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popée n'est que l'action de la tragédie, plus étendue et prise de plus de loin.

Le Tasse ne pensait pas ainsi. Il poema heroico, dit-il, e una imitatione de azione illustre, grande, e perfetta, fatta narrando con altissimo verso, affine di mover gli animi con la maraviglia, e di giovar dilettando (1). Il regarde le merveilleux comme la source du pathétique de l'épopée; et laissant à la tragédie la terreur et la pitié, il réduit le poëme héroïque à l'admiration, le plus froid des sentiments de l'ame. S'il eût mis sa théorie en pratique, son poëme n'aurait pas tant de charmes. Quelque admiration qu'inspire l'héroïsme, quelque surprise que nous cause le merveilleux répandu dans les fables d'Homère, de Virgile, et du Tasse lui-même, l'intérêt en serait bien faible, sans les épisodes terribles et touchants qui le raniment par intervalles; et ces poëtes l'ont si bien senti, qu'ils ont eu recours, à chaque instant, à quelque nouvelle scène tragique. Retranchez de l'Iliade les adieux d'Andromaque et d'Hector, la douleur d'Achille sur la mort de Patrocle, et son entrevue avec le vieux Priam; retranchez de l'Énéide les épisodes de Laocoon et de ses enfants, de Didon, de Marcellus, d'Eu

(1) Le poëme héroïque est l'imitation d'une action illustre, grande et parfaite, racontée en vers d'un ton très-élevé, pour émouvoir les esprits par le moyen du merveilleux, et pour rendre agréable une instruction solide.

riale et de Pallas; retranchez de la Jérusalem la mort de Dudon, celle de Clorinde, l'amour et la douleur d'Armide; et voyez ce que devient l'intérêt de l'action principale, réduit à l'admiration que peut causer le merveilleux des faits ou la beauté des caractères. On se lasse bientôt d'admirer des héros que l'on ne plaint pas, on ne se lasse jamais de plaindre des héros qu'on admire et qu'on aime. L'aliment de l'intérêt, soit épique soit dramatique, est donc la crainte et la pitié. Il est vrai que la beauté des caractères y contribue, mais elle n'y suffit pas : Concorre la miseria delle azioni insieme con la bonta di costumi. (LE TASSE.)

La règle la plus sûre dans le choix du sujet de l'épopée, est donc de le supposer au théâtre, et de voir l'effet qu'il y produirait. S'il est vraiment tragique et théâtral, son intérêt se répandra sur les épisodes; au lieu que, s'il n'avait rien de pathétique par lui-même, en vain les épisodes seraient intéressants, chacun d'eux ne communiquerait à l'action qu'une chaleur accidentelle, qui s'éteindrait à chaque instant, et qu'on serait obligé de ranimer sans cesse par quelque épisode nouveau.

C'est, dira-t-on, donner à l'épopée des bornes trop étroites, que de la réduire aux sujets tragiques. Mais l'on verra que, sans compter la tragédie grecque, celle, dis-je, où tout se conduit par la fatalité, j'en ai distingué trois genres, dans lesquels sont compris, je crois, tous les intérêts

du cœur humain. Si ce n'est pas l'homme en proie à ses passions, ce sera l'innocence ou la vertu éprouvée par le malheur ou poursuivie par le crime; ce sera la bonté mêlée de faiblesse, entourée des piéges du plaisir et du vice, et obligée d'immoler sans cesse de doux penchants à de tristes devoirs. Or il y a peu de sujets intéressants qui ne reviennent à l'une de ces trois situations, ou, mieux encore, à quelqu'une de celles qui résultent de leur mélange.

L'action de la tragédie doit être importante et mémorable; de même, et plus essentiellement encore, celle de l'épopée. Or cette importance consiste dans la grandeur des motifs et dans l'utilité de l'exemple.

Mais il faut bien se souvenir que l'intérêt commun ne nous attache que par des affections personnelles; et dans une action publique, quelque importante qu'elle soit, il est plus avantageux qu'on ne pense, d'introduire, de temps en temps, des épisodes pris dans la classe des hommes obscurs; leur simplicité, noblement exprimée, a quelque chose de plus touchant que la dignité des mœurs héroïques. Qu'un héros fasse de grandes choses, on s'y attendait, on n'en est point surpris; mais que d'une ame vulgaire naissent des sentiments sublimes, la nature, qui les produit seule, s'en applaudit davantage, et l'humanité se complaît dans ces exemples qui l'honorent.

Le moment le plus pathétique de la conjura

tion de Portugal, n'est pas celui où tout un peuple, armé dans un instant, se soulève et brise ses chaînes; mais celui où une femme obscure paraît tout-à-coup, avec ses deux fils, au milieu de l'assemblée des conjurés, tire deux poignards de dessous sa robe, les remet à ses deux enfants, et leur dit : « Ne me les rapportez que teints « du sang des Espagnols. » Combien de traits plus courageux, plus honorables, plus touchants que la plupart de ceux que consacre l'histoire, demeurent plongés dans l'oubli! et quel trésor pour la poésie, si elle avait soin de les recueillir!

Indépendamment de ces exemples répandus dans l'épopée, l'action principale doit se terminer à une moralité, dont elle soit le développement; et plus cette vérité morale aura de poids, plus la fable aura d'importance. Voyez MORALITÉ.

Un effet naturel de l'action dramatique, c'est de produire la pantomime; mais la pantomime n'est pas l'action; et lorsque d'une pièce où il y a beaucoup de mouvements, de tableaux, de jeu de théâtre, on dit qu'il y a beaucoup d'action, on tombe dans une méprise qui peut être de conséquence.

Il y a un tragique d'incidents, comme il y a un comique de rencontres. Or le jeu de théâtre qui résulte de l'un et de l'autre, peut être ou pathétique ou plaisant, et ne remplir l'objet ni de la tragédie ni de la comédie.

Le premier procédé de l'art de la comédie, a

été d'ajuster ensemble des événements propres à exciter le rire. Le premier procédé de la tragédie a été de même de composer des tableaux propres à inspirer la compassion ou la terreur. Mais ce moyen de l'art n'en était pas la fin; et c'est à quoi l'art s'est mépris lui-même dans son enfance, lorsqu'il n'avait encore l'idée ni de sa puissance, ni de sa dignité; c'est à quoi, dans sa décadence, il se méprend encore, lorsque les grands talents qui l'avaient porté à son comble, n'existent plus pour l'y soutenir, et que les grands principes du goût, oblitérés par de fausses opinions ou par de mauvaises habitudes, ont disparu avec les grands talents.

Si une suite de surprises et de méprises divertissantes formaient seules la bonne comédie, l'Étourdi et le Cocu imaginaire seraient préférables au Misanthrope; le Baron d'Albicrac, la Femme juge et partie, le Légataire, seraient au moins à côté du Tartuffe; les scènes nocturnes d'Arlequin et de Scapin seraient du bon comique. Si une suite d'incidents, de situations terribles ou touchantes, faisaient la bonne tragédie, plusieurs de nos drames modernes l'emporteraient sur Athalie, Britannicus, Cinna; la meilleure des tragédies, au moins du côté de l'action, serait celle dont on pourrait faire le tableau le plus capable d'émouvoir; et les Horaces, d'où l'on n'a pu tirer qu'un ballet froid, confus et vague, le céderaient à Médée, dont on a fait en pantomime

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