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dans un dénouement qui a essuyé tant de critiques et qui mérite les plus grands éloges, il a osé envoyer l'hypocrite à la grève. Son exemple doit apprendre à ses imitateurs à ne pas ménager le vice, et à traiter un méchant homme sur le théâtre, comme il doit l'être dans la société. Par exemple, il n'y a qu'une façon de renvoyer de dessus la scène un scélérat qui fait gloire de séduire une femme pour la déshonorer; ceux qui lui ressemblent trouveront mauvais le dénouement; tant mieux pour l'auteur et pour l'ouvrage.

Le genre comique français, le seul dont nous traiterons ici, comme étant le plus parfait de tous (Voyez COMÉDIE) se divise en comique noble, comique bourgeois, et bas comique. Comme je n'ai fait qu'indiquer cette division dans l'article COMÉDIE, je vais la marquer davantage dans celui-ci. C'est d'une profonde connaissance de leur objet que les arts tirent leurs règles, et les auteurs leur fécondité.

Le comique noble peint les mœurs des grands; et celles-ci diffèrent des mœurs du peuple et de la bourgeoisie, moins par le fond que par la forme. Les vices des grands sont moins grossiers; leurs ridicules sont moins choquants; ils sont même, pour la plupart, si bien colorés par la politesse, qu'ils entrent dans le caractère de l'homme aimable: ce sont des poisons assaisonnés que l'observateur décompose: mais peu de personnes sont à portée de les étudier, moins en

core en état de les saisir. On s'amuse à recopier le Petit-Maître, sur lequel tous les traits du ridicule sont épuisés, et dont la peinture n'est plus qu'une école pour les jeunes gens qui ont quelque disposition à le devenir; cependant on laisse en paix l'Intrigante, le bas Orgueilleux, le Próneur de lui-même, et une foule d'autres dont le monde est rempli. Il est vrai qu'il ne faut pas moins de courage que de talent pour toucher à certains caractères; et pour attaquer les mœurs actuelles avec quelque vigueur, on aurait besoin de l'un et de l'autre mais aussi n'est-ce pas sans peine qu'on peut marcher sur les pas de l'intrépide auteur du Tartuffe. Boileau racontait que Molière, après lui avoir lu le Misanthrope, lui avait dit : Vous verrez bien autre chose. Qu'auraitil donc fait, si la mort ne l'avait surpris, cet homme qui voyait quelque chose au-delà du Misanthrope? Ce problême, qui confondait Boileau, devrait être pour les auteurs comiques un objet continuel d'émulation et de recherches; et ne fût-ce pour eux que la pierre philosophale, ils feraient du moins, en la cherchant inutilement, mille autres découvertes utiles.

Indépendamment de l'étude réfléchie des mœurs du grand monde, sans laquelle on ne saurait faire un pas dans la carrière du haut comique, ce genre présente un obstacle qui lui est propre, et dont un auteur est d'abord effrayé. La plupart des ridicules des grands sont si bien composés.

qu'ils sont à peine visibles; leurs vices sur-tout ont je ne sais quoi d'imposant qui se refuse à la plaisanterie; mais les situations les mettent en jeu. Quoi de plus sérieux en soi que le Misanthrope? Molière le rend amoureux d'une coquette; il est comique. Le Tartuffe est un chef-d'œuvre plus surprenant encore dans l'art des contrastes: dans cette intrigue si comique, aucun des principaux personnages ne le serait, pris séparément; ils le deviennent tous par leur opposition. En général, les caractères ne se développent que par leur mélange.

Les prétentions déplacées et les faux airs sont l'objet principal du comique bourgeois. Les progrès de la politesse et du luxe l'ont rapproché du comique noble, mais ne les ont point confondus. La vanité, qui a pris dans la bourgeoisie un ton plus haut qu'autrefois, traite de grossier tout ce qui n'a pas l'air du beau monde. C'est un ridicule de plus qui ne doit pas empêcher un auteur de peindre les bourgeois avec les mœurs bourgeoises. Qu'il laisse mettre au rang des farces Georges Dandin, le Malade imaginaire, les Fourberies de Scapin, le Bourgeois gentilhomme, et qu'il tâche de les imiter. La farce est l'insipide exagération, ou l'imitation grossière d'une nature indigne d'être présentée aux yeux des honnêtes gens. Le choix des objets et la vérité de la peinture caractérisent la bonne comédie. Le Malade imaginaire, auquel les médecins doivent

plus qu'ils ne pensent, est un tableau aussi frappant et aussi moral qu'il y en ait au théâtre Georges Dandin, où sont peintes avec tant de sagesse les mœurs les plus licencieuses, est un chef-d'œuvre de naturel et d'intrigue; et ce n'est pas la faute de Molière, si le sot orgueil, plus fort que ses leçons, perpétue encore l'alliance

des Dandins avec les Sotenvilles. Si dans ces modèles on trouve quelques traits qui ne peuvent amuser que le peuple, en revanche combien de scènes dignes des connaisseurs les plus délicats?

Boileau a eu tort, s'il n'a pas reconnu l'auteur du Misanthrope dans l'éloquence de Scapin avec le père de son maître; dans l'avarice de ce vieillard; dans la scène des deux pères; dans l'amour des deux fils, tableaux dignes de Térence; dans la confession de Scapin qui se croit convaincu; dans son insolence dès qu'il sent que son maître a besoin de lui, etc. Boileau a eu raison, s'il n'a regardé comme indigne de Molière que le sac où le vieillard est enveloppé; encore eût-il mieux valu en faire la critique à son ami vivant, que d'attendre qu'il fût mort pour lui en faire le reproche. Boileau ne laissait pas de rendre justice à Molière. « Je ne lui connais point de supérieur, disait-il, pour l'esprit et pour le naturel. Ce grand homme l'emporte de beaucoup sur Corneille, sur M. Racine, et sur moi. » Ce sur moi n'est pas d'un écrivain modeste; mais il est d'un homme équitable.

Pourceaugnac est la seule pièce de Molière qu'on puisse mettre au rang des farces; et dans cette farce même on trouve des caractères, tels que celui de Sbrigani, et des situations, telles que celle de Pourceaugnac entre les deux médecins, qui décèlent le grand maître.

Le comique bas, ainsi nommé parce qu'il imite les mœurs du bas peuple, peut avoir, comme les tableaux flamands, le mérite du coloris, de la vérité, et de la gaieté. Il a aussi sa finesse et ses grâces; et il ne faut pas le confondre avec le comique grossier: celui-ci consiste dans la manière: ce n'est point un genre à part, c'est un défaut de tous les genres. Les amours d'une bourgeoise et l'ivresse d'un marquis peuvent être du comique grossier, comme tout ce qui blesse le goût et les mœurs. Le comique bas au contraire est susceptible de délicatesse et d'honnêteté; il donne même une nouvelle force au comique bourgeois et au comique noble, lorsqu'il contraste avec eux. Molière en fournit des exemples. Voyez, dans le Dépit amoureux, la brouillerie et la réconciliation entre Mathurine et Gros-René, où sont peints, dans la simplicité villageoise, les mêmes mouvements de dépit et les mêmes retours de tendresse qui viennent de se passer dans la scène des deux amants. Molière, à la vérité, mêle quelquefois le comique grossier avec le bas comique. Dans la scène que je viens de citer, Voilà ton demi-cent d'épingles de Paris, est du

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