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Le Ro retourne à

Versalles.

tout étoit changé. Le gouverneur savoit que le prince d'Orange étoit à la tête d'une grosse armée; que ceux qui vouloient obtenir la paix par des offres honteuses étoient morts; que l'inondation couvroit Amsterdam et La Haye; enfin que Brandebourg pour remerciement des places que le Roi lui avoit rendues de son duché de Clèves, comme Vezel, Burick, fort de la Lippe, Rès, Émérick et encore d'autres que les Hollandois lui retenoient, étoit déjà en marche pour la Hollande; tout cela donna du cœur à cette République. Ils ne parlèrent plus que de se défendre.

Le Roi voyant donc que, par les fautes que lui avoit fait faire M. de Louvois, il ne pouvoit plus demeurer avec honneur dans ce pays-là, prit le parti de s'en retourner, et laissa l'armée sous les ordres de M. de Turenne, mais il n'étoit plus

tems.

Ayant séjourné huit jours au camp de Bontel, il prit pour son escorte nos deux compagnies de mousquetaires, ses gendarmes, ses chevau-légers avec ses gardes du corps, et ce qu'il voulut amener à Versailles. On traversa les provinces qui appartenoient à l'Espagne. Le roi d'Espagne, voyant que le Roi, contre ce qu'il avoit promis par son manifeste, se mettoit sur le pied de conquérant, non seulement retenant les places, mais encore n'ayant pas voulu écouter les députés de Hollande qui lui apportoient la carte blanche, dès ce moment, Villahermosa eut ordre de se mettre en état de se déclarer. Ils nous laissèrent passer et repas

Les deux compa

gnies de Mousquetai

re.

ser sans rien dire je veux dire repasser nos deux compagnies de mousquetaires et quelques régimens de cavalerie et de dragons; car le Roi ne nous mena quejusqu'à Landrecy et nous renvoya à M. de Turenne qui fut obligé de s'opposer à l'Electeur de Brandebourg; mais, meilleur politique que M. de Louvois, voyant un si formidable voisin, il le ménagea.M. de Luxembourg avoit été chargé de faire tête au prince d'Orange, ce qui fit remplir les postes des troupes que le Roi avoit renvoyées de son escorte. J'étois un des plus près de ce Prince, puisque, depuis le fort où je commandois, je voyois les feux de l'armée du prince d'Orange.

M. de Luxembourg fit d'Utrecht sa place d'armes res continuent la guer- et fit la guerre tout l'hiver où il fit des choses si extraordinaires sur les glaces, que je n'ose presque me hasarder à les écrire, quoique j'en aie été témoin. Nos deux compagnies de mousquetaires ne quittèrent point M. de Turenne qui repoussa M. de Brandebourg jusque dans son pays que nous mangeâmes une partie de l'hiver, c'est-à-dire son pays de la Marke et ce qu'il a en Vestphalie, contrée où la guerre n'avoit pas été depuis bien longtems: aussi M. de Turenne, pour consoler les troupes d'une si longue marche dans un hiver aussi rude, disoit en passant à la tête des bataillons : « Mes « amis, je vais vous mener dans un pays où il n'y « a pas une vitre cassée. » Mais rien ne satisfaisoit tant les troupes que de voir faire, avec si peu de monde, des manoeuvres de guerre qu'il n'appartenoit qu'à M. de Turenne de faire pour la subsistance

M. de Turenne marche contre l'Empereur.

de ses troupes qui ne touchoient d'argent, il se séparoit, nos ennemis voulant et croyant en prendre davantage; à l'heure qu'ils y pensoient le moins, ils nous trouvoient rassemblés, comme par une espèce d'enchantement. Plût à Dieu que le Roi eût renvoyé son ministre, ou plutôt qu'il ne l'eût jamais amené; on auroit fait la plus glorieuse campagne qu'on eût jamais faite; on auroit châtié les Hol_ landois; on ne se seroit pas attiré toute l'Europe sur les bras, car l'Empereur ne tarda guères à se déclarer et à marcher effectivement.

M. de Turenne songea à faire tête à ce nouvel ennemi. Il nous conduisit dans le Vestreval par où nous devions nous en approcher. Etant parti de ses quartiers près de Cologne, dans le pays de Bergemont, qui appartient au Brandebourg, l'un des plus puissans princes d'Allemagne, et les ayant rassemblés, M. de Turenne nous fit partir un soir, et s'étant mis à la tête de notre compagnie de mousquetaires, qui se trouva la première troupe de son armée, les gardes du corps, les gendarmes, les chevau-légers étant retournés à Versailles avec le Roi. Je me souviens qu'il y eat un officier général, je crois que ce fut M. le comte de Roye, son neveu, l'un des meilleurs lieutenants généraux qu'il eût dans son armée, et le meilleur seigneur que j'aic jamais connu; M. de Turenne lui dit : « Vous ne « mettez personne devant vous ? Alors, il dit à M. de la Rivière qui commandoit en l'absence de M. d'Humières qui étoit interdit pour vouloir comme MM. de Crèqui et de Bellefond-Rolerance,

l'emporter sur M. de Turenne que le Roi avoit fait Maréchal-général : « Commandez, dit-il, trente « mousquetaires du Roi. » Ce détachement étant fait, nous n'eûmes pas marché dans la montagne trois quarts de lieue, que le comte de Dono, avec un détachement de troupes impériales venant aux nouvelles, se rencontra avec notre détachement, et comme l'on vint au Qui vive? ce seigneur dit : « Vive l'empereur. » Un de nos mousquetaires, nommé Reneusale, gentilhomme de Picardie, lui tira un coup de pistolet, en lui disant : « Voilà pour l'empereur. Ce seigneur mourut du coup une demi-heure après.

Il arriva que pendant que M. de Turenne consoloit ce seigneur, qui étoit son parent, et qui juroit comme un charretier embourbé.qu'on l'assassinoit, ou qu'on l'avoit assassinė (je ne me souviens pas bien duquel), c'étoit un coquin de gendarmes écossais, comme on ne voyoit pas encore bien clair, qui s'étoit fourré parmi nous, et qui, lui ayant remarqué un beau diamant dans un doigt, ne le lui pouvant arracher, lui coupa le doigt: il fut fort re gretté de M. de Turenne et de tous nous autres.

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La rigueur de la saison où nous étions (au mois de janvier), arrèta tous les évènemens, et toutes les troupes se retirèrent de part et d'autre. Nous secourûmes Charleroy, car M. le prince d'Orange, ayant repris Harden, et ayant mis toutes choses en état du côté de la Hollande, s'apercevant que M. de Montale, gouverneur de Charleroy, n'y étoit pas, forma le dessein de la prendre avant qu'elle put

être secourue. La garnison, au reste, étoit très petite. M. le prince d'Orange l'investit; ce que M. Demontale ayant appris, il prit trente reîtres bien as surés et se jeta dans la place, ce qui ne lui fut pas difficile, n'y ayant point de ligne de circonvallation et encore moins de contrevallation; et comme M.de Turenne en fut particulièrement averti, il détacha du camp de Berne-Castel (où M. le Prince nous étoit venu joindre avec M. le Duc après la guérison de sa blessure) M. Delanson, lieutenant des gardes du corps et brigadier avec la maison du Roi, pour ce secours; mais le prince d'Orange ne nous attendit pas. Ainsi on alla chercher du repos après une si longue campagne, pour se préparer au siège de Meistricht.

SITUATION DES PUISSANCES VOISINES Pendant la Guerre de la Hollande

Il ne seroit peut-être pas hors de propos de dire un mot de la situation où étoient les puissances. voisines, lorsque nous partîmes avec ces armées formidables, au mois de mai 1672, et après que le Roi eût fait publier un manifeste qui ne tendoit qu'à châtier les insolens.

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