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et c'est ce qu'on voit tous les jours; mais il avoue qu'il les paie, Voilà pour le monseigneur, et c'est en quoi il renchérit sur ses modèles. Molière tire d'un sot l'aveu de ce ridicule, pour le mieux faire apercevoir dans ceux qui ont l'esprit de le dissimuler. Cette espèce d'exagération demande une grande justesse de raison et de goût. Le théâtre a son optique, et le tableau est manqué dès que le spectateur s'aperçoit qu'on a

outré la nature.

Par la même raison, il ne suffit pas, pour rendre l'intrigue et le dialogue vraisemblables, d'en exclure ces aparté, que l'hypothèse théâtrale ne rend pas toujours assez naturels, et ces méprises fondées sur une ressemblance ou un déguisement prétendu, supposition que tous les yeux démentent, hors ceux du personnage qu'on a dessein de tromper; il faut encore que tout ce qui se passe et se dit sur la scène soit une peinture si naïve de la société, qu'on oublie qu'on est au spectacle. Un tableau est mal peint, si au premier coup-d'oeil on pense à la toile, et si l'on remarque le mélange des couleurs, avant que de voir des rondeurs, des reliefs et des lointains. Le prestige de l'art, c'est de cacher l'art même, au point que non-seulement l'illusion précède la réflexion, mais qu'elle la repousse et l'écarte. Telle devait être l'illusion des Grecs et des Romains aux comédies de Ménandre et de Térence, non à celles d'Aristophane et de Plaute.

Élém. de Littér. I.

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Observons cependant, à-propos de Térence, que le possible, qui suffit à la vraisemblance d'un caractère ou d'un événement tragique, ne suffit pas à la vérité de la comédie. Ce n'est point un père comme il peut y en avoir, mais un père comme il y en a souvent; ce n'est point un individu, mais une espèce qu'il faut prendre pour modèle contre cette règle pèche le caractère unique du Bourreau de lui-même.

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Ce n'est point une combinaison possible à la rigueur, c'est une suite naturelle d'événements familiers, qui doivent former l'intrigue de la comédie: principe qui condamne l'intrigue de l'Hécyre, si toutefois Térence a eu dessein de faire une comédie d'une action toute pathétique, et d'où il écarte jusqu'à la fin, avec une précaution marquée, le seul personnage qui pouvait être plaisant.

D'après ces règles que nous allons avoir occasion de développer et d'appliquer, on peut juger des progrès de la comédie ou plutôt de ses révolutions.

Sur le chariot de Thespis, la comédie n'était qu'un tissu d'injures adressées aux passants par des vendangeurs barbouillés de lie. Cratès, à l'exemple d'Épicharmus et de Phormis, poëtes siciliens, l'éleva sur un théâtre plus décent et dans un ordre plus régulier. Alors la comédie prit pour modèle la tragédie inver ou plutôt l'une et l'autre se

Dar Eschyle,

sur les

poésies d'Homère; l'une, sur l'Iliade et l'Odyssée; l'autre, sur le Margitès, poëme satirique du même auteur: et c'est là proprement l'époque de la naissance de la comédie grecque.

On la divise en ancienne, moyenne, et nouvelle, moins par ses âges, que par les différentes modifications qu'on y observa successivement dans la peinture des mœurs. D'abord on osa mettre sur le théâtre d'Athènes des satires en action, c'est-à-dire des personnages connus et nommés, dont on imitait les ridicules et les vices: telle fut la comédie ancienne.

Si quis erat dignus describi, quod malus, aut fur, Quod machus foret, aut sicarius, aut alioqui Famosus, multá cum libertate notabant. (HOR.) Les lois, pour réprimer cette licence, défendirent de nommer. La malignité des poëtes, ni celle des spectateurs, ne perdit rien à cette défense: la ressemblance des masques, des vêtements, de l'action, désignèrent si bien les personnages, qu'on les nommait en les voyant. Telle fut la comédie moyenne, où le poëte, n'ayant plus à craindre le reproche de la personnalité, n'en était que plus hardi dans ses insultes, d'autant plus sûr d'ailleurs d'être applaudi, qu'en repaissant la malice des spectateurs par la noirceur de ses portraits, il ménageait encore à leur vanité le plaisir de deviner les modèles. C'est dans ces deux genres qu'Aristophane triompha tant de fois à la honte des Athéniens.

La comédie satirique présentait d'abord une face avantageuse. Il est des vices contre lesquels les lois n'ont point sévi : l'ingratitude, l'infidélité au secret et à sa parole, l'usurpation tacite et artificieuse du mérite d'autrui, l'intérêt personnel, et l'incapacité dans les affaires publiques, échappent à la sévérité des lois; la comédie satirique y attachait une peine d'autant plus terrible, qu'il fallait la subir en plein théâtre. Le coupable y était traduit, et le public se faisait justice. C'était sans doute pour entretenir une terreur si salutaire, que non-seulement les poëtes satiriques furent d'abord tolérés, mais gagés par les magistrats comme censeurs de la république. Platon lui-même s'était laissé séduire à cet avantage apparent, lorsqu'il admit Aristophane dans son banquet, si toutefois l'Aristophane comique est l'Aristophane du banquet, ce qu'on peut au moins révoquer en doute. Il est vrai que Platon conseillait à Denys la lecture des comédies de ce poëte, pour connaître les mœurs de la république d'Athènes; mais c'était lui indiquer un bon observateur, un espion adroit, qu'il n'en estimait pas davantage.

Quant aux suffrages des Athéniens, un peuple ennemi de toute domination devait craindre surtout la supériorité du mérite. La plus sanglante satire était donc sûre de plaire à ce peuple jaloux, lorsqu'elle tombait sur l'objet de sa jalousie. Il est deux choses que les hommes vains ne

trouvent jamais trop fortes, la flatterie pour euxmêmes, la médisance, contre les autres: ainsi tout concourut d'abord à favoriser la comédie satirique. On ne fut pas long-temps à s'apercevoir que le talent de censurer le vice, pour être utile, devait être dirigé par la vertu, et que la liberté de la satire, accordée à un malhonnête homme, était un poignard dans les mains d'un furieux; mais ce furieux consolait l'envie. Voilà pourquoi dans Athènes, comme ailleurs, les méchants ont trouvé tant d'indulgence, et les bons tant de sévérité. Témoin la comédie des Nuées, exemple mémorable de la scélératesse des envieux, et des combats que doit se préparer à soutenir celui qui ose être plus sage et plus vertueux que son siècle.

La sagesse et la vertu de Socrate étaient parvenues à un si haut point de sublimité, qu'il ne fallait pas moins qu'un opprobre solennel pour en consoler sa patrie. Aristophane fut chargé de l'infâme emploi de calomnier Socrate en plein théâtre; et ce peuple, qui proscrivait un homme juste, par la seule raison qu'il se lassait de l'entendre appeler juste, courut en foule à ce spectacle. Socrate y assista debout.

Telle était la comédie à Athènes, dans le même temps que Sophocle et Euripide s'y disputaient la gloire de rendre la vertu intéressante et le crime odieux par des tableaux touchants ou terribles. Comment se pouvait-il que les mêmes

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