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L'allégorie est quelquefois aussi une façon de présenter avec ménagement une vérité qui offenserait si on l'exposait toute nue; mais elle la déguise moins: c'est un conseil discrètement donné, mais dont celui qu'il intéresse ne peut manquer de sentir à chaque trait l'application. L'ode d'Horace tant de fois citée,

O navis, referent in mare te novi fluctus,

en est l'exemple et le modèle. Entre un vaisseau et la république, entre la guerre civile et une mer orageuse, tous les rapports sont si frappants, que les Romains ne pouvaient s'y méprendre; et la vérité n'eut jamais de voile plus fin ni plus clair.

Quintilien, en nous disant que l'allégorie renferme un sens caché, ajoute que ce sens est quelquefois tout contraire à celui qu'elle présente d'abord; mais il ne nous donne aucun exemple de cette contrariété, et je ne crois pas qu'il en existe. L'allégorie, par sa ressemblance et par la justesse de ses rapports, doit toujours laisser entrevoir la vérité qu'elle enveloppe. Son objet est manqué si l'esprit s'y trompe, ou si, satisfait d'en apercevoir la surface, il ne désire pas autre chose, et n'en pénètre pas le fond.

C'est ce qui arrive toutes les fois que l'allégorie peut être elle-même une vérité assez intéressante pour laisser croire que le poëte n'a voulu dire que ce qu'il a dit; car rien n'empêche alors

l'esprit de s'y arrêter, sans rien soupçonner audelà; et c'est pourquoi il est souvent si difficile de décider si la fiction est allégorique, ou si elle ne l'est pas.

Que de l'exemple d'une action épique, il y ait quelque vérité morale à déduire (ce qui arrive naturellement sans que le poëte y ait pensé), le père le Bossu en infère que la fable du poëme épique est une allégorie, un apologue. Il va plus loin; il veut que la vérité morale soit d'abord inventée, qu'après cela on imagine un fait qui en soit la preuve et l'exemple, et qu'on ne nomme les personnages qu'après avoir disposé l'action. Assurément ce n'est pas ainsi qu'Homère et Virgile ont conçu l'idée et le plan de leurs poëmes. Plutarque a raison de comparer les fictions. poétiques aux feuilles de vigne sous lesquelles le raisin doit être caché; mais toutes les fois le sujet en lui-même a son utilité morale, c'est un raffinement puéril que d'y chercher un sens mystérieux.

que

Ce n'est pas que, dans les poëmes épiques, et particulièrement dans ceux d'Homère, il n'y ait bien des détails où l'allégorie est sensible; et alors la vérité voilée y perce de façon à frapper tous les yeux telle est l'image des prières, tel est l'ingénieux épisode de la ceinture de Vénus. Mais regarder l'Iliade comme une allégorie continue, c'est attribuer à Homère des rêves qu'il n'a jamais faits.

Élém. de Littér. 1.

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C'est particulièrement dans les présages, dans les songes, dans le langage prophétique, que les poëtes emploient l'allégorie. Dans l'Iliade, tandis qu'Hector et Polydamas attaquent le camp des Grecs, un aigle audacieux vole à leur gauche, tenant dans ses serres un énorme dragon, qui, palpitant et ensanglanté, ose combattre, se replie, et blesse son vainqueur. L'oiseau sacré laisse tomber sa proie.

C'est de cette image qu'Horace semble avoir pris la comparaison de l'aiglon avec le jeune Drusus: Qualem ministrum fulminis alitem, etc.

L'art de l'allégorie consiste à peindre vivement et correctement, d'après l'idée ou le sentiment, la chose qu'on personnifie : comme la Renommée, dans l'Énéide de Virgile; l'Envie, dans les Métamorphoses d'Ovide et dans la Henriade; les Prières, dans l'Iliade, etc. Observons en passant, que l'allégorie des Prières a été un peu altérée. Voici le sens d'Homère. La déesse du mal, Até, l'injure, parcourt le monde; elle est prompte, légère, audacieuse; les Lites, les expiations, les prières la suivent d'un pas timide et chancelant, pour guérir les maux qu'elle a faits voilà qui répond clairement, et à l'orgueil d'Agamemnon dans sa querelle avec Achille, et à l'humiliation où il est réduit dans l'ambassade qu'il lui envoie. Mais lorsque les Lites sont rebutées, elles s'élèvent jusqu'au trône de Jupiter. et le conjurent d'attacher Até à l'homme superbe

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et impitoyable, qu'elles ont en vain supplié : voilà qui annonce l'indignation et les voeux des Grecs contre Achille, s'il ne se laisse pas fléchir. Il n'y a peut-être jamais eu d'allégorie ni plus belle, ni plus adroite, ni plus éloquemment employée que celle-ci.

Des modèles parfaits de l'allégorie en action sont la fable de l'Amour et de la Folie, dans La Fontaine; l'épisode de la Haine, dans l'opéra d'Armide; la Mollesse, dans le Lutrin. Mais quelque belle que soit l'allégorie, elle serait froide si elle était longue. Un poëme tout allégorique ne serait pas soutenable, eût-il d'ailleurs mille beautés. Voyez MERVEILLEUX.

Presque toute la mythologie des Grecs, comme celle des Égyptiens, est allégorique; et ces fictions étaient peut-être, dans leur nouveauté, ce que l'esprit humain a jamais inventé de plus ingénieux; mais à-présent qu'elles sont rebattues, la poésie descriptive a bien plus de mérite et de gloire à peindre la nature toute nue, qu'à l'envelopper de ces voiles depuis long-temps usés. Celui qui dirait aujourd'hui que le soleil va se plonger dans l'onde et se reposer dans le sein de Thétis, dirait une chose commune; et celui qui, avec les couleurs de la nature, aurait peint le premier le soleil couchant, à demi-plongé dans des nuages d'or et de pourpre, et laissant voir encore au-dessus de ses vagues enflammées la moitié de son globe éclatant; celui qui aurait

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exprimé les accidents de sa lumière sur le sommet des montagnes, et le jeu de ses rayons à travers le feuillage des forêts, tantôt imitant les couleurs de l'arc-en-ciel, tantôt les flammes d'un incendie, celui-là serait aussi peintre et poëte.

Les emblêmes ne sont que des allégories que peut exprimer le pinceau. C'est ainsi qu'on a représenté le Nil la tête voilée, pour faire entendre que la source de ce fleuve était inconnue; c'est ainsi que, pour désigner la paix, on a peint les colombes de Vénus faisant leur nid dans le casque de Mars. Voyez EMBLEME.

C'est une idée assez heureuse, pour exprimer la crainte des maux d'imagination, que l'allégorie d'un enfant qui souffle en l'air des boules de savon, et qui, s'effrayant de leur chûte, inspire la même frayeur à une foule d'autres enfants, sur qui ces boules vont retomber. Ainsi les peintres, à l'exemple des poëtes, font quelquefois usage de ces fictions allégoriques, mais rarement avec succès.

Lucien nous a transmis l'idée d'un tableau allégorique des noces d'Alexandre et de Roxane : le peintre était Aétion. Son tableau, qu'il exposa dans les jeux olympiques, fit l'admiration de la Grèce assemblée; et Raphaël l'a dessiné tel que Lucien l'a décrit.

Le sonnet de Crudeli pour les noces d'une dame de Milan serait le sujet d'un joli tableau: c'est la Virginité qui parle à la nouvelle épouse.

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