récitatif obligé, et l'air, ou le chant périodique et suivi. Le premier s'emploie à tout ce que la scène a de tranquille et

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