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de rapide le second a lieu dans les situations plus vives; il exprime le choc des passions, les mouvements interrompus de l'ame, l'égarement de la raison, les irrésolutions de la pensée, et tout ce qui se passe de tumultueux et d'entrecoupé sur la scène. Voyez RÉCITATIF.

Quelle est donc la place de l'air? Le voici. II est des moments où la situation de l'ame est déterminée et son mouvement décidé, ou par une passion simple, ou par deux passions qui se succèdent, ou par deux passions qui se combattent, et qui l'emportent tour-à-tour. Si l'affection de l'ame est simple, l'air doit être simple comme elle: il est alors l'expression d'un mouvement, plus lent ou plus rapide, plus violent ou plus doux, mais qui n'est point contrarié; et l'air en prend le caractère. Si l'affection est implexe, et que l'ame se trouve agitée par deux mouvements opposés, l'air exprimera l'un et l'autre, mais avec quelque différence. Tantôt il n'y aura qu'une succession directe, un passage, comme de l'abattement au transport, de la douleur au désespoir; et alors le premier sentiment doit être en contraste avec le second, et celui-ci former sa période particulière c'est là ce qu'on appelle un air à deux motifs, mais sans retour de l'un à l'autre. Tantôt il y aura un retour de l'ame sur elle-même, et comme une espèce de revulsion du second mouvement au premier; et alors l'air prendra la forme du rondeau : par exemple,

l commencera par la colère, à laquelle succédera un mouvement de pitié, qu'un nouveau mouvement de dépit fera disparaître, en ramenant avec plus de violence le premier de ces sentiments. Par cet exemple, on voit que l'air en rondeau peut commencer par le sentiment le plus vif, dont la seconde partie soit le relâche, et qui se réveille à la fin avec plus de chaleur et de rapidité : c'est quelquefois l'amour que le devoir retient, mais qui lui échappe et s'abandonne à toute l'ardeur de ses désirs; c'est la joie que la crainte modère, et qu'un nouveau rayon d'espérance ranime; c'est la colère que ralentit un mouvement de générosité, mais que le ressentiment de l'injure vient ranimer encore avec plus de fureur.

Il peut arriver cependant que la première partie de l'air, quoique la plus douce, ait un caractère si sensible, si gracieux, ou si touchant, qu'elle se fasse désirer à l'oreille; et alors c'est au poëte à prendre soin que le mouvement de l'ame l'y ramène : l'oreille, qui demande et qui attend ce retour, serait désagréablement trompée, si on lui en dérobait le plaisir.

Enfin les révolutions de l'ame, ou ses oscillations d'un mouvement à l'autre, peuvent être naturellement redoublées, et par conséquent le retour de la première partie de l'air peut avoir lieu plus d'une fois.

La forme et la coupe de l'air est donc prise

dans la nature, soit qu'il exprime un simple mou vement de l'ame, une seule affection développée et variée par ses nuances; soit qu'il exprime le balancement et l'agitation de l'ame entre deux ou plusieurs sentiments opposés; soit qu'il exprime le passage unique d'un sentiment plus modéré à un sentiment plus rapide, et vice versá: car tout cela est conforme aux lois des mouvements du cœur humain; et demander alors que la déclamation musicale ne soit pas un air, mais un simple récitatif, rompu dans ses modulations, sans dessein et sans unité, c'est non-seulement vouloir que l'art soit dépouillé d'un de ses ornements, mais que la nature elle-même soit contrariée dans l'expression qu'elle indique. Un sentiment simple et continu demande un chant dont le cercle l'embrasse, et dont l'étendue circonscrite le développe et le termine; deux sentiments qui se succèdent l'un à l'autre, ou qui se balancent dans l'ame, demandent un chant composé dont les desseins soient en contraste : la reprise même de l'air a son modèle dans la nature; car il arrive assez souvent à la réflexion tranquille, et plus encore à la passion, de ramener l'ame à l'idée ou au sentiment qu'elle a quitté. Il y a donc autant de vérité dans le da capo en musique, que dans ces répétitions de Molière, Le pauvre homme! Qu'allait-il faire dans cette galère? Ma chère cassette! etc.

Mais pour que l' soit naturellement placé,

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il faut saisir avec justesse le moment où la vérité de l'expression le sollicite : l'air, dans un moment vide ou froid, sera toujours un ornement postiche. C'est le moment le plus vif de la scène qu'il faut choisir pour y attacher l'expression la plus saillante; et cette expression doit être prise elle-même dans la nature. Ce n'est ni une image tirée de loin, ni une comparaison forcée, ni un madrigal artificiellement aiguisé, ni une antithèse curieusement arrangée, qui doit être le sujet de l'air; l'expression la plus simple de ce qui affecte l'ame, est ce qui lui convient le mieux parce que c'est là ce qui donne lieu aux accents les plus sensibles de la parole, et, imitation, aux accents les plus touchants de la musique.

par

Quant à la forme que le poëte doit donner a la période destinée à former un air, elle serait difficile à prescrire on doit observer seulement que chaque partie de l'air soit simple, c'est-àdire que les idées ou les sentiments qu'elle réunit soient analogues et susceptibles d'unité dans l'expression qui les embrasse. C'est cette unité d'expression qu'on appelle motif ou dessein, et qui fait le charme de l'air.

Un talent sans lequel il est impossible de bien écrire dans ce genre, c'est le pressentiment du chant, c'est-à-dire du caractère que l'air doit avoir, de l'étendue qu'il demande, et du mouvement qui lui est propre.

On a prétendu que la symétrie des vers était inutile au musicien, et l'on fait dire à celui-ci, « Composez à votre fantaisie : le mètre, le rhythme, la phrase, le style concis ou périodique, tout m'est égal; je trouverai toujours le moyen de faire du chant. » Oui, du chant rompu, mutilé, sans dessein et sans suite, qui tâchera d'être expressif, mais qui, n'étant point mélodieux, n'aura ni la vérité de la nature, ni l'agrément de Fart. L'Italie a deux poëtes célèbres, Zéno et Métastase. Zéno est dramatique; il a de la chaleur, de l'intérêt, du mouvement dans la scène; mais ses airs sont le plus souvent mal composés; nul rapport, nulle intelligence dans la coupe des vers et dans le choix du rhythme : les musiciens l'ont presque abandonné. Métastase au contraire a disposé les phrases, les repos, les nombres, et toutes les parties de l'air, comme s'il l'eût chanté lui-même tous les musiciens se sont donnés à lui.

Ce n'est pas qu'un musicien ne tire quelquefois parti d'une irrégularité, comme un lapidaire habile sait profiter de l'accident d'une agate; mais ce sont les hasards du génie, et les hasards sont sans conséquence.

Dans un opéra de Rameau n'a-t-on pas vu ce mauvais vers,

Brillant soleil, jamais nos yeux dans ta carrière,

produire un beau dessein de choeur? L'homme

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