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la scène, il le serait bien moins encore pour le récit, qui n'est jamais aussi animé. C'est dans ce sens-là qu'Aristote a dit que le fond des deux poëmes était le même. « Il faut, dit-il en parlant de l'épopée, en dresser la fable, de manière qu'elle soit dramatique et qu'elle renferme une seule action, qui soit entière, parfaite, et achevée. Il y a, dit-il encore, autant de sortes d'épopées qu'il y a d'espèces de tragédies; car l'épopée peut être simple ou implexe, morale ou pathétique. » Il ajoute, que « l'épopée a les mêmes parque la tragédie; car elle a ses péripéties, ses reconnaissances, ses passions; » d'où il conclut que « l'épopée ne diffère de la tragédie que par son étendue et par la forme de ses vers : » et il en donne pour exemple, d'un côté, le sujet de l'Odyssée dénué de ses épisodes, et tel qu'Homère l'eût conçu s'il eût voulu le mettre au théâtre ; de l'autre, celui de l'Iphigénie en Tauride, avant d'être accommodé au théâtre, et tel qu'il dépendait d'Euripide d'en faire un poëme épique ou un poëme dramatique, à son choix.

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En suivant son idée, pour la développer, essayons de disposer le sujet de l'Iphigénie, comme Euripide l'eût disposé lui-même, s'il en eût voulu faire un poëme en récit.

Oreste, couvert du sang de sa mère et poursuivi par les Euménides, cherche un refuge dans le temple d'Apollon, de ce dieu qui l'a poussé au crime. Il embrasse son autel, l'implore, lui offrę

lieux, tandis que celui du poëte tragique est à la gêne.

La tragédie est obligée de commencer dans le fort de l'action, et assez près du dénouement pour laisser dans l'avant-scène tout ce qui suppose de longs intervalles. Son mouvement accéléré, d'acte en acte, est si continu, si rapide; l'inquiétude qu'elle répand est si vive, et l'intérêt de la crainte et de la pitié si pressant, que ce qu'on appelle épisodes, c'est-à-dire, les circonstances et les moyens de l'action s'y réduisent presque à l'étroit besoin, sans rien donner à l'agrément au lieu que dans l'épopée la chaîne de l'action étant plus longue et le dessin plus étendu, les incidents, que je regarde comme la trame du tissu de la fable, peuvent l'orner et l'enrichir de mille couleurs différentes. Faut-il, pour me faire entendre, une image plus sensible encore? La tragédie est un torrent qui brise ou franchit les obstacles; l'épopée est un fleuve majestueux qui suit sa pente, mais dont la course vagabonde se prolonge par mille détours. On voit donc que la tragédie l'emporte sur l'épopée par la rapidité, la chaleur, le pathétique de l'action; mais que l'épopée l'emporte sur la tragédie par la variété, la richesse, la grandeur, et la majesté.

Tout sujet qui convient à l'épopée, doit convenir à la tragédie, c'est-à-dire, être capable d'exciter en nous l'inquiétude, la terreur, et la pitié car s'il n'était pas assez intéressant pour :

la scène, il le serait bien moins encore pour le récit, qui n'est jamais aussi animé. C'est dans ce sens-là qu'Aristote a dit que le fond des deux poëmes était le même. « Il faut, dit-il en parlant de l'épopée, en dresser la fable, de manière qu'elle soit dramatique et qu'elle renferme une seule action, qui soit entière, parfaite, et achevée.

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y a, dit-il encore, autant de sortes d'épopées qu'il y a d'espèces de tragédies; car l'épopée peut être simple ou implexe, morale ou pathétique. » Il ajoute, que « l'épopée a les mêmes parties que la tragédie; car elle a ses péripéties, ses reconnaissances, ses passions; » d'où il conclut que « l'épopée ne diffère de la tragédie que par son étendue et par la forme de ses vers : » et il en donne pour exemple, d'un côté, le sujet de l'Odyssée dénué de ses épisodes, et tel qu'Homère l'eût conçu s'il eût voulu le mettre au théâtre ; de l'autre, celui de l'Iphigénie en Tauride, avant d'être accommodé au théâtre, et tel qu'il dépendait d'Euripide d'en faire un poëme épique ou un poëme dramatique, à son choix.

En suivant son idée, pour la développer, essayons de disposer le sujet de l'Iphigénie, comme Euripide l'eût disposé lui-même, s'il en eût voulu faire un poëme en récit.

Oreste, couvert du sang de sa mère et poursuivi par les Euménides, cherche un refuge dans le temple d'Apollon, de ce dieu qui l'a poussé au crime. Il embrasse son autel, l'implore, lui offrẹ

un sacrifice; et l'oracle interrogé lui ordonne, pour expiation, d'aller enlever la statue de Diane profanée dans la Tauride.

Oreste prend congé d'Electre; il ne veut pas que Pylade le suive: Pylade ne veut point l'abandonner. Ce jeune prince quitte un père accablé de vieillesse, dont il est l'appui, une mère tendre dont il fait les délices, et qui tous deux l'encouragent, en le baignant de larmes, à suivre un ami malheureux. Oreste, présent à leurs adieux, se sent déchirer le cœur aux noms de fils, de père, et de mère.

Il s'embarque avec son ami; et si le petit voyage d'Ulysse et d'Énée est traversé par tant d'obstacles, quelles ressources n'a pas ici le poëte pour varier celui d'Oreste? Qu'on s'imagine seulement qu'il s'embarque à ce même port de l'Aulide où l'on croit que sa sœur a été immolée; qu'il traverse la mer Égée, où son père et tous les héros de la Grèce ont été si long-temps le jouet des ondes; qu'il la parcourt à la vue de Scyros, où l'on avait caché le jeune Achille; à la vue de Lemnos, où Philoctète avait été abandonné; à la vue de Lesbos, où les Grecs avaient commencé de signaler leur vengeance; à la vue du rivage de Troie, dont la cendre fume encore. Quelle carrière pour le génie du poëte!

Aux incidents naturels qui peuvent retarder tour-à-tour et favoriser l'entreprise d'Oreste, ajoutez la haine des dieux ennemis du sang

d'Agamemnon, la faveur des dieux qui le protègent, les furies attachées aux pas d'Oreste, et qui viennent l'agiter toutes les fois qu'il veut s'oublier dans les plaisirs ou dans le repos : tous ces agents surnaturels vont mêler à l'action du poëme un merveilleux déja fondé sur la vérité relative et adopté par l'opinion.

Cependant Thoas, épouvanté par la voix des dieux, qui lui annonce qu'un étranger lui arrachera le sceptre et la vie, Thoas ordonne que tous ceux que leur mauvais sort ou leur mauvais dessein ameneront dans la Tauride, soient immolés sur l'autel de Diane. Iphigénie en est la prêtresse; elle a horreur de ces sacrifices; et après avoir employé tout ce que l'humanité a de plus tendre, et la religion de plus touchant, pour fléchir l'ame du tyran : « Non, lui dit-elle, Diane n'est point une divinité sanguinaire : et qui le sait mieux que moi?» Alors elle lui raconte comment, destinée elle-même à être immolée sur son autel, elle en a été enlevée par cette divinité bienfaisante. «<< Jugez, conclut Iphigénie, si Diane se plairait à voir couler un sang qu'elle ne demande pas, puisqu'elle n'a pu voir répandre le sang qu'elle avait demandé par la voix même des oracles. » Le tyran persiste. Oreste et Pylade abordent dans ses états: ils sont arrêtés, conduits à l'autel, et le poëme est terminé par la tragédie d'Euripide, dont je n'ai fait jusqu'ici que développer l'avant-scène.

On voit, par cet exemple, que l'action de l'é

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