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fusa, de sorte que M. le duc de Savoye, pour éviter toute brouillerie, avala ce calice tout amer qu'il étoit.

Presqu'en même tems, ce ministre causa une révolte en Vivarais. Non seulement il avoit les postes, mais encore il obtint qu'il seroit le maître de tous les chevaux de louage pour en tirer un tribut considérable; car celui qui avoit ces chevaux étoit, par son crédit, exempt de tailles et autres charges. Dans le Vivarais et les Cévennes, ce sont gens fort remuans, et comme les charettes ne peuvent aller dans leurs montagnes, et qu'on ne s'y sert que de mulets ou de chevaux de bât, M. de Louvois porta un grand préjudice à leur commerce. Dès qu'ils s'en apperçurent, ils se soulevèrent, cassèrent ses bureaux, chassèrent ses Receveurs, pillèrent (après s'être attroupés sous un nommé Roure) plusieurs châteaux, assiégèrent celui d'Aubenas où nous avions des Suisses quand nous allâmes dans cette province (qui étoit celle de M. de Louvois) pour y faire la guerre. D'abord nous secourûmes ce château, après avoir battu Roure à la Ville-Dieu.

Ce malheureux général, qui n'avoit presque que de l'infanterie, l'alla porter dans la seule plaine qui est parmi les rochers, et comme nous n'avions presque que de la cavalerie, je vous laisse à penser comment ces révoltés passèrent leur tems? On en tua tant qu'on voulut. Roure se sauvant en Espagne, fut arrêté près de Bayonne, ramené et roué comme plusieurs autres. Il y avoit un château

où il y avoit une bonne tour; il étoit gardé par une centaine d'hommes de leurs meilleures troupes; ce château s'appeloit Montréal; c'étoit où ils avoient retiré tout ce qu'ils avoient pillé partout, et surtout à la grande foire de Boquaire qu'ils avoient dévalisée.

Notre général qui était M. Le Breton, soldat de fortune, mais homme brave et très entendu, créature de M. de Louvois, voulant avoir ce château de Montréal, me donna deux détachemens de deux compagnies de mousquetaires et la compaInvestir le cha gaie de M. de Verneuil, gouverneur de Langue

teau de Montreal,

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doc, pour l'aller investir; je fus assez heureux, après avoir reconnu que la Tour n'avoit pas de défense, pour m'en approcher de fort près sans rien risquer ceux qui étoient dedans furent si étonnés qu'ils se rendirent, ce qui fit plaisir à ce général, lequel, après en avoir fait beaucoup pendre, et surtout les plus apparens d'Aubenas, leva ses troupes, et pour lors je m'en revins à Paris avec la compagnie des mousquetaires.

rapporte un sif Le Roi sut par M. d'Artagnon ce qui m'étoit. arrivé dont il me sut grė; n'ayant pas voulu profiter de la moindre chose de ce qui se trouva dans ce château, un des mousquetaires du Roi de la 1 compagnie dont j'étois, après avoir, comme tous ceux du détachement, fait leurs affaires du mieux qu'il leur fut possible, voyant que je n'avois pas voulu seulement entrer au château, étant demeuré pour bien faire garder mes prisonniers, en attendant M. Le Breton, ce mousquetaire vint

à moi et me dit le plus gentiment du monde : mon officier, puisque vous ne voulez profiter de rien, il faut cependant que vous ayez quelque chose, c'étoit un sifflet qu'il me donna. Voilà tout ce que j'eus de ce château où il y avoit bien à prendre.

Au retour de cette expédition, le Pape invita le Roi d'envoyer un secours en Candie qui étoit fort pressé; le Ture avoit déjà pris aux Vénitiens le royaume de Chipre, et comme celui de Candie qui s'en alloit perdu approchoit encore le Turc plus près de la chrétienneté, le Pape offroit en même tems un secours considérable pour joindre à celui que le Roi enverroit; mais comme Sa Majesté ne vouloit pas se brouiller avec le Turc qui avoit bien maltraité notre ambassadeur, à cause du secours qu'il avoit donné à l'Empereur, il fut convenu que le secours seroit commandé par le neveu du Pape et que le nom français n'y paraîtroit pas.

Le Roi donc, sous les ordres de M. de Noailles, fit préparer les vaisseaux qui seroient commandés par M. le duc de Beaufort, notre amiral. Le secours fut composé des meilleures troupes du Roi, deux détachemens de 200 hommes des deux compagnies des mousquetaires et l'autre par M. de Momberon, tous deux bons officiers et très braves. Les deux maréchaux de camp furent M. de Choiseuil et M. de Colbert, l'un et l'autre dignes de cet emploi. Il y eut aussi, parmi les autres troupes, six compagnies du régiment des gardes qui furent cause, par une terreur panique, que la sortie qui avoit si bien réussi d'abord, fut à la fin très malheureuse.

Le duc de Beaufort qui avoit voulu être de la fête, quoiqu'il dût demeurer sur les vaisseaux, y périt, on n'a jamais su comment. Je ne fus point de ce. voyage, n'étant point en tour de marcher, et bien m'en prit, car plus de la moitié de mes camarades y demeura.

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Les six compagnies du régiment des Gardes. contribuèrent à cette déroute. Morosini, gouverneur de Candie, y eut bien sa part; il avoit promis cinq cents hommes pour la sortie et des travailleurs ; il n'en donna pas un. Quand M. le duc de Noailles vit cette conduite, il ne douta pas que cet Italien n'eut envie de faire périr ce beau détachement, outre qu'il avait sa capitulation presque faite. Après 40 jours que nos troupes et principalement les mousquetaires eurent fait des actions. d'une extrême valeur, dans une place toute ouverte, on se rembarqua pour venir en France, où ce fourbe Italien manda au Roi mille impostures qui firent que M. de Noailles fut disgracié.

Pendant que toutes ces choses se passoient, le Roi ne perdoit pas un moment à faire achever les fortifications de toutes les places qui lui étoient restées en Flandre; il fit faire avec des dépenses immenses, des citadelles à Lille, à Tournay, à Arras; il faisoit faire à touts moments des revues et l'exercice à ses troupes. M. Demartinet avoit mis une telle discipline dans l'infanterie qu'un soldat n'auroit osé sortir de son rang, crainte d'ètre chàtié, et les officiers même. Toutes ces dépenses. n'empêchoient pas qu'on ne fît de bons magasins

de toutes choses: le Roi ayant fait faire du canon à Douai, toute l'Europe étoit en attente de ce qui devoit arriver.

Il y avoit à Paris un Josué Vaubuning, ambassadeur de Hollande, homme vain et insolent. Il appeloit le Roi, le Roi des revues, et comme les Hollandois avoient travaillé à la paix de l'Espagne et arrêté le cours des prospérités du Roi, cet insolent fit battre une médaille où, dans les revers, on voyoit un Josué qui faisoit arrêter le soleil, qui est la devise du Roi. Le Roi fut entièrement piqué de cette impertinence. Les Hollandois voyant que la foudre, suivant les apparences, alloit tomber sur eux, révoquérent cet ambassadeur et envoyèrent Grotius faire des excuses, mais il n'étoit plus tems, et celui de leur perte étoit arrêté par les mauvais conseils de M. de Louvois qu'il a toujours donnés et que le Roi a toujours suivis préférablement à ceux de M. le Prince et de M. de Turenne.

Le Roi résolut donc de se venger de l'insolence des Hollandois, sans avoir aucun égard aux satisfactions de M. Grotius, homme sage et fort estimé dans la République d'ailleurs, se voyant dans un état où jamais Roi de France ne s'étoit trouvé, glorieux de tant de succès, voyant sous son règne les arts et les sciences montés à leur dernière perfection; pour la guerre, les plus excellens généraux; dans les sciences, des savans du premier ordre; des orateurs, des poètes, des peintres qui surpassoient même les idées; et lui honoré, respecté et craint de toutes parts.

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