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spectateurs applaudissent à des mœurs si opposées? Les héros célébrés par Sophocle et par Euripide étaient morts; le sage calomnié par Aristophane était vivant on loue les grands hommes d'avoir été; on ne leur pardonne pas d'être.

Mais ce qui est inconcevable, c'est qu'un comique grossier, rampant et obscène, sans goût, sans mœurs, sans vraisemblance, ait trouvé des enthousiastes dans le siècle de Molière. Il ne faut que lire ce qui nous reste d'Aristophane, pour juger, comme Plutarque, que c'est moins pour les honnêtes gens qu'il a écrit, que pour la vile populace, pour des hommes perdus d'envie, de noirceur et de débauche. Qu'on lise après cela l'éloge qu'en fait madame Dacier: Jamais homme n'a eu plus de finesse, ni un tour plus ingénieux ; le style d'Aristophane est aussi agréable que son esprit; si l'on n'a pas lu Aristophane, on ne connait pas encore tous les charmes et toutes les beautés du grec, etc.

Les magistrats s'aperçurent, mais trop tard. que, dans la comédie appelée moyenne, les poëtes n'avaient fait qu'éluder la loi qui défendait de nommer: ils en portèrent une seconde, qui, bannissant du théâtre toute imitation personnelle, borna la comédie à la peinture générale des mœurs.

C'est alors que la comédie nouvelle cessa d'être une satire, et prit la forme honnête et décente

qu'elle a conservée depuis. C'est dans ce genre que fleurit Ménandre, poëte aussi élégant, aussi naturel, aussi simple, qu'Aristophane l'était peu. On ne peut, sans regretter sensiblement les ouvrages de ce poëte, lire l'éloge qu'en a fait Plutarque, d'accord avec toute l'antiquité: C'est une prairie émaillée de fleurs, où l'on aime à respirer un air pur... La muse d'Aristophane ressemble à une femme perdue; celle de Ménandre à une honnéte femme.

Mais comme il est plus aisé d'imiter le grossier et le bas que le délicat et le noble, les premiers poëtes latins suivirent les traces d'Aristophane. De ce nombre fut Plaute, qui cependant ne lui ressemble pas.

Térence, qui vint après Plaute, imita Ménandre sans l'égaler. César l'appelait un demi-Ménandre, et lui reprochait de n'avoir pas la force comique : expression que les commentateurs ont interprétée à leur façon, mais qui doit s'entendre de ces grands traits qui approfondissent les caractères, et qui vont chercher le vice jusque dans les replis de l'ame, pour l'exposer en plein théâtre au mépris des spectateurs.

Plaute est plus vif, plus gai, plus fort, plus varié; Térence plus fin, plus vrai, plus pur, plus élégant : l'un a l'avantage que donne l'imagination qui n'est captivée ni par les règles de l'art, ni par celles des mœurs, sur le talent assujéti à toutes ces règles; l'autre a le mérite d'avoir con

cilié l'agrément et la décence, la politesse et la plaisanterie, l'exactitude et la facilité: l'un amuse par l'action, et l'autre enchante par le style: on souhaiterait à Plaute la politesse de Térence, à Térence la gaieté de Plaute.

Les révolutions que la comédie a éprouvées dans ses premiers âges, et les différences qu'on ý observe encore aujourd'hui, prennent leur source dans le génie des peuples et dans la forme des gouvernements : l'administration des affaires publiques, et par conséquent la conduite des chefs, étant l'objet principal de l'envie et de la censure dans un État démocratique, le peuple d'Athènes, toujours inquiet et mécontent, devait se plaire à voir exposer sur la scène, non-seulement les vices des particuliers, mais l'intérieur du gouvernement, les prévarications des magistrats, les fautes des généraux, et sa propre facilité à se laisser corrompre ou séduire. C'est ainsi qu'il a couronné les satires politiques d'Aristophane.

Cette licence devait être réprimée à mesure que le gouvernement devenait moins populaire; et l'on s'aperçoit de cette modération dans les dernières comédies du même auteur, mais plus encore dans l'idée qui nous reste de celles de Ménandre, où l'État fut toujours respecté, et où les intrigues privées prirent la place des affaires publiques.

Les Romains, sous les consuls, aussi jaloux

de leur liberté que les Athéniens, mais plus jaloux de la dignité de leur gouvernement, n'auraient jamais permis que la république fût exposée aux traits insultants de leurs poëtes. Ainsi les premiers comiques latins hasardèrent la satire personnelle, mais jamais la satire politique.

On donnait toute liberté au bas comique et au comique populaire, dans les mimes et dans les atellanes; la comédie dans les mœurs grecques, et qu'on appelait palliata, avait aussi pleine licence. Mais lorque les nobles Romains étaient en scène, comme dans les pièces qu'on appelait prætextæ, et dans celles qu'on appelait togata, les mœurs devenaient sérieuses, et le ridicule en était banni. Ce genre tenait le milieu, dit Sénèque, entre le comique et le tragique: Habent hæc aliquid severitatis, et sunt inter tragedias et comedias media.

Dès que l'abondance et le luxe eurent adouci les mœurs de Rome, la comédie elle-même perdit de son âpreté; et comme les vices des Grecs avaient passé chez les Romains, Térence, pour les imiter, ne fit que copier Ménandre.

Le même rapport de convenance a déterminé le caractère de la comédie sur tous les théâtres de l'Europe, depuis la renaissance des lettres.

Un peuple qui affectait autrefois dans ses mœurs une gravité superbe, et dans ses sentiments une enflure romanesque, a dû servir de modèle à des intrigues pleines d'incidents et de

caractères hyperboliques: tel est le théâtre espagnol c'est là seulement que serait vraisemblable le caractère de cet amant (Villa Mediana),

:

Qui brûla sa maison pour embrasser sa dame,
L'emportant à travers la flamme.

Mais ni ces exagérations forcées, ni une licence d'imagination qui viole toutes les règles, ni un raffinement de plaisanterie souvent puérile, n'ont pu faire refuser à Lopès de Véga une des premières places parmi les poëtes comiques modernes. Il joint en effet à la plus heureuse sagacité dans le choix des caractères, une force d'imagination que le grand Corneille admirait lui-même. C'est de Lopès de Véga qu'il a emprunté le caractère du Menteur, dont il disait avec tant de modestie et si peu de raison, qu'il donnerait deux de ses meilleures pièces pour l'avoir imaginé.

Un peuple qui a mis long-temps son honneur dans la fidélité des femmes, ou dans une vengeance cruelle de l'affront d'être trahi en amour, a dû fournir des intrigues périlleuses pour les amants, et capables d'exercer la fourberie des valets: ce peuple, d'ailleurs pantomime, a donné lieu à ce jeu muet, qui quelquefois, par une expression vive et plaisante, et par une sorte de caricature qui réjouit la multitude, soutient seul une intrigue dépourvue d'art, de sens, d'esprit, et de goût. Tel est le comique italien, aussi

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