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dans l'univers comme des lions, pour porter partout le meurtre et le carnage, mais comme des agneaux, pour être eux-mêmes égorgés. Ils prouvèrent, non en combattant, mais en mourant pour la foi, la vérité de leur mission. >>

Écoutez le même, prêchant la bienfaisance à un jeune roi. «< Toute cette vaine montre qui vous environne, lui dit-il, est pour les autres; ce plaisir (de faire du bien) est pour vous seul. Tout le reste a ses amertumes, ce plaisir seul les adoucit toutes. La joie de faire du bien est tout autrement douce et touchante que la joie de le recevoir; revenez-y encore; c'est un plaisir qui ne s'use point; plus on le goûte, plus on se rend digne de le goûter. On s'accoutume à sa prospérité propre, et on y devient insensible; mais on sent toujours la joie d'être l'auteur de la prospérité d'autrui. »

On voit là sans doute la même idée revenir, et se présenter sous des traits qui semblent les mêmes, mais dont chacun la rend plus vive et plus touchante, et qui, pour émouvoir le cœur, ont la force de l'eau qui tombe goutte à goutte sur le rocher qu'elle amollit enfin.

On trouvera dans Cicéron mille exemples de cette abondance. Il faisait un précepte de l'employer à tenir l'esprit de l'auditeur long-temps attaché sur une méme pensée; et de cet art qu'il enseignait, il est lui-même le plus parfait modèle: je n'en citerai qu'un seul trait, pris de la haran

gue pour Marcellus, à qui César avait fait grâce. In armis, militum virtus, locorum opportunitas, auxilia sociorum, classes, commeatus multum juvant: maximam verò partem, quasi suo jure, fortuna sibi vindicat; et quidquid est prosperè gestum, id penè omne ducit suum. At verò hujus gloriæ, C. Cæsar, quam es paulo ante adeptus ( clementiæ et mansuetudinis), socium habes neminem totum hoc, quantumcumque est, quod certè maximum est, totum est, inquam, tuum; nihil sibi ex istá laude centurio, nihil præfectus, nihil cohors, nihil turma decerpit. Quin etiam, illa ipsa rerum humanarum domina, fortuna, in istius se societatem gloriæ non offert; tibi cedit; tuum esse totam et propriam fatetur (1).

L'abondance du sentiment n'est pas fatigante, comme celle de l'esprit; aussi n'y a-t-il que les

(1) « Dans les combats, la valeur des troupes, l'avantage du lieu, le secours des alliés, les flottes, les convois, servent beaucoup à celui qui commande. La Fortune, de plein droit, s'attribue la plus grande part au succès; et presque tout ce qui s'est fait d'heureux, elle s'en empare comme de son bien; mais la gloire, César, que tu viens d'acquérir par la douceur et la clémence, tu ne la partages avec nul autre. Quelque grand que soit ce triomphe, et il est très-grand en effet, il t'appartient dans son entier ; et de la louange qui t'en revient, tu n'as rien à restituer au centurion, rien au préfet, rien aux cohortes, rien à la multitude. La Fortune elle-même, ce grand arbitre des choses humaines, n'a rien à prétendre à ta gloire : elle te la cède; elle avoue qu'elle est à toi en propre et sans partage. »

sujets pathétiques sur lesquels il soit possible de parler d'abondance: expression qui peint vivement cette sorte d'éloquence, où, sans préparation, comme sans ordre et sans suite, une ame, pleine d'un grand sujet et profondément pénétrée, répand avec impétuosité les sentiments dont elle est remplie, et fait passer dans toutes les ames ses rapides émotions.

On a vu dans nos chaires des effets surprenants du pouvoir de cette éloquence; le véhément Bridaine a déchiré plus de cœurs et fait couler plus de larmes, que le savant et profond Bourdaloue, et, si j'ose le dire, que le sublime Bossuet.

Mais lorsque la force de l'éloquence doit résulter de l'ordre et de l'enchaînement des idées, c'est une imprudence de se livrer à l'inspiration du moment; à moins qu'une longue habitude de l'élocution n'ait mis l'orateur en état de s'abandonner à sa véhémence, sans jamais s'oublier ni se détourner de son but. Ce sont des exceptions rares à ce que Plutarque avait observé des oraisons faites à l'imprévu. « Elles sont pleines, ditil, de grande nonchalance et de beaucoup de légèreté; car ceux qui parlent ainsi à l'étourdie, ne savent là où il faut commencer, ni là où ils doivent achever; et ceux qui s'accoutument ainsi à parler à la volée, outre les autres fautes qu'ils commettent, ils ne savent garder mesure ni moyen en leurs propos, et tombent dans une merveilleuse superfluité de langage. » (AMIOT.)

On raconte, à ce propos, qu'en Italie, où les prédicateurs parlent assez communément d'abon dance, l'un d'eux, prêchant sur le pardon des ennemis, après s'être efforcé de persuader à ses auditeurs qu'il fallait non-seulement pardonner à ses ennemis et ne pas leur vouloir du mal, mais encore les aimer et leur faire du bien, emporté par sa véhémence, reprit ainsi : Mais, me direz-vous, je n'ai point d'ennemis. Vous n'avez point d'ennemis, mes frères! et le monde, le péché, la chair, ne sont-ils pas vos ennemis?

C'est ainsi qu'un orateur, dont la marche n'est point réglée, risque souvent de s'égarer. Un prédicateur, après avoir battu la campagne en prêchant devant le cardinal de Richelieu, lui dit : « Je demande pardon à votre éminence : je me suis abandonné au Saint-Esprit, une autre fois je me préparerai, et j'espère que je ferai mieux. »

Il faut avouer cependant qu'il n'y a que cette façon de produire les grands effets de l'éloquence, et de saisir tous les avantages du lieu, du mo ment, de son émotion propre, et de celle des auditeurs; et voilà pourquoi Bourdaloue disait d'un missionnaire de son temps: On rend à ses sermons les bourses que l'on vole aux miens. Les missionnaires ont en effet cet avantage inestimable sur les prédicateurs étudiés. Il est le même au barreau, pour les avocats qui parlent d'abondance, sur ceux qui froidement récitent le plaidoyer qu'ils ont écrit. Ce talent rare, que Féné

lon voulait que l'on acquît, demande un grand travail, et suppose les dons les plus précieux de la nature; il est cependant quelquefois porté si loin par l'habitude, qu'il y a des orateurs dont l'élocution même gagne à n'être point travaillée, et qui parlent mieux d'abondance qu'ils n'écrivent en composant.

Dans les écoles de rhétorique, la jeunesse romaine s'exerçait à parler ainsi; et Crassus, qui, en reconnaissant l'utilité de cet usage, trouvait cependant préférable celui de s'appliquer à écrire avec réflexion (1); Crassus était lui-même, de tous les orateurs, le plus en état de parler d'abondance, par les études infatigables qu'il avait faites, par l'immense trésor de connaissances et de pensées qu'il avait amassé, mais sur-tout par les exercices habituels de sa jeunesse. Voyez l'article RHÉTORIQUE.

Voici un exemple de cette promptitude avec laquelle il parlait sur le champ. Commè il plaidait en faveur de Plancus, contre un M. Brutus son accusateur, homme peu digne de son nom, et au moment qu'il lui reprochait sa dissipation et ses vices, il vit du haut de la tribune passer le convoi d'une vieille femme de la famille Junia. Il s'interrompit, et adressant la parole à Brutus :

(1) Etsi utile etiam subitò sæpe dicere ; tamen illud utilius, sumpto spatio ad cogitandum, paratiùs atque accuratiùs dicere. (De Orat.)

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