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chargé d'incidents, mais moins bien intrigué que le comique espagnol. Ce qui caractérise encore plus le comique italien, est ce mélange de mœurs nationales, que la communication et la jalousie mutuelle des petits états d'Italie a fait imaginer à leurs poëtes. On voit dans une même intrigue un Bolonais, un Vénitien, un Napolitain, un Bergamasque, chacun avec le ridicule dominant de sa patrie. Ce mélange bizarre ne pouvait manquer de réussir dans sa nouveauté. Les Italiens en firent une règle essentielle de leur théâtre, et la comédie s'y vit par-là condamnée à la grossière uniformité qu'elle avait eue dans son origine. Aussi dans le recueil immense de leurs pièces, n'en trouve-t-on pas une seule dont un homme de goût soutienne la lecture. Les Italiens ont eux-mêmes reconnu la supériorité du comique français; et tandis que leurs histrions se soutiennent dans le centre des beaux-arts, Florence les a exclus de son théâtre, et a substitué à leurs farces les meilleures comédies de Molière, traduites en italien. A l'exemple de Florence, Rome et Naples admirent sur leur théâtre les chefs-d'œuvre du nôtre. Venise se défend encore de la révolution; mais elle cédera bientôt au torrent de l'exemple et à l'attrait du plaisir. Paris seul ne verra-t-il plus jouer Molière? (La révolution qu'on espérait en faveur du goût, ne s'est pas faite encore en Italie. Paris a renvoyé les farceurs italiens; mais il en a d'autres. Le théâ

tre de Molière est plus négligé que jamais la foule est à ceux de la foire.) Voyez FARCE.

Un Etat où chaque citoyen se fait gloire de penser avec indépendance, a dû fournir un grand nombre d'originaux à peindre. L'affectation de ne ressembler à personne, fait souvent qu'on ne ressemble pas à soi-même, et qu'on outre son propre caractère, de peur de se plier au caractère d'autrui. Là, ce ne sont point des ridicules courants; ce sont des singularités personnelles, qui donnent prise à la plaisanterie : le vice dominant de la société est de n'être pas sociable.Telle est la source du comique anglais, d'ailleurs plus simple, plus naturel, plus philosophique que les deux autres, et dans lequel la vraisemblance est rigoureusement observée aux dépens même de la pudeur.

Mais une nation douce et polie, où chacun se fait un devoir de conformer ses sentiments et ses idées aux mœurs de la société, où les préjugés sont des principes, où les usages sont des lois, où l'on est condamné à vivre seul dès qu'on veut vivre pour soi-même; cette nation ne doit présenter que des caractères adoucis par les égards, et que des vices palliés par les bienséances. Tel est le comique français, dont le théâtre anglais s'est enrichi, autant que l'opposition des mœurs a pu le permettre.

Le comique français se divise, suivant les mœurs qu'il peint, en comique bas, comique bourgeois, et haut comique. Voyez COMIQUE.

Mais une division plus essentielle se tire de la différence des objets que la comédie se propose : ou elle peint le vice qu'elle rend méprisable, comme la tragédie rend le crime odieux; de là le comique de caractère: ou elle fait les hommes le jouet des événements; de là le comique de situation : ou elle présente les vertus communes avec des traits qui les font aimer, et dans des périls ou des malheurs qui les rendent intéressantes; de là le comique attendrissant.

De ces trois genres, le premier est le plus utile aux mœurs, le plus fort, le plus difficile, et par conséquent le plus rare : le plus utile aux mœurs, en ce qu'il remonte à la source des vices, et les attaque dans leur principe; le plus fort, en ce qu'il présente le miroir aux hommes, et les fait rougir de leur propre image; le plus difficile et le plus rare, en ce qu'il suppose dans son auteur une étude consommée des mœurs de son siècle, un discernement juste et prompt, et une force d'imagination qui réunisse sous un seul point de vue les traits que sa pénétration n'a pu saisir qu'en détail. Ce qui manque à la plupart des peintres de caractères, et ce que Molière, ce grand modèle en tout genre, possédait éminemment, c'est ce coup-d'oeil philosophique, qui saisit non-seulement les extrêmes, mais le milieu des choses : entre l'hypocrite scélérat et le dévot crédule, on voit l'homme de bien qui démasque la scélératesse de l'un, et qui plaint la crédulité de l'autre. Mo

lière met en opposition les mœurs corrompues de la société, et la probité farouche du Misanthrope entre ces deux excès paraît la modération d'un homme du monde, qui hait le vice, mais qui ne croit pas devoir s'ériger en réformateur. C'est à cette précision qu'on reconnaît Molière; et ces deux vers d'Horace semblent avoir été sa règle :

Est modus in rebus, sunt certi denique fines,
Quos ultra citraque nequit consistere rectum.

Que si l'on demande pourquoi le comique de situation nous excite à rire, même sans le concours du comique de caractère; nous demanderons à notre tour d'où vient qu'on rit de la chûte imprévue d'un passant. C'est de ce genre de plaisanterie que Heinsius a eu raison de dire : Plebis aucupium est et abusus. Voyez PLAISANT.

Il n'en est pas ainsi du comique attendrissant; peut-être même est-il plus utile aux mœurs que la tragédie, vu qu'il nous intéresse de plus près, et qu'ainsi les exemples qu'il nous propose nous touchent plus sensiblement; c'était du moins l'opinion de Corneille. Mais comme ce genre ne peut être ni soutenu par la grandeur des objets, ni animé par la force des situations, et qu'il doit être à-la-fois familier et intéressant; il est difficile d'y éviter le double écueil d'être froid ou d'être romanesque; c'est la simple nature qu'il faut saisir, et c'est le dernier effort de l'art, que d'être

en même temps ingénieux et naturel. Quant à l'origine du comique attendrissant, il faut n'avoir jamais lu les anciens pour en attribuer l'invention à notre siècle; on ne conçoit même pas que cette erreur ait pu subsister un instant chez une nation accoutumée à voir jouer l'Andrienne de Térence, où l'on pleure dès le premier acte. Quelque critique, pour condamner ce genre, a osé dire qu'il était nouveau; on l'en a cru sur sa parole; tant la légèreté et l'indifférence d'un certain public, sur les opinions littéraires, donne beau jeu à l'effronterie et à l'ignorance!

Tels sont les trois genres de comiques, parmi lesquels nous ne comptons ni le comique de mots si fort en usage dans la société, faible ressource des esprits sans talent, sans étude, et sans goût; ni ce comique obscène, qui n'est plus souffert sur notre théâtre que par une sorte de prescription, et auquel les honnêtes gens ne peuvent rire sans rougir; ni cette espèce de travestissement, où le parodiste se traîne après l'original, pour avilir, par une imitation burlesque, l'action la plus noble et la plus touchante; genre méprisable, dont Aristophane est l'auteur.

Mais un genre supérieur à tous les autres, est celui qui réunit le comique de situation et le comique de caractère, c'est-à-dire dans lequel les personnages sont engagés, par les vices du cœur ou par les travers de l'esprit, dans les circonstances humiliantes qui les exposent à la risée et

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