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mais l'estat des mes affaires ne me l'a pas permis, et je proteste que si la raison d'Estat ne m'eust rendu impossible ce désir, je n'aurois jamais souffert que d'autres que moy mesme eussent commandé mes armées. Mais j'ay tout sacrifié au bien de mon Estat, iusqu'à mon ambition, et iusqu'à mon inclination mesme, car je suis persuadée qu'il faut en user ainsy. Enfin, après ce que l'on veut de moy, si l'on se donne la peine d'examiner tout le cours de ma vie, mon humeur et mon temperament, il me semble qu'on pourroit me faire la grâce de conter mon sexe pour rien.

« Pour le second point du mariage, j'advoue qu'il m'embarrasse furieusement, car, considérant mon humeur et mon aage, je vois qu'il n'y a pas de remède. Pour mon humeur, il est ennemy mortel de cet horrible ioug, auquel je ne consentirois pas pour l'empire du monde; Dieu m'ayant fait naistre libre, je ne sçau rois pas me résoudre à me donner un maistre, et puisque je suis née pour commander, le moyen que je puisse me résoudre à obéir ny à me donner à cet esclavage, qui seroit le plus insupportable pour moy, que mon imagination pût concevoir; mais quand je pourrois vaincre mon aversion je me trouve en un aage où je passerois pour ridicule d'y vouloir penser, et je me rendrois inutilement malheureuse, puisque apparamment à l'aåge où je suis on ne peut espérer des enfants; mais le royaume de Pologne estant électif, il me semble qu'on pourroit les disposer à penser moins à l'advenir et plus au present. Ils ont besoin d'un roy qui puisse les gouverner bien quelques années, je ne sçay pas si je leur seray propre pour cet effet, ny si je seray vivante dans une heure d'icy; mais encore sans faire un grand effort sur la nature, je puis vivre une vingtaine d'années, plus ou moins, comme il plaira à Dieu d'en disposer. En dépositant donc leur couronne et sceptre entre mes mains, ils pourroient gaigner et profiter du temps pour choisir après ma mort une autre famille qui pourra leur fournir une race pour en faire leurs roys; et c'est ce qui ne peut leur manquer. Et ils auront tout loisir de se choisir une autre famille, dans un temps moins périlleux et orageux que le présent; ils pourroient me laisser ma liberté pour conserver plus longtemps la leur. Puisqu'il est de leur intérest que je demeure comme je suis, car n'ayant poiut d'enfants, mon seul et unique intérest sera la gloire de me rendre par des grandes et héroïques actions digne de leur choix.

« Si tout ce raisonnement ne pourra vaincre l'obstacle du mariage, le Nonce pourra se servir d'une ruse taschant de leur faire espérer qu'après que l'élection sera tombée sur ma personne, les persuasions de Sa Sainteté et leurs prières me feront résoudre au mariage. Pour cet effet, il faut leur faire accroire que je suis plus jeune que je ne suis effectivement pour leur rendre la chose plus apparente et plus croyable; quoique je doute qu'on le leur puisse persuader, car le temps de ma naissance est trop connu: mais mon opinion est que cela ne me fera pas obstacle, et qu'on ne se souciera pas si je me maric ou non.

a Voilà à peu près les raisons que je crois pouvoir servir à vaincre les obstacles qui m'ont esté opposés.

«Il y a un troisième obstacle que j'oppose à moy mesme, et c'est l'ignorance de la langue polonoise; cet obstacle me semble si grand qu'il me fait horreur, et je tremble quand j'y pense, car le moyen de gouverner un peuple à qui on ne sçauroit parler? comment entendray je les ordres qu'il faudra donner? comment signeray-je les despeches et les ordres sans les lire ny les entendre ? Mais le prince de Condé, ny le duc de Neubourg, nt le prince de Lorraine n'en sçavent pas plus que moi, et je feray ce qu'ils ne pourront pas faire : c'est que je tacheray de l'apprendre en peu de temps. J'advoue pourtant que cette seule difficulté me feroit trembler pour moy si l'affaire pouvoit réussir. »

Au folio 206, on lit l'importante lettre qui suit, adressée à Bayle, au sujet de la fameuse lettre sur l'édit de Nantes, reproduite par lui dans son journal comme étant de Christine.

La pièce qu'on va lire prouve qu'il ne s'était pas trompé :

Rome le 14 décembre 1686.

» M. Bayle. J'ay reçu vos excuses, et j'ay bien voulu vous tesmoigner par la présente que j'en suis satisfaite. Je sçay bon gré au zèle de celuy qui vous a donné occasion de m'escrire, car je suis ravie de vous connoistre. Vous tesmoignés tant de respect et d'affection pour moy, que je vous pardonne de bon cœur, et scachez que rien ne m'avoit chocquée, que ce reste de protestantisme dont vous m'accusiez. C'est sur ce sujet que j'ai beaucoup de délicatesse, parce qu'on ne peut m'en soupçonner sans offenser ma gloire et m'outrager sensiblement, mesme vous feriez bien d'instruire le public de vostre erreur et de vostre repentir; c'est ce qui vous reste à faire pour mériter que je sois entiè– rement satisfaite de vous. Pour la lettre que vous m'avez envoyée, elle est de moy sans doulte, et puisque vous dites qu'elle est imprimée, vous me ferez plaisir de m'en envoyer des exemplaires. Comme je ne crains rien en France, je ne crains aussi rien à Rome; mon bien, mon sang et ma vie mesme sont dévoués au service de l'Église; mais je ne flatte personne et je ne diray jamais que la vérité. Je suis obligée à ceux qui ont voulu publier ma lettre, car je ne déguise pas mes sentiments; ils sont, grâce à Dieu, trop nobles et trop dignes pour estre désavoüés. Toutefois il n'est pas vray que cette lettre est escrite a aucun de mes ministres; comme j'ai des envieux et des ennemis, j'ay aussi des amis et des serviteurs partout, et j'en ay peut estre en France (ajouté de la main de la reine, jusqu'à la cour autant qu'en lieu du monde). Voilà la pure vérité; c'est sur quoy vous pouvez vous régler. Mais vous ne serez pas quitte à si bon marché que vous le croyez ; je veux vous imposer une pénitence, qui est, qu'à l'avenir vous prenniez le soin de m'envoyer des livres de tout ce qu'il y aura de curieux en latin et en françois, espagnol ou italien et en quelque matière et science que ce soit, pourvu qu'ils soyent dignes d'estre veus. Je n'excepte pas mesmes les romans ny les satyres, et surtout s'il y a des ouvrages de chimie, je vous prie de m'en faire part au plus tost; n'oubliez pas aussi de

m'envoyer vostre journal. Je fourniray à la dépense que vous ferez, il suffit que vous m'en envoyez le compte. Ce sera me rendre le plus agréable et important service que je puisse recevoir, Dieu vous prospère.

>> CHRISTINE-ALEXANDRE. »

Du folio 214 au folio 219, la reine écrit de Rome en juillet, août, septembre 1674, les lettres les plus dures à l'un de ses agents, nommé Vassano. En voici un exemple tiré des folios 217 et 218:

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» Vous devriez mourir de honte si vous étiez capable de considérer les lettres que vous m'escrivez; mais je voy clairement que vous estes incapable de connoistre vos fautes et de les corriger, et il faut nécessairement que vous soyez lassé d'une fortune dont vous vous rendez si indigne. Est-ce que vous vous fiez de ce que je vous ay déclaré mon parent du costé gauche? Misérable, vous vous trompez fort; scachez que les roys n'ont point de sang, et que je suis assez libérale du mien pour me le tirer avec grande facilité, quand je suis persuadée qu'il est mauvais; c'est pourquoy pensez à vous, et changez de procédure, si vous n'estes résolu de vous perdre entièrement. Theixeiral vous a escrit une lettre que Salomon ne pouvoit vous l'escrire avec plus de sagesse ny de prudence; je n'ai rien à y adiouster sinon que vous fassiez tout ce qu'il vous ordonne et que vous ne fassiez rien, sinon de concert avec luy. Quand Theixeira sera content, je la seray aussy, car je ne pense pas qu'il le soit sans estre payé; enfin faites payer Kurque, Renstierna, Appolman et touts les autres généralement sans délay ny excuses, si vous ne voulez encourir ma dernière indignation, ou vous perdre pour iamais; au reste suivez les ordres de Theixeira comme les miens propres, car la longue expérience que j'ay de sa grande capacité, de son zèle et fidélité envers moy me donne une entière confiance en luy, et gardez vous bien de rien faire sans son approbation ; surtout scachez que si vous faites le voyage de Gotland pour faire vostre cour, vous n'avez plus qu'à vous noyer dans ce voyage, car ce seroit pour vous une grande fortune que de n'en retourner iamais. Vostre première lettre de Stockholm me faisoit espérer que la seconde seroit pleine d'informations, des nouvelles, etc. Je reçoy la seconde qui est encore plus fade que la première. Me voilà ioliment informée et bien servie à la vérité! Et dans toutes vos lettres il n'y a pas un grain de sens commun; je ne sçaurois vous excuser sinon en me figurant que vous avez perdu l'esprit depuis que vous m'avez quittée. J'attends avec horreur vos lettres, et je me veux du mal à moy mesme de toutes les grâces que je vous ay fait; mais surtout je ne me pardonneray iamais la lourde faute que j'ay faite de vous avoir cru capable de rien. Cependant je suis encore assez sotte pour vous escrire tant des lettres sur l'espérance de vous éveiller de vostre léthargie, et de vous faire changer de méthode; mais comment faire? J'y suis pour mon malheur et je fais une assez rude pénitence de ma faute. Je me suis, iusques icy, picquée de connoistre les hommes et de ne me tromper jamais dans mon choix; mais vous m'avez désabuséc de celte vanité

et j'en suis Dieu mercy guérie, car je me suis si lourdement trompée en vous, que j'en aurai honte toute ma vie. Vous n'estes pas fils du roy Vladislaus ; il faut de nécessité que vous le soyez du roy Casimir; vous estes son vivant image, et vous estes pour le moins aussi beste que luy. Adieu. »

Dans une autre lettre, la reine dit encore:

« Vostre stupidité qui seule remplit vos lettres m'est insupportable, elle est sans exemple, et je n'aurois iamais creu un homme de bon sens capable d'une semblable. Vous ne répondez pas à mes lettres, vous ne vous excusez pas, vous ne me donnez aucune nouvelle, vous ne me rendez pas compte de ce que vous ont dit les Ministres, le Grand-Chancelier, les Ambassadeurs et autres, qui sont à la cour; vous ne dites pas comme vous avez esté reçu, traité de toutes ces gens là; vous ne me dites rien de ce qui se passe entre Kurque et vous; vous ne me parlez que fort succintement de Renstierna, et vos lettres ne sont remplies que des grandes protestations de faire vostre devoir, et c'est le faire admirablement, que de vous canoniser par vos lettres, pour le plus stupide et le plus sot homme du monde; voilà où nous en sommes. Adieu. »

Le pauvre Vassano, en recevant ces missives, voulait se tuer, du moins il en parla. La reine alors lui écrivit :

« Vous aurez veu par mes précédentes que je suis assez satisfaite de vous, et que ma colère est entièrement calmée, puisque vous avez fait en partie vostre devoir. Continuez à satisfaire Theixeira de la manière dont vous avez fait iusques icy et ne soyez pas si sot que de vous poignarder. Vivez pour me servir et m'obéir, et rendez moi un compte exact de tout. Adieu. CH. ALEX. » Le dixième volume intitulé: Lettere a diversi, s'ouvre par des lettres écrites à M. Nerli, nonce apostolique à Vienne, et à quelques autres personnages ecclésiastiques. La plupart ont comme toujours des annotations de la main de la reine. Aucune d'elles ne m'a paru comporter assez d'intérêt pour une citation jusqu'à la suivante, folio 185, écrite au roi de France, le 1er novembre 1661, de Hambourg:

« Monsieur mon frère, s'il s'agissoit de quelque moindre intérest que celuy de la gloire de Dieu et du service de son Église, je me contenterois de remercier Vostre Majesté de la bonté que vous avez eue de me favoriser de vos lettres de faveur que je vous avois demandées pour le roy de Danemarck et pour cette ville; mais puisqu'il s'agit d'une affaire de telle importance, je m'asseure que V. M. recevera agréablement, non-seulement mes remerciements que le comte Gualdo à ordre de luy rendre de ma part, mais aussi que vous suffrirez qu'il vous suggère ce que je juge nécessaire pour obtenir à V. M. la gloire de stabilir la liberté de l'exercice de nostre sainte religion en ces quartiers. V. M. se sert envers moy de termes obligeants qu'elle me remercie de ce que j'ai voulu partager avec elle cette gloire, mais vous me permetterez de vous dire que c'est à vous mesmes que sera toute la gloire et le mérite du

succez, puisqu'il est certain que je n'aurois que la part que V. M. me donné en permettant que vos lettres passent par mes mains, et que je adiouste mes intercessions à vostre authorité, etc. »>

Au folio 232, on trouve adressé sans doute aux Cardinaux la note suivante, datée de Rome, 8 avril 1683, bien que dans le brouillon de la main de la reine il y ait au bas: Ricopiate mi senza data alcuna:

« La regina non dice ne fà mai niente a caso, ne rende conto ad altri che a Dio delle attioni et delle parole sue. Ha operato, e parlato sempre da par sua, o che ció piaccia o dispiaccia á quelli serenissimi Cardinali confederati, alli quali conviene di ricordare che si come non si puó pretendere dal leone di non rugire, così s'inganna chi spera che muti mai la M. S. il suo linguaggio. »

107, le

113, la

Enfin, à dater du folio 257 jusqu'à la fin du volume (folio 261), se trouve la clef des chiffres, des signes de convention et des noms supposés, employés dans les lettres de la reine. Cette clef est extrêmement curieuse; en voici quelques détails: - Après les lettres de l'alphabet, qui se traduisent par les chiffres suivants: A — 10, B — 18, C-21, etc., on trouve les chiffres qui représentent les pronoms: Au 114, etc.; puis viennent les noms de convention qui peuvent être aussi remplacés par des chiffres. Ainsi la reine est indifféremment la palme, l'étoile ou le chiffre 151; le roi de France, la fleur, le balcon ou le chiffre 154; l'Empereur est le pommier, 155; le Grand-Turc, l'aigle, le terrible ou 156;-- la reine de Suède, la tourterelle ou 157; - la reine-mère de Suède, la morene ou 158. On ne peut s'empêcher de reconnaître que cette clef a été combinée avec une certaine malice. Ainsi l'Angleterre est le tonnerre; la Moscovie, le taureau; le parlement, le torrent; l'alliance, le gluau; le mariage, la nasse; les favoris, l'espine, etc.

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Le tome onzième est intitulé: Miscellanea politica; il s'ouvre par un extrait d'environ 16 pages, dont voici le titre : Alcuni fogli che dimostrano il gran zelo della regina Christina di gloria, memorabili per la santa fede, qual fosse il suo desiderio di propagarla, e con che generosità d'animo soccorreva chi l'abbrac

ciava.

a

Suit la lettre qu'elle écrivit à Davidson, son sécrétaire, qu'elle avait envoyé en Suède : « Je vous crois si peu propre d'être martyr, etc. Cette lettre est suivie de l'addition que voici Ricevuta che ebbe dito segretario la dita lettera, ben presto se ne ritornó ́in Roma ove continuando nel servitio di S. M. un giorno, che alquanto indisposto, ma senza alcuna apprensione della morte vicina, faceva il solito rapporto delle lettere, si vidde in risposta un riscritto, che l'essortava a prepararsi da dovero al tremendo passagio in termini come segue:- Ne vous flattez pas; vous estes plus mal que vous ne pensés. Songez au salut de vostre âme et disposez vous à la mort, car quand même vous pourriés guérir, cela ne vous fera que du bien.-Et per verificarne l'avviso, il medesimo in pochi giorni mori. >>

Voici un autre trait qui se trouve folio 2, verso, et qui n'est pas moins cu

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