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Deux recueils importants consultés par Conon d'Estavayer, un cartulaire • quidam liber episcopi Lausannensis» et l'ancien calendrier de l'église de Lausanne furent détruits dans le terrible incendie de 1235.

Le Polyptique occupe la plus grande partie du Cartulaire. Il renferme des renseignements nombreux sur l'état des mœurs, sur la condition des personnes et des terres, sur le développement du système féodal, etc. « L'analyse détaillée et approfondie des données que le Cartulaire peut former à cet égard, dit M. de Gingino dans la préface, que nous suivons dans ce rapport, devra former l'objet d'un travail spécial et plus étendu pour lequel les prolégomènes du polyptique d'Arminon et du cartulaire de Saint-Pierre de Chartres, publié par M. Guérard, de l'Institut, présentent le plus savant et le plus excellent modèle. » Les formes, usages et prestations mentionnés dans le Cartulaire remontent à trois époques distinctes, au régime carlovingien, au système féodal, et à une période intermédiaire pendant laquelle s'opère la transition du premier au second régime. Tous les fiefs et domaines appartenant à l'église de Lausanne étaient situés, en majeure partie, dans le diocèse de ce nom; cependant elle avait encore quelques possessions dans les évêchés de Genève et de Constance, de même que dans la BourgogneEduenne (Marcenay, près Dijon), et en Alsace (Oucheim). L'inventaire des biens du chapitre (1) est suivi d'un recueil de miracles (miracula) opérés par la vertu des reliques de la Vierge, patronne de cette église. Ces pages témoignent de la foi vive qui animait à cette époque les populations vaudoises, foi fervente encore au xvi* siècle, quand les armes bernoises implantèrent de force la réformation dans ces contrées.

Le Cartulaire de Lausanne a, on le voit, une grande importance pour l'histoire de la Suisse Romande: l'histoire ecclésiastique de France y puisera elle-même d'utiles renseignements. Dans le principe, l'église de Lausanne était de la dépendance du métropolitain de Lyon; elle passa ensuite sous celle de l'archevêque de Besançon; changement attribué au partage qui donna la petite Bourgogne au roi d'Austrasie. Non-seulement plusieurs archevêques de Besançon, mais encore des évêques de Langres, de Troyes, figurent dans le Cartulaire. Accordons à quelques faits une mention spéciale. Hugo, fils de Rodolphe IH, évêque de Lausanne, assembla en 1035, à Montrioud, près de Lausanne, les évêques de Vienne et de Besançon, et institua la Trêve de Dieu (p. 38). Girard de Rougemont, en Bourgogne, doyen de Saint-Jean, à Besançon, fut nommé en 1220 évêque de Lausanne, puis archevêque de Besançon. Les évêques de Troyes et de Langres, chargés par le pape de l'examen de l'affaire, lui accordèrent, à Ferté-sur-Aube, la faculté de renoncer à l'épiscopat de Lausanne (p. 47). - Saint Boniface, nommé évêque de Lausanne en 1230, avait enseigné les arts libéraux et la théologie à l'Université de Paris (p. 49). Enfin Conon d'Estavayer, se trouvant à Paris

(1) Les domaines et flefs dépendant de la mense épiscopale et dont l'évêque était seigneur temporel, sont l'objet d'un recueil particulier, rédigé au xive siècle, sous le titre de Liber feudoram, qui se trouve dans les archives de Lausanne.

en 1233, assista aux funérailles de Philippe-Auguste. Il nous transmet, dans son Cartulaire, des détails très-curieux sur la cérémonie et le testament du roi; détails qui, dit-il, lui avaient été communiqués par des personnes éminentes de la cour de France, avec lesquelles il entretenait, à ce qu'il paraît, des relations assez intimes. Cette page d'histoire nationale est écrite en latin (1).

Le Cartulaire de Lausanne est précédé d'une excellente introduction de M. de Gingino-la-Sarraz; d'un sommaire chronologique de M. Forel (2). M. Martignier a fait la liste des noms modernes du Pouillé. Une carte topographique et ecclésiastique du diocèse et un fac-simile du Cartulaire complètent cet ouvrage, dont l'exécution laisse peu à désirer.

En terminant ce rapport, qu'il nous soit permis d'exprimer un désir : c'est que les sociétés d'histoire suisse suivent l'exemple de leur sœur Romande, et que les gouvernements, à l'imitation de celui de Vaud, favorisent la publication des recueils diplomatiques.

X. KOHLEB, membre correspondant de la classe.

FOUILLES DE LA VOIE APPIENNE.

Les fouilles que le gouvernement de Rome avait entreprises sur la voie Appienne, au mois de décembre 1850, ont été tout-à-coup suspendues au mois de mai dernier.

L'Album, journal de Rome (no 29, 1851), dans un rapport signé Agostino Jacobini, donne des détails fort étendus sur le succès qu'on avait obtenu dans cette entreprise en faisant la description des monuments qu'on a découverts; on a même reproduit dans cette feuille plusieurs inscriptions qu'on a trouvées au pied des monuments, et enfin on en a donné une idée par une vignette représentant la vue de la voie Appienne avec une partie des tombeaux mis à découvert.

Nous avons cru devoir donner dans notre journal une courte analyse de ce rapport, dans l'intérêt de l'art et de l'archéologie.

La voie Appienne était, parmi toutes, comme on le sait, la voie la plus belle par les monuments de toute nature dont elle était ornée sous la République et sous l'Empire. De riches palais, des portiques, des villas grandioses, des temples somptueux avaient déjà disparu depuis des siècles par la main des barbares étrangers et par la convoitise des nationaux. On ne voyait sur cette terre, qui cachait des trésors de l'art gréco-romain, que quelques restes de tombeaux recouverts de lierre, et les troupeaux qui venaient y brouter l'herbe. L'entreprise des fouilles de la voie Appienne ne peut surprendre personne; ce qui surprend tout,

(1) Nous ne reproduisons pas le texte du Cartulaire de Lausanne (p. 484), il faudrait signaler les erreurs que contient la liste des rois : « Les erreurs que présente le Cartulaire, dit M. D. Gingino, portent principalement sur les dates ou sur des faits étrangers au diocèse de Lausanne, et qui remontent à des époques reculées et assez obscures. (Introd., p. xu.)

(2) Nous devons à M. Fore! la publication des Documents et statuts de l'évêché de Lausanne. M. H. Bordier a rendu compte de cet ouvrage dans la bibl. de l'Ecole des Chartes, t. iv, p. 431.

le monde, c'est qu'on ait attendu des siècles pour la réaliser, surtout depuis la découverte des tombeaux des Scipions et de ceux de la famille de Sextus Pompée. Quoi qu'il en soit, c'est sur ces précédents que le ministre du commerce et des travaux publics, M. C. Jacobini, s'est appuyé pour faire faire les fouilles après en avoir obtenu l'approbation du Pape.

On a commencé ces travaux à partir du quatrième mille de la porte Capène (Saint-Sébastien), en les suivant dans la direction d'Albano; on a creusé le terrain d'une profondeur d'un mètre et demi pour trouver le plan de l'ancienne voie. La largeur de la zone creusée est de vingt-deux mètres, étendue qu'on a jugée suffisante pour pouvoir découvrir les monuments qui bordaient la voie. La longueur des fouilles qu'on a exécutées n'est que de trois kilomètres ou deux milles; on a trouvé partout le plan de l'ancienne voie constaté par ses anciens trottoirs et par son admirable dallage à grands polygones de silex bien joints sur une base très-solide. On a trouvé de temps en temps des vides dans le dallage; les morceaux qui manquent ont été enlevés par les barbares du pays armés de leviers et de masses. La quantité des monuments découverts se monte à l'incroyable chifre de quatre cents.

Les diverses manières qu'on a employées pour ériger ces monuments destinés soit à l'enterrement des cadavres, soit à la conservation des cendres dans les urnes ; les différentes dispositions des matériaux employés dans ces constructions; la perfection des moulures architectoniques et la beauté des sculptures ; les pierres employées à cet effet; la variété des paléographies et des formules dans les inscriptions lapidaires, viennent enfin nous prouver que tous les monuments découverts ont été érigés successivement et pêle-mêle à toutes les époques, depuis le commencement de l'ère républicaine jusqu'à la fin de l'empire d'Occident. Leurs formes sont à peu près les mêmes qu'on observe dans tous les monuments du même genre sur les autres voies, c'est-à-dire qu'elles sont tantôt pyramidales; tantôt carrées, ou circulaires; des petits temples; des autels, etc. Il y a des tombeaux qui ont un seul ordre, d'autres en ont deux et quelquefois trois y compris la chambre souterraine. Plusieurs ont été élevés à la mémoire d'un seul; la plupart servent à contenir les dépouilles de familles entières. On a trouvé dans quelques-uns des sarcophages et dans d'autres des urnes cinéraires. Il est facile de reconnaître les tombeaux qui appartiennent à la première époque; on remarque des chapiteaux, de belles moulures au pied des soubassements; des fragments d'entablement, et d'autres ornements exécutés en pierres d'Albano et de Tivoli; on distingue entre autres une superbe frise en pierre d'Albano représentant des enfants soutenus par des festons de fleurs et de fruits avec des patères ayant sur leur face une tête de Méduse, et sur leurs parties latérales des ornements de feuillage et de pavots. C'est un travail aussi remarquable par le dessin et l'exécution, que par la conception du sujet mythique qui donne matière à diverses interprétations. Ce morceau de sculpture rappelle au souvenir des artistes les belles rosaces et les triglyphes du sarcophage de Scipion Barbatus, qui nous a

fait connaître le degré auquel étaient parvenus les beaux-arts vers la fin du ve siècle de Rome; mais les fouilles actuelles nous ont fourni des sculptures bien plus antiques que celles dont nous venons de parler, quoiqu'elles leur soient inférieures comme dessin et comme exécution. On remarque un fronton en pierre de Tivoli, trouvé à sa place, appartenant à la même époque, d'une égale beauté de style, avec ses antéfixes, ses chapiteaux d'ordre corinthien, ses soubassements d'un beau galbe; on admire, entre autres choses, le plafond d'une cellule ayant une grande rosace au milieu et d'autres plus petites dans les triangles formés par le rhombe inscrit dans le rectangle.

Nous avons dit comment il est facile de reconnaître les monuments des temps républicains par l'emploi des modestes pierres locales qui ont servi à les construire. Ceux des temps postérieurs ont brillé par les plus beaux marbres de la Grèce. Entre les monuments qui existaient déjà et ceux que l'on vient de découvrir, la différence du style de leur construction et de leur décoration fait distinguer trois époques différentes, c'est-à-dire les derniers temps de la République, le règne d'Auguste, et la décadence. On a trouvé, au milieu des ornements de marbre, un couronnement appartenant à un édifice assez élevé, fort bien sculpté, et on espère que les fragments qui en font partie permettront d'en faire une fidèle restauration. On a découvert parmi tant d'autres un tombeau circulaire dont les admirables fragments en marbre grec permettront d'apprécier la décoration par les morceaux qu'on a réunis de la frise ornée de griffons et de vases; par son architrave et par d'autres fragments.

La restauration de ce monument pourrait servir de modèle à tous ceux qui appartiennent au même genre d'architecture pour leur rendre leur forme primitive. On remarque encore un autre tombeau circulaire semblable à celui dont nous venons de faire meution, par ses fragments d'un travail exquis, tels que la frise ornée de têtes de victimes, de festons en feuillage de laurier, de diverses parties de corniche, et des fragments de la porte en marbre. Cet édifice, s'il était restauré, serait d'une grande utilité pour l'art, à la grande satisfaction des artistes. Nous ne nous arrêterous pas sur les autres monuments d'un style inférieur, mais qui ne sont pas moins précieux pour l'histoire des beaux-arts en général, et pour l'archéologie en particulier.

Nous allons mentionner, avant de finir, quelques objets appartenant à la statuaire qui faisait l'ornement des tombeaux. Parmi les statues qu'on a déterrées, on admire celle qui représente le portrait de Pompea Atzia, jeune femme de T. Didius Euprepe; son nom était placé à sa base. Cette statue portrait est en marbre gree de grandeur naturelle; le nu et les contours sont exécutés avec une grâce et une souplesse admirables; ses draperies légères sont naturellement et richement disposées; cette œuvre, qui est la perfection de la sculpture du temps d'Auguste, est destinée à prendre place au milieu des chefs-d'œuvre qui ornent le musée du Vatican. On laissera les autres statues, et les bustes ainsi que les bas-reliefs à leur place; plusieurs de ces derniers sont parfaitement conservés,

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ayant les uns trois figures, les autres cinq d'une bonne exécution. On a mis à découvert une quantité de portraits de hauts personnages avec leurs inscriptions; le buste d'une prêtresse d'Isis, des autels de style grec avec des figures latérales, des ossuaires, des urnes de marbre, etc. Les inscriptions nombreuses que l'on a trouvées seront d'une grande utilité pour la paléographie, de même que la différence du style des monuments servira à bien caractériser les époques de l'art, ainsi que nous l'avons dit, depuis le commencement de la République jusqu'à la décadence à la fin de l'empire d'Occident. Les fouilles de la voie Appienne ont été riches en résultats heureux; on s'est arrêté à la découverte de l'entrée de la villa des Quintilius, dont l'escalier est conservé en entier sur sa base et à sa place; on a trouvé à côté, au milieu des colonnes renversées, un nymphée bien conservé et supérieur à tous ceux que l'on connaît jusqu'à ce jour. Si on poursuivait les fouilles, on découvrirait peut-être d'autres monuments remarquables tels que les tombeaux dont on a tant parlé, des Collatin, des Métellus, des Servilius, etc.

On a parlé bien souvent des jardins magnifiques du riche Sénèque, de ceux plus modestes de Térence, de la villa de Maxentius, du temple d'Hercule, du tombeau des Horaces et des Curiaces et du champ où eut lieu leur fameux combat, aux fosses Clélies, etc.; mais on n'a encore rien trouvé, et, s'il est permis de faire des conjectures, les fouilles de la voie Appienne peuvent bien nous faire espérer la découverte de quelques-uns de ces trésors de l'art antique.

En attendant, on doit s'occuper, dit-on, de restaurer tous les monuments qui existent sur la voie Appienne en remettant à leur place les fragments qui leur appartiennent et les épitaphes qui en ont été détachées. On verra beaucoup de ces monuments dans leur forme primitive soit carrée, soit circulaire, avec leurs édicules, et leurs grands autels ornés de statues, de bustes, de bas-reliefs, de cippes, etc. Les uns auront leurs anciennes inscriptions, d'autres, à la manière des Étrusques (circulaire) s'élèveront avec le tumulus au-dessus planté d'arbres.

Après qu'on aura terminé les fouilles, qui auront une longueur de onze milles, à partir de la porte Capène jusqu'à l'ancienne Boville, près le mont Albano, on rétablira les anciennes pierres milliaires, et la voie Appienne présentera aux spectateurs, autant que possible, une image assez complète de son ancienne grandeur et de sa beauté. Toujours est-il que la restauration des monuments élevés sur la voie Appienne dans une si grande étendue formera une espèce de musée unique qui pourra être utile aux études des beaux-arts, de l'histoire et de l'archéologie, études qui auront pour base trois époques bien distinctes qui se seront succédé dans la période de dix siècles. On pourra apprécier l'art dans ses formes modestes au commencement de la République, son développement et sa grandeur entre la fin de la République et le règne d'Auguste, sa décadence à la fin de l'empire d'Occident. Cette dernière époque fournira aux hommes sérieux des enseignements qui ne seront pas perdus.

RENZI, membre de la 1r classe.

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