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ble et plus noble, parce qu'elle renferme plus de vérités, et des vérités plus importantes.

Parlez à ce laboureur, occupé à remuer la terre, des lois de l'attraction qui la naintiennent dans son orbite; inintelligibles pour lui, vos discours le laisserout indifférent sur les lois dont vous l'entretenez, et qu'il ignore. Il s'en faut de beaucoup, cependant, que ces lois en elles-mêmes soient indifférentes, puisque l'ordre de l'univers en dépeud; aussi ne sont-elles rien moius qu'indifférentes à l'astronome, qui en démontre l'existence, calcule par leur moyen les phénomènes célestes, et ne se lasse point d'en contempler la régularité admirable et la merveilleuse fécondité.

Ainsi le domaine de l'indifférence se rétrécit à mesure que l'intelligence se développe. Dieu n'est indifférent sur rien, parce qu'il connoît tout: la matière est indifférente à tout, parce qu'elle ne connoît rien. L'homme, placé entre ces deux extrêmes, est plus ou moins indifférent, selon qu'il ignore ou connoît plus ou moins, c'est-à-dire, selon qu'il se rapproche des êtres purement matériels, ou de l'Étre souverainement intelligent : d'où vient que le matérialisme conduit à l'indifférence spéculative, et par suite à l'abrutissement; tandis que la Religion, en élevant l'homme à Dieu, en le familiarisant avec les plus hautes pensées et les

doctrines les plus spirituelles, perfectionne à l'infini son intelligence (*), et ne lui permet d'être indifférent sur rien de ce qui l'intéresse essentielle

ment.

Et c'est ici qu'il est nécessaire de se rappeler notre dégradation primitive, et le perpétuel combat des sens contre l'esprit, qui en est la suite pour comprendre cominent la Religion, à raison même de la perfection qu'elle exige de nous, et de sa perfection propre, devient pour plusieurs un objet de haine, et ensuite d'indifférence. Comme tout en elle est vérité rigoureuse, il n'y a rien à ses yeux d'indifférent, ni dans le dogme, ni dans les mœurs, ni dans le culte. Elle ne peut donc laisser l'homme libre de croire et d'agir à son gré; elle le contraint de soumettre sa raison à la foi, ses penchans aux devoirs, son corps même aux pratiques qu'elle impose. Or, en s'assujettissant de la sorte l'homme tout entier, elle fatigue et désespère ses passions. Jarnais soumises, même lorsqu'elles obéissent, elles travaillent sans relâche à briser un joug qu'elles neportent qu'en murmurant. L'orgueil, père du mensonge, et éternel ennemi de l'autorité, suggère à l'esprit une foule de

(*) Il est clair qu'il s'agit uniquement de la vraie Religion. Les autres ne sont que des opinions, et, en ce qu'elles ont de faux, des opinions pernicieuses.

sophismes, d'autant plus séduisans qu'ils flattent les secrets désirs du cœur. On est bien près de cesser de reconnoître pour vrai, ce qu'on imagine avoir intérêt de trouver faux. Peu à peu les préjugés s'affermissent et s'étendent; l'exemple entraîne, et presque toujours dominé, quoi qu'on en ait, par le principe d'autorité qu'on attaque, chacun fonde sa conviction sur la feinte conviction d'autrui. Telle est, en abrégé, l'histoire de toutes les rebellions contre la vérité : on doute, parce que les autres doutent; on nie, parce qu'ils nient, et qu'il est commode de nier et de douter. Toutefois, au premier moment, on sent le besoin de remplir le vide des symboles qu'on rejette; on' veut croire encore, et nécessairement, car la foi est dans la nature de l'homme, et l'on ne s'avance que par degrés vers l'incrédulité absolue. Ainsi, l'on saisit avidement les apparences de vérité qui se présentent; on s'y attache avec une espèce d'ob stiuation violente, comme on se prend à des débris dans un naufrage, et l'aveugle persuasion de l'erreur produit le fanatisme de la conduite. Mais chaque erreur n'a qu'un temps, et même assez court; elles ne sauroient s'établir à demeure dans la raison humaine; elles y vivent, si j'ose ainsi parler, sous la tente: on passe donc forcément de l'une à l'autre, jusqu'à ce qu'on les ait épuisées toutes. Alors, plutôt que de revenir à la vérité

qu'on craint, l'on s'arme contre elle de l'igno

de la distraction et de l'oubli. Une volonté perverse la bannit sévèrement de l'intelligence: on la traite comme ces proscrits qu'on ne sauroit convaincre devant la loi, et qu'un tyran jaloux fait disparoître tout vivans de la société.

Quand un peuple arrive à cet état d'indifférence absolue pour la vérité, sa fin, n'en doutez pas, est prochaine. C'est le signe le moins équivoque de la décrépitude des nations. Dans leur apathique insouciance, elles ressemblent à un vieillard qui a perdu tous ses souvenirs : il n'y a plus à détruire en lui que quelques organes usés, dont les causes naturelles achèvent chaque jour la décomposition rebutante. Objet de pitié et de dégoût, même pour les petits enfans, qu'un noble instinct empêche de reconnoître l'homme là où ils n'aperçoivent plus la pensée, on le voit traîner stupidement un reste de vie matérielle, et, sans désirs comme sans regrets, s'enfoncer peu à peu dans la

mort.

Sans doute il dépendroit des gouvernemens de prévenir cette dissolution terrible, en protégeant contre les passions les doctrines vitales, source de la vigueur et de l'énergie qu'on remarque dans certaines sociétés. L'autorité peut tout, tout, soit pour le bien, soit pour le mal; car, en mal comme en bien, on n'agit sur les peuples que par l'autorité;

et l'autorité générale, lorsqu'elle demeure ce qu'elle doit être, prévaut toujours et nécessairement sur les autorités particulières qui tendroient à renverser l'ordre, ou par la violence ouverte, ou, plus dangereusement, par des opinions : et c'est même la raison de la durée perpétuelle de la société religieuse, dont l'autorité générale, en vertu d'un privilége divin, est à l'abri des erreurs et des foiblesses auxquelles l'autorité est sujette dans la société politique. Mais communément, loin de mettre un frein à la licence des pensées, lorsqu'il seroit temps encore d'en arrêter le progrès, les gouvernemens la favorisent, au moins par leur exemple. Ce sont eux qui, les premiers, cessent de croire, et l'irréligion part du pouvoir, ou d'autour du pouvoir, pour se répandre de proche en proche jusque daus les derniers rangs de la nation. Plus attaché à ses croyances, parce qu'il a moins de motifs de souhaiter qu'elles soient fausses, le peuple résiste long-temps à l'influence des classes. supérieures. Il défend, avec sa conscience, sa foi qu'on attaque avec de l'esprit, et entoure au fond de son cœur, d'une barrière sacrée, ses consolations et ses espérances. Mais quand une fois il a succombé, quand, à force de le corrompre, ou a changé ses intérêts, quand les vices les plus hideux sont devenus ses moeurs habituelles, sans que le remords trouble son sommeil, quand les peines et

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