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vanté du crime de sa fille incestueuse, et laissant tomber, en la voyant, l'urne terrible de ses

mains :

Misérable! et je vis! et je soutiens la vue
De ce sacré soleil dont je suis descendue!
J'ai pour aïeul le père et le maître des dieux;
Le ciel, tout l'univers est plein de mes aïeux :
Où me cacher? Fuyons dans la nuit infernale.
Mais que dis-je? mon père y tient l'urne fatale.
Le sort, dit-on, l'a mise en ses sévères mains:
Minos juge aux enfers tous les pâles humains.
Ah! combien frémira son ombre épouvantée
Lorsqu'il verra sa fille, à ses yeux présentée,
Contrainte d'avouer tant de forfaits divers,

Et des crimes peut-être inconnus aux enfers!
Que diras-tu, mon père, à ce spectacle horrible?
Je crois voir de ta main tomber l'urne terrible.

De même, après le festin d'Atrée, père d'Agamemnon, qui fit reculer le soleil, il n'y a aucune exagération à supposer que Clytemnestre, pour un crime qui lui paraît semblable, dise au soleil :

Recule. Ils t'ont appris ce funeste chemin.

L'art d'élever naturellement le style à ce degré de force, consiste à y disposer les esprits par des idées qui autorisent la hauteur de l'expres

sion.

Le Moi de la Médée de Corneille est sublime, parce qu'il est dans la bouche d'une magicienne fameuse sans cela il serait extravagant et ridicule.

De même il n'appartient qu'à la Gorgone de dire :

Les traits que Jupiter lance du haut des cieux,
N'ont rien de plus terrible

Qu'un regard de mes yeux.

De même ce vers dans la bouche d'Octave,

Je suis maître de moi, comme de l'univers.

n'est qu'une expression noble et simple.
De même après ces vers,

Je n'appelle plus Rome un enclos de murailles,
Que ses proscriptions comblent de funérailles;

Sertorius peut ajouter :

Et comme autour de moi j'ai tous ses vrais appuis,
Rome n'est plus dans Rome, elle est toute où je suis.

Dans une tragédie de Warvick, l'auteur crut imiter Corneille en disant,

Transportons l'Angleterre au milieu de la France;

mais le parterre s'écria, en faisant un vide: Place à l'Angleterre.

Le style ampoulé n'est donc jamais qu'un style élevé outre mesure.

On a dit, des plaines de sang, des montagnes de morts; et lorsque ces expressions ont été placées, elles ont été justes.Qui jamais a reproché de l'enflure à ces deux vers de la Henriade?

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Et des fleuves français les eaux ensanglantées,
Ne portaient que des morts aux mers épouvantées.

Longin, dans son Traité du Sublime, cite comme une expression ampoulée : Vomir contre le ciel; mais si l'on dit de Typhoé, qu'il a vomi contre le ciel

Les restes enflammés de sa rage mourante.

l'expression est naturelle.

Dans la tragédie de Théophile, Pyrame, croyant qu'un lion a dévoré Thisbé, s'adresse à ce lion, et lui dit :

Toi, son vivant cercueil, reviens me dévorer.
Cruel lion, reviens; je te veux adorer.

S'il faut que ma déesse en ton sang se confonde,
Je te tiens pour l'autel le plus sacré du monde.

Voilà ce qui s'appelle de l'ampoulé : l'exagération en est risible à force d'être extravagante. En général, le ridicule touche au sublime, et pour marcher sur la limite qui les sépare sans la passer jamais, il faut bien prendre garde à soi. « Dans le haut style, nous dit Longin, rien de si difficile à éviter que l'enflure. »

Mais c'est une erreur de penser que les degrés d'élévation du style soient marqués pour les divers genres. Dans le poëme didactique, le plus tempéré de tous, Lucrèce et Virgile se sont élevés aussi haut qu'aucun poëte dans l'épopée.

Lucrèce a dit d'Épicure: « Ni ces dieux, ni

leurs foudres, ni le bruit menaçant du ciel en courroux ne purent l'étonner. Son courage s'irrita contre les obstacles. Impatient de briser l'étroite enceinte de la nature, son génie vainqueur s'élança au-delà des bornes enflammées du monde, et parcourut à pas de géant les plaines de l'immensité. »

On sait de quel pinçeau Virgile, dans les Géorgiques, a peint le meurtre de César.

La Fontaine lui-même, dans l'apologue, a pris quelquefois le plus haut ton: il a osé dire du chêne,

Celui de qui la tête au ciel était voisine,

Et dont les pieds touchaient à l'empire des morts.

Il a osé dire, en parlant de l'astrologie :

Quant aux volontés souveraines

De celui qui fait tout, et rien qu'avec dessein;
Qui les sait, que lui seul? Comment lire en son sein?
Aurait-il imprimé sur le front des étoiles

Ce

que la nuit des temps enferme dans ses voiles?

Et de ce ton sublime il se rabaisse au ton familier.

Quand l'enfer eut produit la goutte et l'araignée,
Mes filles, leur dit-il, etc.

Le naturel et la vérité sont de l'essence de tous les genres: il n'en est aucun qui n'admette le plus haut style, quand le sujet l'élève et le soutient; il n'en est aucun où de grands mots

vides de sens, des figures exagérées, des images qui donnent un corps gigantesque à de petites pensées, ne fassent de l'enflure, et ne forment ce qu'on appelle un style ampoulé.

L'épopée, la tragédie, l'ode elle-même, ne demandent plus de force et plus de hauteur dans les idées, les sentiments, et les images, qu'autant que les sujets qu'elles traitent en sont plus susceptibles, et que les personnages qu'elles emploient sont supposés avoir plus de grandeur dans l'ame et d'élévation dans l'esprit.

Il en est de même de la haute éloquence: tout, doit y être vrai, ou ressemblant au vrai; et nonseulement les figures, mais les mouvements oratoires sont tous soumis à cette règle. Métaphore, exclamation, imprécation, apostrophe, prosopopée, hypotipose, tout ce qu'il y a de plus véhément devient froid; tout ce qu'il y a de plus noble et de plus sérieux devient grotesque et ridicule, dès que le faux, l'outré, l'enflure enfin s'y fait apercevoir. Or la vérité relative dont il s'agit, est dans le rapport de proportion, non-seulement du style avec la chose, mais du style avec la personne dont on parle, ou qui parle elle-même. Rien n'est si accablant dans la réplique que le ridicule jeté sur une emphase déplacée. C'est à cette disconvenance du langage avec l'orateur que Démosthène s'est attaché dans sa harangue pour la couronne, en réfutant la péroraison d'Eschine, son accusateur.

Élém. de Littér. I.

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