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et de la vertu : ses titres sont les droits de l'homme, la loi de la nature empreinte dans tous les cœurs, et la loi révélée, écrite et consignée dans le dépôt des livres saints: les intérêts qu'il agite sont ceux du ciel et de la terre, du temps et de l'éternité : enfin les clients qu'il rassemble autour de lui et comme sous ses aîles, sont la nature, dont il défend les droits; l'humanité, dont il venge l'injure; la faiblesse, dont il protége le repos et la sûreté; l'innocence, à laquelle il prête une voix suppliante pour désarmer la calomnie, ou des accents terribles pour l'effrayer; l'enfance abandonnée, pour qui, dans l'auditoire, il cherche des cœurs paternels; la vieillesse souffrante, l'indigence timide, la grande famille de Jésus - Christ, les malheureux, en faveur desquels il émeut les entrailles du riche et du puissant. Tel est le fidèle tableau du plaidoyer évangélique.

que

Si un semblable ministère est bien rempli, c'est une des plus belles institutions dont l'humanité soit redevable à la religion chrétienne. Mais pour le remplir dignement, il faut l'orateur pense qu'il a pour juges Dieu et les hommes : Dieu, pour ne pas trahir sa cause, ou par de frivoles égards, ou par de lâches complaisances; les hommes, pour s'accommoder à la faiblesse de leur entendement, lorsqu'il vient les instruire; à la trempe de leur esprit, lorsqu'il veut les persuader; et au naturel de leur ame, lorsqu'il cher

Élém. de Littér. I.

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che à les émouvoir. Ainsi son éloquence, doit être divine par la sublimité de ses motifs, et humaine par ses moyens.

C'est du côté humain qu'elle est un art, et un art peut-être aussi difficile que l'éloquence de la tribune et du barreau.

Je ne sais, dit Cicéron, si de tous les travaux des humains, le plus grand n'est pas celui de l'orateur dans les causes contentieuses; où l'opi nion des ignorants sur la force de votre éloquence tient à l'événement et dépend du succès; où vous avez présent un adversaire qu'il faut repousser et frapper; où celui qui va décider du sort de l'affaire est souvent aliéné contre vous, ami de la partie adverse, ennemi de la vôtre; où il s'agit de l'instruire, de le détromper, de le modérer, ou de l'exciter; où de toute manière propre à la cause et convenable au temps, il faut le gouverner par la parole, le ramener de la bienveillance à la haine, de la haine à la bienveillance; et comme avec une machine qui le pousse tantôt vers la sévérité, tantôt vers la clémence, tantôt vers la tristesse, et tantôt vers la joie, le remuer, l'entraîner malgré lui (1).

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(1) In causarum contentionibus, magnum est quoddam, atque haud sciam an de humanis operibus longe maximum, in quibus vis oratoris plerumque ab imperitis exitu et victorid judicatur: ubi adest armatus adversarius, qui sit et feriendus et repellendus: ubi sæpe is qui rei dominus futurus est, alienus atque iratus, aut etiam amicus adversario et inimi

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Or l'orateur, en chaire, trouve comme au barreau un auditoire difficile et injuste; et nonseulement dans ses juges des hommes prévenus d'opinions, de sentiments, de passions opposées à ses maximes; mais dans ces mêmes juges des parties intéressées, qu'il faut réduire à prononcer contre les affections les plus intimes de leur ame, contre leurs penchants les plus chers.

Son éloquence aura donc à donner à ses pensées au moins autant de force, et à ses paroles au moins autant de poids que l'éloquence du barreau. Omnium sententiarum gravitate, omnium verborum ponderibus est utendum. (Cic.) Encore n'a-t-elle pas toutes les mêmes armes que cette éloquence profane. Elle peut bien employer, comme elle, une action variée et véhémente, pleine de chaleur, d'enthousiasme, de sensibilité, de naturel, et de candeur (1); mais d'opposer le vice au vice, les passions aux passions; d'intéresser, de faire agir en sa faveur la vanité, l'orgueil, l'ambition, l'envie, ou la colère ou la

cus tibi est: quum aut docendus is est, aut dedocendus, aut reprimendus, aut incitandus, aut omni ratione, ad tempus, ad causam, oratione moderandus: in quo sæpè benevolentia ad odium, odium autem ad benevolentiam deducendum est: qui tanquam machinatione aliquá, tum ad severitatem, tum ad remissionem animi, tum ad tristitiam, tum ad lætitiam est contorquendus. (Cic. de Orat. 1. 2.)

(1) Accedat oportet actio varia, plena animi, plena spiritús, plena doloris, plena veritatis. De Orat. 1. 2.)

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vengeance; c'est ce qui n'est pas digne d'elle Tous ses moyens doivent être innocents, et tous ses motifs vertueux les uns surnaturels, dans les rapports de l'homme à Dieu; les autres plus humains, dans les rapports de l'homme à l'homme, et dans ses retours sur lui-même; mais ceux-ci toujours épurés.

Un petit nombre de vérités, effrayantes pour les méchants et consolantes pour les bons: un Dieu juste à qui tout est présent, et qui punit et récompense; le passage d'une ame immortelle de la vie à l'éternité; l'instant de ce passage, aussi imprévu qu'inévitable; la solitude de cette ame, après la mort, devant son juge, et le bien et le mal qu'elle aura faits, mis dans une exacte balance; la révélation solennelle de la conscience de tous les hommes, au jugement universel; un abyme de peines destiné aux coupables; une source intarissable de félicité réservée aux justes dans le sein de Dieu même; un monde qui trompe et qui passe; le temps qui roule au sein de l'éternité immobile; la vie et tous ses biens emportés, comme des atômes, dans ce tourbillon dévorant; les générations humaines successivement englouties dans cet immense océan de l'éternité; et Dieu qui reste, et qui les attend : voilà les grands leviers de l'éloquence évangélique.

Elle a quelques passions à remuer la crainte, pour troubler la sécurité des méchants; la commisération, pour émouvoir l'homme sensible en

faveur de ses frères; l'indignation, pour repousser l'exemple d'une prospérité coupable; la honte, pour humilier l'homme vicieux et superbe, à la vue de sa bassesse, de son opprobre, et de son néant. Elle a aussi, pour consoler, pour encourager l'homme faible et fragile, mais indulgent et secourable, l'espérance, la confiance en un Dieu père de la nature, les prodiges de sa clémence, les mystères de son amour. Enfin dans le soin de soi-même, dans l'intérêt de son propre bonheur, dans le penchant qu'ont tous les hommes dont le cœur n'est pas dépravé, à s'aimer réciproquement, à se consoler dans leurs peines, à s'entr'aider dans leurs besoins, à se soulager dans leurs maux, l'orateur chrétien trouve encore des moyens de persuasion. Il fera voir, même dans cette vie, l'enfer anticipé du Erime: aux convulsions d'une ame en proie aux passions, au trouble qui accompagne les plaisirs vicieux, à l'amertume qu'ils déposent, aux transes, aux angoisses, aux remords de l'iniquité, il opposera la sérénité de l'innocence, le calme de la bonne foi, les célestes pressentiments de la piété, les voluptés de la bienfaisance, les délices de la vertu. C'en est assez pour captiver, pour émouvoir un nombreux auditoire, et pour gagner la cause de la religion au tribunal même de la nature.

Un avantage que semble avoir l'éloquence de la chaire sur celle du barreau, c'est que l'orateur parle seul, et n'est point exposé à la réplique.

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