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bouche d'Orgon lui-même, l'aveu de son aveuglement pour le fourbe qui le détache de ses enfants et de sa femme, et qui, d'un homme faible et bon, fait un homme dénaturé, Molière lui fait déclarer que Tartuffe est l'époux qu'il destine à sa fille celle-ci n'ose refuser; et de-là l'incident comique qui fait la querelle des deux

amants.

Dans le troisième acte, au moment que Damis croit, pouvoir confondre Tartuffe, et que l'on touche au dénouement, l'adresse du fourbe et la simplicité d'Orgon resserrent le noeud de l'intrigue, et l'intérêt redouble par la résolution que vient de prendre Orgon, pour punir ses enfants, de donner son bien à Tartuffe.

Dans le quatrième acte, Tartuffe est enfin démasqué et confondu aux yeux d'Orgon; mais tout-à-coup le fourbe s'arme contre son bienfaiteur des bienfaits même qu'il en a reçus; et par ses menaces, fondées sur un abus de confiance, il met l'alarme dans la maison.

Dans le cinquième acte, le trouble et l'inquiétude augmentent jusqu'au moment de la révolution; et s'il y a quelque chose à désirer, c'est un peu moins de négligence dans les détails des dernières scènes, et un peu plus de développement et de vraisemblance dans les moyens.

Les misérables critiques, en déprimant le dénouement du Tartuffe, ne cessent de rappeler

ce vers :

Remettez-vous, monsieur, d'une alarme si chaude;

et ils oublient qu'ils parlent avec dérision du chef-d'oeuvre du théâtre comique, d'une pièce à laquelle tous les siècles n'ont rien à comparer, et qui sera peut-être trois mille ans sans rivale, comme elle a été sans modèle.

L'analyse de cette pièce, relativement aux progrès de l'action, suffit pour indiquer les degrés qu'on doit pratiquer d'acte en acte et de scène en scène. Si l'action se repose deux scènes de suite dans le même point, elle se refroidit. Il faut qu'elle chemine comme l'aiguille d'une pendule. Le dialogue marque les secondes, les scènes marquent les minutes, les actes répondent aux heures. C'est pour n'avoir pas observé ce progrès sensible et continu, que l'on s'est si souvent trouvé à froid. On espère remplir les vides par des détails ingénieux: mais l'intérêt languit; et l'on peut dire de l'intérêt ce qu'un poëte célèbre a dit de l'ame, que c'est un feu qu'il faut nourrir, et qui s'éteint s'il ne s'augmente.

L'usage établi de donner cinq actes à la tragédie, n'est ni assez fondé pour faire loi, ni assez dénué de raison pour être banni du théâtre. Quand le sujet peut les fournir, cinq actes donnent à l'action une étendue avantageuse de grands événements y trouvent place; de grands intérêts et de grands caractères s'y développent en liberté; les situations s'amènent, les incidents

s'annoncent, les sentiments n'ont rien de brusque et de heurté; le mouvement des passions. a tout le temps de s'accélérer, et l'intérêt de croître jusqu'au dernier degré de pathétique et de chaleur. On a éprouvé que l'ame des spectateurs peut suffire à l'attention, à l'illusion, à l'émotion que produit un spectacle de cette durée; et si l'action de la comédie semble très-bien s'accommoder de la division en trois actes, l'action de la tragédie semble préférer la division en cinq actes, à cause de sa majesté, et des grands ressorts qu'elle veut pouvoir faire agir.

Mais le sujet peut être naturellement tel que, ne donnant lieu qu'à deux ou trois situations assez fortes, il ne soit susceptible aussi que de deux degrés, et de deux repos de l'action. Alors faut-il abandonner ce sujet, s'il est pathétique, intéressant, et fécond en beautés? ou faut-il le charger d'incidents et de scènes épisodiques? Ni l'un ni l'autre. Il faut donner à l'action sa juste étendue, suivre la loi de la nature, préférable à celle de l'art; et le public, qui se plaindrait qu'on s'est éloigné de l'usage, serait le tyran du génie et l'ennemi de ses propres plaisirs.

Il en est de même de la division en deux actes pour de petites comédies: elle n'est pas bien favorable; mais la nature du sujet, heureux d'ailleurs, peut l'exiger; et rien de ce qui peut plaire ne doit être interdit aux arts.

Eschyle, l'inventeur de la tragédie, avait né

gligé de la diviser en actes. Il y a bien dans ses pièces des intervalles occupés par le choeur mais sans divisions symétriques; et lorsqu'on a voulu y en mettre, on a coupé l'action dans des endroits où évidemment elle était continue, comme du quatrième au cinquième acte du Prométhée. Dans la suite, les poëtes grecs se sont prescrit la division en cinq actes; mais on voit que les intermèdes étaient occupés par le chœur; et si l'on baissait la toile à la fin des actes, ce n'était guère que dans le cas où le changement de lieu exigeait un changement de décoration.

Dans les intervalles des actes, le théâtre reste vacant; mais l'action ne laisse pas de continuer hors du lieu de la scène; et lorsqu'elle est bien distribuée et développée avec soin, l'on sait d'un acte à l'autre ce qui s'en est passé.

Quant à la durée, il suffit qu'il n'y ait pas entre les actes une inégalité trop sensible; et l'étendue de chacun se trouve ainsi proportionnée à celle de la pièce, qui, chez nous, peut aller de douze à dix-huit cents vers. Voyez ENTR'ACTE.

ACTION. Pour avoir une idée nette et précise de l'action du poëme dramatique ou épique, il faut la considérer sous deux points de vue, ou plutôt distinguer deux sortes d'action.

L'action finale d'un poëme est un événement à produire; l'action continue est le combat des

causes et des obstacles qui tendent réciproquement, les unes à produire l'événement, et les autres à l'empêcher, ou à produire eux-mêmes un événement contraire.

Dans la tragédie de Britannicus, la mort de ce prince est l'action finale: la jalousie de Néron, son mauvais naturel, sa passion pour Junie, la scélératesse de Narcisse, en sont les causes; la vertu de Burrhus, l'autorité d'Agrippine, un reste de respect pour elle et de crainte pour les Romains, l'horreur d'un premier crime, en sont les obstacles; et le combat se passe dans l'ame de Néron.

Ainsi l'action d'un poëme peut se considérer comme une sorte de problême dont le dénouement fait la solution.

Dans ce problème, tantôt l'alternative se réduit à réussir, ou à manquer l'entreprise, comme dans l'Énéide; tantôt le sort est en balance entre deux événements, tous les deux funestes, comme dans l'OEdipe; ou l'un heureux et l'autre malheureux, comme dans l'Odyssée et l'Iphigénie en Tauride. Ceci demande à être développé.

Les Troyens s'établiront-ils, ou ne s'établirontils pas en Italie ? voilà le problême de l'Énéide. On voit que, du côté d'Énée, le mauvais succès se réduit à abandonner un pays qui n'est pas le sien la destinée des Troyens ne serait pas remplie, Rome ne serait pas fondée; mais ce malheur n'a jamais pu intéresser réellement que les Romains. La situation, du côté de Tur

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