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On voyoit cependant que la nuée alloit crever sur la Hollande sans qu'aucune puissance osât dire mot: ces ingrats ne se souvenoient plus du secours que le Roi leur avoit donné en 1664, contre l'Evêque de Munster, qui les maltraitoit cruellement, et à qui on fit faire la paix aussitôt que M. de Pradel eut conduit les troupes du Roi à leur secours, non plus que de ceux de nos Rois qui, par leur assistance d'hommes et d'argent, ont seuls contribué à leur liberté. Enfin, l'heure étant venue qu'ils devoient être châtiés (en 1672) et que le Roi avoit assuré dans toutes les Cours que ce n'étoit que pour cela, M. de Louvois en fit manquer l'occasion au Roi, très mal à propos, pour le bien et l'honneur de toute la France.

Trois grosses armées partirent en même tems, les vivres, l'argent, le canon et toutes les choses nécessaires pour une grande expédition. Celle du Roi, commandée par M. de Turenne, celle de M. le Prince, commandée par lui-même, et la plus petite qui étoit la troisième, par M. le comte de Choiseuil, destinée pour aller joindre M. l'Evêque de Munster.

On oublia pas M. de Vauban, lui qui a sauvé tant de gens à tant de sièges par son savoir faire. Il semble qu'il soit né des gens uniques dans toutes les professions pour rendre le règne du Roi glorieux. Si M. de Louvois s'étoit renfermé aux seuls détails de la guerre, il eut été de ces hommes uniques dont nous parlons, mais il a voulu conduire les armées et les faire agir: ce n'étoit pas son fait.

de au diné du Roi.

soi.

M. le Prince prit sur la droite de la Meuse, l'armée du Roi sur la gauche, et M. de Choiseuil avoit pris les devants par Limbourg, pour se joindre à l'Evêque de Munster. Lorsque le Roi fut dans le pays de Juliers, M. le duc de Nembourg, souverain de ce Duché, vint saluer Sa Majesté. Il étoit campé, je veux dire ses magnifiques tentes étoient tendues tout du long d'une grande allée des plus beaux et des plus hauts peupliers qu'on puisse voir nulle part. Il dîna avec le Roi, et j'étois un des officiers de garde, ce jour-là, chez le Roi. Ce prince, M.d'Aligny de gar- en admirant sa personne et sa puissance, dit à Sa Majesté « Vous m'avez fait rendre à la paix des << Pirennées ce Duché par les Espagnols à quoi je << ne m'attendois pas n'ayant pas seulement pensé « à y envoyer personne; permettez que je l'offre «< comme tous les autres Etats, de bon cœur, et « par reconnaissance, à Votre Majesté ». Comme il avoit amené les principaux seigneurs et les deux princes ses fils avec lui, ils furent tous régalés à la Royale, et jamais, en ma vie, je n'ai vu tant de trompettes, de tambours et de hautbois qui jouoient les uns après les autres avec douze violons. Après cela, je me souviens et l'entendis, lorsqu'il demanda au Roi de combien de gens ses armées étoient composées, à quoi le Roi répondit : « Monsieur, « je paie actuellement deux cent cinquante mille << hommes, sans comprendre la marine, les garni<< sons, les vivres et l'artillerie ».

Le Roi prend Or

Nous voilà en deux jours devant Orsoy qui fut la première place attaquée par le Roi et prise en trois

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jours de tranchée ouverte. M. de Turenne, qui étoit de l'armée du Roi, s'étoit avancé à Hurich et à Kimberg. Il prit cette dernière place qui tint plus longtems que Hurich. Nous y arrivâmes avant sa prise; cependant M. le Prince assiégeoit Vezel, place des plus considérables, et le fort de la Lippe qu'il prit aussi et M. le comte de Choiseuil qui avoit joint M. l'Evêque de Munster assiégèrent Gral et Louum qu'ils prirent aussi sans grande.

résistance.

La bravoure des Hollandois ne répondit guère aux bravades de Vaubuning. Toutes ces places. prises en si peu de tems auroient autrefois soutenu des sièges de trois à quatre mois.

Après la conquête de ces places, qui nous coûtèrent si peu, le Roi forma un dessein digne de lui c'étoit d'entrer dans le Bétant, le meilleur pays et le cœur de la Hollande, pendant que M. le Prince, suivant le Rhin, alla prendre Rès et Emėrick, et pendant que Monsieur iroit sur l'Issel qui est l'ancienne fosse de Brutus, prendre Dresbourg et Zut-Phen, pour entrer dans la Velune; et pendant que Monsieur prendroit ces deux places, l'Evêque de Munster avec M. de Choiseuil prendroit Deventer et Cunol, toutes places considérables sur l'Issel.

Tout cela fut pris en très peu de tems, et voilà. par ces prises l'Issel passé, dont nos ennemis se vantoient de nous avoir fait une barrière; ce qui les mit encore plus au désespoir, ce fut lorsqu'ils virent le Roi passer le Rhin sous le fort de Tolhus,

Les Mousquetaires passent le Rhin en escadron.

passage qui a fait un des plus beaux jours de la vie du Roi. M. le comte de Guiche, un des plus accomplis seigneurs de la Cour, étoit un des lieutenants-généraux de notre armée. Il n'avoit que de grands desseins en tête. Ceux qui ont parlé de lui n'ont pas encore assez loué sa valeur. C'est lui qui sondat le Guet, et à ce guet, il falloit nager plus de 300 pas. Mais je dirai en peu de mots que M. le Prince nous ayant joint avec son armée dont M. le comte de Guiche étoit un des lieutenants-généraux, ce prince tout plein de feu, ne manqua pas d'avertir le Roi de ce Guet, et aussitôt le passage fut résolu, quoique Monbas, l'un des lieutenans - généraux des Hollandois, fut de l'autre côté,avec des troupes considérables tant de cavalerie que d'infanterie.

L'ordre étant donné aux troupes pour passer, il se noya du régiment de Bligny, qui étoit de la brigade des cuirassiers, plusieurs cavaliers qui n'étoient pas si bien montés que nos deux compagnies de mousquetaires ni que les cuirassiers. Il y eut une chose digne de remarque à ce passage, à l'honneur de la première compagnie dont j'étois, c'est qu'elle passa en escadron, comme font les Tartares, quand ils passent la Boristêne. Aussi nous ne perdîmes qu'un seul mousquetaire arrivé de la veille et dont le cheval étoit fatigué; il étoit provençal; les troupes qui perdirent le plus furent celles qui passèrent à la file. Nous eûmes encore un de nos mousquetaires qui fut brûlé par les poudres que les ennemis abandonnèrent à l'autre bord, où quelqu'un mit le feu.

Le Roi, voyant passer ses troupes si gaiement, et comme si elles n'eussent passé qu'un petit ruisseau, voyant les ennemis sur l'autre bord pour nous recevoir, tous mouillés que nous étions, fit venir deux petites pièces de canon qui firent un grand bien et favorisèrent merveilleusement notre passage. M. le Prince, impatient d'être déjà à l'autre bord, passa dans un petit batteau avec M. le Duc et M. de Saint-Paul, son neveu; pour M. le comte de Guiche, il passa à la nage à la tête de ses troupes.

Les ennemis firent bonne contenance jusqu'à se mettre dans ce fleuve jusqu'au poitral de leurs cheveaux, mais cela ne dura pas longtems, puisqu'ils nous laissèrent aborder sans nous tuer plus de 20 ou 30 cavaliers, entre lesquels fut M. le comte de Nogent. MM. de Vivonne et de La Salle furent blessés.

La cavalerie des ennemis s'étant retirée derrière des clos et des jardins où étoit leur infanterie, M. le Prince, avec ceux qui étoient passés avec lui, prit les premières troupes qu'il rencontra et cria armes à bas, M. le comte de Saint-Paul, qui étoit près de lui, commença, en tirant son pistolet, à crier Point de quartier ». Ce cri d'un jeune homme lui coûta la vie, et une blessure à M. le Prince qui apporta grand dommage aux affaires du Roi.

Cette infanterie qui ne pouvoit se retirer, voyant qu'on ne vouloit point lui donner de quartier, fit sa décharge dont le comte de Saint-Paul fut tué,

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