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dèles de l'art. L'art consiste donc à nous donner mieux que la nature.

« On ne trouve pas dans la nature des airs mesurés, des chants suivis et périodiques, des accompagnements subordonnés à ces chants; mais on n'y trouve pas non plus les vers de Virgile, ni l'Apollon du Belvédère; l'art peut donc altérer-la nature pour l'embellir.

« Rien ne ressemble tant au chant du rossi

les

gnol, que les sons de ce petit chalumeau que enfants remplissent d'eau, et que leur souffle fait gazouiller : quel plaisir nous fait cette imitation? aucun, ou tout au plus celui de la surprise. Mais qu'on entende une voix légère et une symphonie agréable, qui expriment (moins fidèlement sans doute) le chant du même rossignol, l'oreille et l'ame sont dans le ravissement : c'est que les arts sont quelque chose de plus que l'imitation exacte de la nature.

«< Il y a des moments où la nature toute simple a tout le charme que l'imitation peut avoir: telle mère ou telle amante se plaint naturellement avec des sons de voix si tendres, que la musique pourrait être touchante, en se contentant de saisir et de répéter ses plaintes; mais la nature n'est pas toujours également belle: la véritable Bérénice a dù laisser échapper des cris désagréables à l'oreille. La musique, comme

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raient blesser les organes, embellira donc la nature, et nous donnera des plaisirs plus grands: chacun des traits de la Vénus de Médicis a existé dans la nature, l'ensemble n'a jamais existé. De même un bel air pathétique est la collection d'une multitude d'accents échappés à des ames sensibles. Le sculpteur et le musicien réunissent ces traits dispersés sous une forme qui leur donne de l'ensemble et de l'unité, et, par cet artifice, ils nous font éprouver des plaisirs que la nature et la vérité ne nous auraient jamais donnés. »

Voilà sur quoi se fonde la licence du chant, et pourquoi il a été permis d'associer la parole avec la musique.

Or cette espèce de prestige ne s'opère que de concert avec la poésie. Le drame lyrique doit donner lieu à une expression vive, mélodieuse et variée, tantôt passionnée à l'excès, tantôt plus tranquille et plus douce, et susceptible tour-àtour de tous les accents et de toutes les modulations qui peuvent toucher l'ame et flatter l'oreille. Si une passion trop violente et trop douloureuse y régnait sans relâche, l'expression musicale ne serait qu'une suite de gémissements et de cris si la couleur en était continuellement sombre, l'expression serait tristement monotone et sombre comme elle s'il n'y régnait que des sentiments doux et faibles, l'expression serait sans chaleur et sans force; elle n'aurait aucun relief.

C'est donc le mélange des ombres et des lu

mières qui fait le charme et la magie d'un poëme destiné à être mis en chant; ce doit être l'esquisse d'un tableau le poëte le compose, le musicien l'achève. C'est au premier à ménager à l'autre les passages du clair-obscur; mais ces passages ne doivent être ni trop fréquents, ni trop rapides on s'y est trompé, lorsque, pour éviter la monotonie ou pour augmenter les effets, on a cru devoir passer brusquement et sans cesse du blanc au noir. Un mélange continuel de couleurs tranchantes fatigue l'imagination comme les yeux. L'art d'éviter ce papillotage est d'observer les gradations, et, par des nuances légères, de joindre l'harmonie à la variété : c'est à quoi se prête tout naturellement le systême de l'Opéra français, et à quoi répugne absolument le systême de l'Opéra italien. Pour s'en convaincre, il suffit de comparer le sujet de Régulus avec celui d'Armide. Voyez LYRIQUE.

Depuis que l'on s'occupe en France à perfectionner la musique, la théorie du chant a été discutée par des gens d'esprit et de goût, et leur objet commun a été d'examiner si le chant italien pouvait ou devait être appliqué à la langue française. L'un des premiers qui ont examiné cette question, a cru la décider, en assurant que non seulement les Français n'avaient point de musique, mais que leur langue n'en aurait jamais. On dit qu'il vient d'avouer son erreur; il a long-temps que cet aveu aurait pu lui échap

y

per. Nombre d'essais en divers genres ont prouvé par les faits, et par des faits multipliés, que ni la syntaxe, ni la prosodie, ni les éléments de notre langue, ni son génie, n'étaient incompatibles avec une bonne musique.

Nous avons vu depuis quelques années des airs brillants et légers; des airs comiques d'un caractère très-fin, très-vif, et très-piquant; des airs gracieux et tendres, des airs touchants et d'un pathétique assez fort; et, dans ces airs, la langue et la musique sont aussi à leur aise que dans le chant italien. Il faut avouer cependant que les syncopes, les prolations, les inversions de mots, que l'italien permet plus aisément que le français, peut-être aussi un retour plus fréquent des voyelles les plus sonores, donnent au chant italien plus de jeu et plus de brillant que le chant français n'en peut avoir: mais avec ce désavantage, il est possible encore d'avoir une bonne musique. Dans cette langue, dont on dit tant de mal, Racine et Quinault ont fait des vers aussi mélodieux que l'Arioste et que Métastase. Un musicien, homme de génie, et un poëte, homme de goût, en vaincront de même les difficultés, s'ils veulent s'en donner la peine. (Lorsque cet article fut imprimé pour la première fois, M. Piccini n'avait pas encore travaillé sur notre langue. Ses opéra sont la preuve la plus incontestable que cette langue, dans tous les caractères de l'expression noble et tragique, se prête sans contrainte à l'accent musical.)

Élém. de Littér. L.

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Mais l'homme de lettres qui a pris la défense de notre langue contre celui qui voulait lui interdire l'espérance même d'avoir une musique. a été trop loin, ce me semble, en avançant que la musique est indépendante des langues. « Comment, dit-il, fait-on dépendre ce qui chante toujours, de ce qui ne chante jamais ? »

Et quelle est la langue qui ne chante pas, des que l'expression s'anime et peint les mouvements de l'ame ?

« Je ne conçois pas, ajoute-t-il, la différence essentielle qu'on voudrait établir entre le chant vocal et l'instrumental. Quoi ! celui-ci émanerait des seules lois de l'harmonie et de la mélodie; et l'autre, dépendant des inflexions de la parole, en serait une imitation? C'est créer deux arts au lieu d'un. »

Ce n'est qu'un art, mais dont l'imitation est tantôt plus vague, et tantôt plus déterminée. Il en est de la musique comme de la danse: celleci n'est souvent qu'un développement de toutes les grâces dont le corps humain est susceptible, dans ses pas, ses mouvements, ses attitudes, en un mot, dans son action de tel ou de tel caractère. comme la gaieté, la mélancolie, la volupté, etc. Mais souvent aussi la danse est pantomime, et se propose l'imitation précise et propre d'un personnage et de son action; il en est de même du chant.

Que la musique instrumentale flatte l'oreille

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