Obrazy na stronie
PDF
ePub

HISTOIRE

DE TITE-LIVE.

LIVRE SECOND.

I. Je vais maintenant écrire l'histoire d'un peuple libre, qui n'eut que des magistrats annuels, et où le pouvoir des hommes fut subordonné à celui des lois (a). Sa liberté avait été reçue avec transport, grâce aux cruautés du dernier roi. Il n'en eût pas été ainsi de ses prédécesseurs, qui régnèrent avec tant de sagesse, qu'on les regarde, non sans raison, comme autant de fondateurs de Rome, puisqu'ils en ont tous aggrandi l'enceinte et accru la population; et l'on ne doute point que ce même Brutus, qui acquit tant de gloire par l'expulsion d'un tyran, n'eût fait le malheur de l'état, si par un désir de liberté prématuré il eût arraché le sceptre à l'un des précédents monarques. En effet, que serait devenu ce ramas de pâtres et de fugitifs qui devaient la liberté, ou du moins l'impunité, à la seule sauve-garde de leur asyle, si, affranchis des liens de l'autorité royale, ils eussent été jetés tout d'abord au travers des orages du tribunat; et si ces querelles interminables avec les Patri

(a) An de Rome 245; avant J.-C. 507.

liberorum, caritasque ipsius soli, cui longo tempore assuescitur, animos eorum consociasset? Dissipatæ res nondum adultæ discordia forent: quas fovit tranquilla moderatio imperii, eoque nutriendo perduxit, ut bonam frugem libertatis maturis jam viribus ferre possent. Libertatis autem originem inde, magis quia annuum imperium consulare factum est, quàm quòd deminutum quicquam sit ex regiâ potestate, numeres. Omnia jura, omnia insignia primi consules tenuêre; id modò cautum est, ne, si ambo fasces haberent, duplicatus terror videretur. Brutus prior, concedente collegâ, fasces habuit; qui non acrior vindex libertatis fuerat, quàm deinde custos fuit. Omnium primum avidum novæ libertatis populum, ne postmodum flecti precibus aut donis regiis posset, jurejurando adegit, neminem Romæ passuros regnare. Deinde quò plùs virium in senatu frequentia etiam ordinis faceret, cædibus regis deminutum Patrum numerum, primoribus equestris gradûs lectis, ad trecentorum summam explevit; traditumque inde fertur, ut in senatum vocarentur, qui Patres, quique conscripti essent. Conscriptos, videlicet, in novum senatum appellabant lectos. Id mirum quantùm

ciens se fussent engagées dans une ville étrangère à ses habitants, avant que les doux nœuds du mariage, de la paternité, et que l'attachement qu'inspire seule la longue habitude du sol qui nous a vus naître, eussent confondu tous les intérêts? La discorde eût fait avorter, à sa naissance, cette puissance romaine, qui se développant dans le calme d'une autorité tempérée, acquit insensiblement le degré de force et de maturité nécessaire pour faire éclore les plus heureux fruits de la liberté. Au reste, on fixe à ce moment l'époque de la liberté, parce que ce fut celle de l'établissement du pouvoir annuel des consuls; car d'ailleurs l'autorité qu'avaient les rois ne subit aucune diminution. Les premiers consuls en conservèrent toutes les prérogatives et toutes les marques extérieures. Seulement, on évita qu'ils eussent tous deux à la fois les faisceaux, afin de ne point paraître avoir doublé la terreur. Brutus les eut le premier, par la déférence de son collégue : il n'avait pas mis plus d'ardeur à conquérir la liberté, qu'il en mit depuis à la défendre. Avant tout, de peur que ces premiers transports venant à se refroidir, le peuple ne se laissât gagner par les prières ou par les largesses du roi, il fit prêter aux Romains le serment solennel de proscrire à jamais la royauté dans Rome. Il s'occupa ensuite de donner plus de force au sénat, en augmentant le nombre des sénateurs. Les cruautés du roi l'avaient considérablement réduit : il choisit les membres les plus distingués de l'ordre équestre, afin de porter le corps du sénat jusqu'au nombre de trois cents. C'est de ce moment, dit-on, qu'on a donné aux sénateurs la dénomination de pères conscrits, parce que, dans les appels faits au sénat, on désignait les anciens par le nom de pères, et les nouveaux par celui de conscrits, du mot conscriptus, qui signifie nouvellement incorporés. Il est incroyable combien cette

profuit ad concordiam civitatis, jungendosque Patribus plebis animos.

II. Rerum deinde divinarum habita cura : et quia quædam publica sacra per ipsos reges factitata erant, ne ubiubi regum desiderium esset, regem sacrificulum creant. Id sacerdotium pontifici subjecêre, ne additus nomini honos aliquid libertati, cujus tunc prima erat cura, officeret. Ac nescio an nimis undique eam minimis quoque rebus muniendo, modum excesserint. Consulis enim alterius, cùm nihil aliud offenderit, nomen invisum civitati fuit. « Nimiùm » Tarquinios regno assuesse; initium à Prisco factum; regnasse deinde Servium Tullium; ne inter» vallo quidem facto oblitum tanquam alieni regni » Superbum Tarquinium, velut hereditatem gentis » scelere ac vi repetîsse. Pulso Superbo, penès Col» latinum imperium esse. Nescire, Tarquinios priva» tos vivere; non placere nomen; periculosum liber» tati esse. » Hic primò sensim tentantium animos sermo per totam civitatem est datus; sollicitamque suspicioné plebem Brutus ad concionem vocat. Ibi omnium primùm jusjurandum populi recitat : « Ne» minem regnare passuros, nec esse Romæ unde

incorporation contribua à la concorde et attacha le peuple au

sénat.

[ocr errors]

II. On donna ensuite des soins à la religion; et comme il y avait des sacrifices solennels que les rois étaient en possession de célébrer en personne, pour empêcher que le besoin de rois ne se fît sentir en quoi que ce fût, on créa un roi des sacrifices, et on le subordonna au grand pontife, dans la crainte que la prééminence qu'on eût laissée au nom ne nuisît à la liberté, devenue alors le principal objet de la sollicitude publique. Je ne sais pas même s'il n'y eut pas de l'excès dans cette recherche de précautions minutieuses par lesquelles ils cherchèrent à la consolider de toutes parts; car ils prirent des alarmes sur le nom seul de l'un des consuls, qui d'ailleurs ne pouvait leur donner le moindre ombrage. « Cette famille, disait-on, était trop » accoutumée à la souveraineté ; l'ancien Tarquin avait donné le

[ocr errors]

premier exemple; son fils, malgré le long intervalle du règne » de Servius, n'avait pu se persuader que le trône pût appartenir » à d'autres qu'à lui; il s'en était ressaisi par la violence et par » le crime comme d'un patrimoine héréditaire; depuis son expulsion, Collatin était investi de l'autorité; les Tarquins ne se >> croyaient pas faits pour obéir : leur nom même, odieux aux » Romains, était dangereux pour la liberté.» Ces discours, insinués d'abord avec ménagement pour sonder les esprits, deviennent bientôt l'entretien de toute la ville Brutus voyant les soupçons qui agitaient le peuple, convoque une assemblée des citoyens. Avant tout, il fait lire le serment par lequel tous les Romains s'étaient engagés à ne plus souffrir dans Rome ni roi, ni rien de ce qui pouvait donner atteinte à la liberté. Il ajouta que ce bien précieux devait être gardé avec une extrême sollicitude, et que rien de ce qui le compromettait n'était à négliger;

« PoprzedniaDalej »