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aiguise son esprit et perfectionne sa raison. Il veut de même dans le pathétique un spectacle qui laisse des impressions utiles; qui lui élève l'esprit et l'ame; qui l'occupe long-temps après, de souvenirs intéressants, de réflexions sages, ou de grandes idées, en un mot, qui l'instruise en même temps qu'il l'attendrit.

AFFECTATION. Manière trop étudiée, trop recherchée de s'exprimer; vice ordinaire aux gens qu'on appelle beaux parleurs.

L'affectation est dans la pensée, dans l'expression, dans le choix des mots, des tours ou des images. Quand on a l'idée de l'affectation dans la contenance, dans la démarche, dans la parure, on a l'idée de l'affectation dans le style.

L'affectation est quelquefois jusques dans le soin trop marqué d'être naturel, dans la familiarité, dans la négligence.

L'affectation de Pline, de Voiture, de Balzac, de le Maître, de Fontenelle, de la Motte, n'est pas la même.

Voiture, en parlant d'une expression recherchée de Pline le jeune, « Ne m'avouerez-vous pas dit-il, que cela est d'un petit esprit, de refuser un mot qui se présente et qui est le meilleur, pour en aller chercher avec soin un moins bon et plus éloigné? »

Cette critique semble annoncer l'homme du

monde le plus naturel dans sa façon de penser et d'écrire. C'est pourtant ce même Voiture qui, écrivant à mademoiselle Paulet qu'il s'est embarqué sur un navire chargé de sucre, lui dit que, s'il vient à bon port, il arrivera confit, et que, si d'aventure il fait naufrage, il aura du moins la consolation de mourir en eau douce. Le maréchal de Vivonne disait à son cheval, au passage du Rhin: Jean le Blanc, ne souffrez pas qu'un général des galères soit noyé dans l'eau douce. Mais ceci est de meilleur goût.

C'est ce même Voiture qui écrit à une femme : Je crois que vous savez la source du Nil; et celle d'où vous tirez toutes les choses que vous dites, est beaucoup plus cachée et plus inconnue.

C'est lui qui dit de Balzac : Il a inventé un potage que j'estime plus que le panégyrique de Pline, et que la plus longue harangue d'Iso

crate.

C'est lui qui, félicitant Godeau, des fleurs qui naissent dans son esprit, lui dit qu'il en a reçu un bouquet sur des bords où il ne croit pas un brin d'herbe. Et il ajoute : L'Afrique ne m'a rien fait voir de plus nouveau que vos ouvrages: en les lisant à l'ombre de ses palmes, je vous les ai toutes souhaitées, et en même temps que je me considérais avoir été plus avant qu'Hercule, je me suis vu bien loin derrière vous.

C'est ce même Voiture qui écrivait à Costar, qu'il voulait s'abstenir de recevoir de ses lettres,

à cause qu'on était en carême, et que, pour un temps de pénitence, c'étaient de trop grands festins. Pour vous, vous pouvez sans scrupule recevoir ce que je vous envoie, ajoutait-il; à peine ai-je de quoi vous faire une légère collation.... Je ne vous servirai que des légumes; et dans le même sens figuré, vous faites des sauces avec lesquelles on mangerait des cailloux.

Comment le même homme qui, dans son style, emploie des tours si recherchés, des jeux de mots si étudiés, des rapports si singuliers et si faux entre les idées, en un mot, une plaisanterie si peu naturelle et si froide, comment peut-il être blessé de l'affectation de Pline le jeune, mille fois moins affecté que lui? En voici la raison.

L'affectation de Voiture n'était pas celle qu'il reprochait à Pline : il ne voyait dans celui-ci que la recherche de l'expression, sans même être blessé du tour antithétique et artificiellement compassé que Pline avait dans son éloquence. Mais si Pline avait lu Voiture, il eût été blessé du rapport forcé des idées et des images qu'il emploie, et sur-tout de la peine qu'il se donne pour traiter familièrement les grands sujets, et plaisamment les choses les plus graves.

Balzac, dont l'affectation est encore d'une autre sorte, car elle consiste dans la recherche d'un style périodique et soutenu avec dignité; ou, comme il l'a dit de lui-même, dans une gravité

tendue et composée; ou, comme Boileau en a jugé, à ne savoir ni dire simplement les choses, ni descendre de sa hauteur; Balzac ne laisse pas de donner aussi quelquefois dans le faux belesprit de Voiture.

Il écrit à un homme affligé : Votre éloquence rend votre douleur vraiment contagieuse; et quelle glace, je ne dis pas de Lorraine, mais de Norvège et de Moscovie, ne fondrait à la chaleur de vos belles larmes ? Ce n'est point là de la froide plaisanterie, comme dans Voiture, mais un sérieux du plus mauvais goût.

Lorsque Balzac veut être galant, il est encore plus forcé que Voiture. Il écrit à madame de Rambouillet, qui lui a envoyé des gants: Quoique la gréle et la gelée aient vendangé nos vignes au mois de mai; quoique les blés n'aient pas tenu ce qu'ils promettaient, et que la belle espérance des moissons se trouve fausse dans la récolte; quoique les avenues de l'épargne se soient rendues extrêmement difficiles, etc. tous ces malheurs ne me touchent point: et vous êtes cause que je ne me plains, ni de l'inclémence du ciel, ni de la stérilité de la terre, ni de l'avarice de l'état. Par votre moyen, madame, jamais année ne me fut meilleure ni plus heureuse que celle-ci. C'est dire, avec bien de l'emphase, qu'on est flatté d'avoir reçu des gants; et il faut avouer que le style de Charleval, d'Hamilton, de Voltaire, dans le genre léger, est de meilleur goût que tout cela.

Le faux bel-esprit n'était naturel ni à Balzac, ni à Voiture. Balzac en prenait le ton par complaisance; Voiture, par contagion, par vanité, par habitude : l'hôtel de Rambouillet l'avait gâté. On dit qu'une lettre leur coûtait souvent quinze jours de travail; ils auraient mieux fait en un quart-d'heure, s'ils avaient bien voulu se donner moins de peine.

Balzac, stoïcien par humeur et par principes, avait de l'élévation dans l'esprit et dans l'ame. On trouve dans ses lettres des mots dignes de Montaigne.

Vous m'avouerez, dit-il à madame des Loges, que l'absence qui sépare ceux qui vivent de ceux qui ne vivent plus, est trop courte pour mériter une longue plainte.

Cela peut être mis à côté de ce grand mot cité par lui-même: Il n'y a que la première mort, non plus que la première nuit, qui ait mérité de l'étonnement et de la tristesse.

Il ne manquait à Voiture qu'une société moins gâtée du côté du goût, pour faire de lui un excellent écrivain. Voyez sa lettre sur la prise de Corbie, où, d'un style véhément et simple, en donnant au cardinal de Richelieu de grandes louanges, il lui donne encore de plus grandes leçons. Quelle distance de cette lettre à ce qu'on admirait de lui dans le cercle de Rambouillet!

C'est le mauvais goût de ce temps-là que Molière a tourné en ridicule dans les Précieuses et

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