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timents qui s'élèvent dans son ame, J'en ai même de bas, et qui me font rougir; et ces sentiments de crainte, d'intérêt, de basse politique, développés en beaux vers, ne sont pas indignes de la tragédie. Rien de plus bas moralement que le caractère de Narcisse; et poétiquement il a autant de noblesse que celui d'Agrippine et que celui de Néron.

Que l'on nous présente au contraire ou une image ou une idée à laquelle la mode et l'opinion aient attaché le caractère de bassesse; elle nous choquera: qui pourrait entendre aujourd'hui, sur nos théâtres, la fille d'Alcinoüs dire qu'Ulysse l'a trouvée lavant la lessive? qui pourrait entendre Achille dire qu'il va mettre à la broche les viandes de son souper; ou Agamemnon dire que, lorsque Briséis sera vieille, il l'emploiera à lui faire son lit?

Boileau, dans ses remarques sur Longin, s'évertue à prouver qu'il n'est pas vrai qu'Homère ait comparé Ulysse, dans son inquiétude, à du boudin qu'on fait griller et qu'on roule sur des charbons. Il faut avouer cependant que des intestins farcis de sang et de graisse, comme le dit Homère, ne sont autre chose que du boudin; mais chez les Grecs, les entrailles de la victime étant un reste du sacrifice, l'idée en était consacrée. Voilà pourquoi le même poëte qui vient de dire d'Ulysse, que son cœur rugissait comme un lion qui rode autour d'une bergerie où il ne

Élém. de Littér. I.

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peut pénétrer, ne craint pas de le dégrader en disant de lui, que dans l'irrésolution qui le tourmente, il ressemble à ce qu'aujourd'hui nous appelons du boudin. L'habitude, l'opinion, l'alliance des idées, avilissent tout, ou ennoblissent tout, selon les temps et les mœurs.

A force d'art on peut déguiser en termes figurés ou vagues la bassesse de l'idée sous la noblesse de l'expression; mais ce qui est bas dans les termes aurait beau être sublime et grand, soit dans le sentiment, soit dans la pensée : la délicatesse du goût est inexorable sur ce point.

La difficulté n'est pourtant pas d'éviter la bassesse dans le genre héroïque, mais dans le familier qui touche au populaire, et qui doit être naturel sans être jamais trivial. Voyez ANALOGIE.

BEAU. Tout le monde convient que le beau, soit dans la nature ou dans l'art, est ce qui nous donne une haute idée de l'une ou de l'autre, et nous porte à les admirer; mais la difficulté est de déterminer, dans les productions des arts et dans celles de la nature, à quelles qualités ce sentiment d'admiration et de plaisir est attaché.

La nature et l'art ont trois manières de nous

affecter vivement, ou par la pensée, ou par le sentiment, ou par la seule émotion des organes. Il doit donc y avoir aussi trois espèces de beau dans la nature et dans les arts: le beau intellec

tuel, le beau moral, le beau matériel ou sensible. Voyons à quoi l'esprit, l'ame et les sens peuvent le reconnaître. Ses qualités distinctives se réduisent à trois : la force, la richesse, et l'intelligence.

En attendant que, par l'application, le sens que j'attache à ces mots soit bien développé, j'appelle force, l'intensité d'action; richesse, l'abondance et la fécondité des moyens; intelligence, la manière utile et sage de les appliquer.

La conséquence immédiate de cette définition est, que si par tous les sens la nature et l'art ne nous donnent pas également de leur force, de leur richesse et de leur intelligence, cette idée qui nous étonne et qui nous fait admirer la cause dans les effets qu'elle produit, il ne doit pas être également donné à tous les sens de recevoir l'impression du beau: or il se trouve qu'en effet l'œil et l'oreille sont exclusivement les deux organes du beau; et la raison de cette exclusion, si singulière et si marquée se présente ici d'elle-même: c'est que des impressions faites sur l'odorat, le goût et le toucher, il ne résulte aucune idée, aucun sentiment élevé. La saveur, l'odeur, le poli, la solidité, la mollesse, la chaleur, le froid, la rondeur, etc., sont des sensations toutes simples et stériles par elles-mêmes, qui peuvent rappeler à l'ame des sentiments et des idées, mais qui n'en produisent jamais.

L'œil est le sens de la beauté physique, et

l'oreille est, par excellence, le sens de la beauté intellectuelle et morale. Consultons-les; et s'il est vrai que de tous les objets qui frappent ces deux sens, rien n'est beau qu'autant qu'il annonce, ou dans l'art ou dans la nature, un haut degré de force, de richesse ou d'intelligence; si, dans la même classe, ce qu'il y a de plus beau est ce qui paraît résulter de leur ensemble et de leur accord; si, à mesure que l'une de ces qualités manque, ou que chacune est moindre, l'admiration, et avec elle, le sentiment du beau s'affaiblit en nous, ce sera la preuve complète qu'elles en sont les éléments.

Qu'est-ce qui donne aux deux actions de l'ame, à la pensée et à la volonté, ce caractère qui nous étonne dans le génie et dans la vertú? Et, soit que nous admirions, dans l'une et l'autre, ou l'excellence de l'ouvrage ou l'excellence de l'ouvrier, n'est-ce pas toujours force, richesse ou intelligence?

En morale, c'est la force qui donne à la bonté le caractère de beauté. Quel est, parmi les sages, le plus beau caractère connu? celui de Socrate; parmi les héros? celui de César; parmi les rois? celui de Marc-Aurèle; parmi les citoyens? celui de Régulus. Qu'on en retranche ce qui annonce la force avec ses attributs, la constance, l'éléva

tion, le courage, la grandeur d'ame; la bonté

peut s'y trouver encore, mais la beauté s'évanouit.

Qu'on fasse du bien à son ami ou à son ennemi, la bonté de l'action en elle-même est égale; mais d'un côté facile et simple, elle est commune; de l'autre pénible et généreuse, elle suppose de la force unie à la bonté; c'est ce qui la rend belle. Brutus envoie à la mort un citoyen qui a voulu trahir Rome: nulle beauté dans cette action; mais pour donner un grand exemple, Brutus condamne son propre fils; cela est beau : l'effort qu'il en a dû coûter à l'ame d'un père en fait une action héroïque. Qu'un autre qu'un père eût prononcé le Qu'il mourût du vieil Horace; qu'un autre qu'une mère eût dit à un jeune homme, en lui donnant un bouclier: Rapportez-le, ou qu'il vous rapporte; plus de beauté dans le sentiment, quoique l'expression fût toujours énergique. Alexandre entreprend la conquête du monde, Auguste veut abdiquer l'empire de l'univers; et de l'un et de l'autre on dit, Cela est beau, parce qu'en effet il y a beaucoup de force dans l'une et l'autre résolution.

Il arrive souvent que, sans être d'accord sur la bonté morale d'une action courageuse et forte, on est d'accord sur sa beauté telle est l'action de Scévola et celle de Timoléon. Le crime même, dès qu'il suppose une force d'ame extraordinaire ou une grande supériorité de caractère ou de génie, est mis dans la classe du beau: tel est le crime de César, le plus illustre des coupables.

On observe la même chose dans les produc

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