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l'eau à boire. C'est partout qu'on retrouve la tendance au monopole, coutume vexatoire sans doute: c'est une image renversée de l'harmonie où le gouvernement régit tout le commerce, et où les phalanges ne souffriraient pas qu'aucun individu commerçât pour son compte. Mais le monopole général qu'exerce un gouvernement harmonien, présente aux administrés des garanties plus complètes encore que celle du système monétaire actuel qui est vœu des peuples, quoique monopole; car personne, excepté ies fraudeurs, ne voudrait que la monnaie fût livrée à la libre concurrence, et qu'on eût dans un empire mille monnaies de faux titres, pour l'honneur des libertés du commerce, qui sont autant de chaînes imposées au producteur et au consommateur.

Les monopoles seraient donc tous utiles, s'ils pouvaient être organisés comme celui de la monnaie, en régie fiscale contrebalancée. Dès lors la tendance au monopole général est un bien, sauf invention du régime des contre-poids; la nature doit donner ce penchant à tous les gouvernements, puisqu'il est leur destin : il est la fonction principale qui leur est réservée en harmonie. Ce penchant se manifeste par des lueurs de monopole, comme celui des tabacs; ces monopoles partiels et dénués de contre-poids sont assurément vexatoires et, par cette raison, images renversées du régime d'harmonie, qui emploierait au bien général un procédé employé aujourd'hui à des vexations partielles.

Ainsi que je l'ai fait pour les divers ordres de caractères, j'ajoute ici, sur les récurrents subversifs, une liste de douze non définis. Il serait inutile de donner des listes plus étendues, puisque chacun des caractères a besoin d'un paragraphe ou d'un chapitre de définition.

1. Bacchanales joyeuses.

2. Excès périodiques du peuple.

3. Récréations, fêtes et vacances.

4. Mendicité spéculative.

5: Polygamie secrète.

6. Prostitution publique et secrète.

7. Sérails où ils sont tolérés.

8. Exposition des enfants, si on la tolère.

9. Loteries et monopoles de vice.

10. Luttes sans cause, gavots et dévorants.

11. Joug des préjugés secoué par la classe haute.
12. Anoblissement du service domestique royal.

. Inertie nobiliaire.

On ne comprendra point, sans commentaire, en quel sens chacun de ces caractères tient au genre dit récurrent subversif; j'en vais donner, sur trois seulement, une légère idée.

1° Bacchanales joyeuses. D'où vient ce penchant du peuple à causer du dégât, se livrer au désordre dans ses divertissements? Les enfants surtout sont sujets à cette manie de ravage, quand ils se mettent en gaité. L'âge adolescent, dans la classe opulente, se livre aux mêmes folies: on ne verra guères un repas de Provençaux ou de Languedociens se terminer sans qu'on brise les vaisselles (si c'est en local libre, ou chez un traiteur). Cet effet de passion est un essor d'amitié qui conduit à l'opposé du but, car le premier but des passions est le LUXE; or ce dégât inutile ne produit que l'appauvrissement; c'est un effort de passion com primée qui fait éruption violente et va à son but, à l'enthousiasme, par les voies du mal, faute de pouvoir assouvir sa fougue cabalistique sur une industrie attrayante qu'on trouverait a chaque pas dans le mécanisme des Séries passionnées.

20 Excès périodiques du peuple, tels que les orgies du dimanche et du carnaval, où il consume le fruit de ses travaux: :: il est donc bien malheureux les autres jours! Voit-on la classe opulente se livrer à ces excès ? Non, parce qu'elle a chaque jour l'abondance dont le peuple cherche une ombre dans ses folies ruineuses du dimanche et du lundi.

3o Récréations, fêtes et vacances. On est donc bien ennuyé aux jours et heures de travail, si l'on a besoin de ne rien faire pour être heureux ! Les harmoniens ne sauront pas ce que c'est que récréation; et pourtant ils travailleront beaucoup plus que nous, mais par attraction. Les séances de travail seront pour eux ce qu'est l'affluence de fêtes pour les sybarites parisiens, qui ne sont en peine que du choix des spectacles, des festins, des bals, des maîtresses, etc.

Ce sont là trois effets vicieux où la fougue amicale, manie d'insouciance et de joie collective, marche à son but par des voies improductives ou nuisibles. Il eût fallu classer tous les jeux de passions qui tiennent à cet ordre; plus le tableau en serait nombreux, plus on sentirait la nécessité d'inventer un ordre de choses propre à ramener la passion dans les voies d'utilité, lui donner un plein développement, un essor fougueux dans l'exercice de l'industrie productive. Cet effet n'a lieu que dans les Séries passionnées.

D'après l'examen de cet ordre de caractères nommés récurrents ou répercutés, on peut apprécier l'impéritie des moralistes qui veulent réprimer les passions. Qu'en arrive-t-il? Entravées sur un point, elles font éruption sur un autre ; elles vont à leur but par les voies désastreuses, au lieu d'y aller par les voies bienfaisantes. C'est pour le corps social double dommage, perte du produit qu'aurait donné la passion appliquée à l'industrie, et perte des frais de répression et de châtiment qu'il faut opposer à la passion égarée dans les voies du mal. Si la belle France ne commettait pas chaque année 120,000 crimes à procès, elle aurait le double bénéfice d'employer utilement les tribunaux, les gendarmes qui poursuivent les criminels, et d'utiliser de même des hommes que la compression a poussés au crime.

Les moralistes répondent: il faut aimer la vertu et l'industrie. On peut leur dire : sachez les rendre aimables, elles ne peuvent plaire à l'homme que par entremise des séries passionnées ; sachez donc organiser cet ordre, maintenant qu'on vous évite la peine de l'inventer. Mais tant que durera le régime d'industrie morcelée et répugnante, c'est en vain qu'on opposera aux passions les oracles de Diogène et Mirabeau; elles marchent à leur but per fas et nefas. Dieu a placé dans nos âmes 12 aiguillons de mouvement qui nous pousseront au but, en dépit des leçons de Mirabeau et Diogène. Il serait bientôt temps que la philosophie s'occupât à étudier les ressorts du mouvement, leurs propriétés, leur tendance leur vou, au lieu de perdre sottement des siècles à la tentative chimérique de réprimer les passions.

Mais pour découvrir l'art de les développer en harmonie, il eût fallu se résoudre à des travaux d'analyse et de synthèse que la philososophie recommande et ne veut pas pratiquer. Elle badine les prédicateurs en leur appliquant cette devise: Faites ce que je vous dis, et non pas ce que je fais; devise bien plus applicable aux philosophes, car on n'a jamais pu obtenir d'eux aucune observance de leurs principes, ni en théorie où ils s'opiniâtrent à repousser toute analyse et synthèse des passions et de leurs caractères, ni en pratique où ils nous prêchent l'amour de la modération et de la médiocrité. Eh! s'ils avaient quelque penchant pour la modération et la médiocrité, ils n'auraient pas amoncelé cette immense quantité de systèmes, cet océan de controverse qui est si fort au-dessus du médiocre par l'infinité des volumes, et si fort au-dessous du médiocre par l'infinité des contradictions.

CHAPITRE XLVII.

Caractères de rétrogradation greffée.

Un parti, effrayé des abus de la fausse liberté, croit prudent de revenir aux us et coutumes du 10° siècle, à la féodalité nobiliaire, aux superstitions obscurantes, etc.; mais retrouvera-t-il un peuple et une bourgeoisie tels qu'au 10° siècle ? Non assurément; et ce ne sera, ni en une génération, ni en deux, qu'il changera les mœurs actuelles. Il veut donc greffer les usages du 40e siècle sur ceux du 19e, greffer la 4 phase de civilisation sur la 3e qui conservera bien ses mœurs et propriétés, car certains ressorts tout-puissants tels que le commerce et la finance, ne céderont pas et entraineront tel parti qui croira les maîtriser.

D'autre part, les champions de vol sublime, les libéraux, sont encore une classe de rétrogradateurs, fouillant dans les oripeaux d'Athènes et de Rome pour remettre en scène de vieilles charlataneries, de faux droits de l'homme (Avant-Propos), et greffer sur le 19e siècle des illusions qui ramènent la civilisation de 3o en 2e phase, en mixte des deux phases.

Ainsi chacun des deux partis rétrograde à sa manière, l'un pour le bien des ténèbres, l'autre pour le bien des lumières. Quel sera le plus sage des deux ? Celui qui s'emparera du rôle que ses rivaux ne savent pas prendre, avancer et non pas rétrograder. Or, pour avancer, il faut au moins s'élever en 4o phase de civilisation (chap. 49). Si la caste nobiliaire adoptait ce parti trèsavantageux pour elle, dans quel discrédit tomberaient les libéraux, quand ils seraient convaincus de cette marche rétrograde qu'ils dénoncent.

On convertirait à la fois les deux partis, on les réconcilierait en organisant cette 4e phase de civilisation qui, sans être heureuse, présente déjà des côtés avantageux, comme d'extirper et prévenir la mendicité, assurer constamment du travail au peuple, four nir un fonds suffisant pour la prompte extinction des dettes publiques, restaurer les forêts et les routes, etc.

Ces perspectives doivent être flatteuses pour des hommes qui ne veulent pas entendre à l'idée de sortir de la civilisation. Cependant elles ne sont encore qu'un abîme social, en comparaison des biens qu'on obtiendrait en s'élevant un peu plus haut, à l'em

bigu de garantisme. Cette 4e phase civilisée confondrait les 2 partis, dont l'un ne pourrait plus titrer de sagesse la sotte politique de rétrogradation, quand on verrait le bien naître d'un progrès réel; l'autre ne pourrait plus vanter son vol sublime, quand il serait évident que ses méthodes ramèneraient la civilisation au mixte de 3 et 2 phase, au lieu de la pousser en 4 phase d'où elle s'élèverait assez facilement au garantisme.

Quant à la 3e phase, où nous sommes, elle est une impasse ou cul-de-sac social, d'où l'esprit humain ne sait plus sortir; il s'y escrime en systèmes qui n'aboutissent qu'à empirer tous les fléaux: c'est l'emblème de Sisyphe gravissant avec son rocher, et retombant sans jamais atteindre le but. Nous sommes au contraire, sur divers points, dans une rétrogradation évidente causée par la chimère de gouvernement représentatif qui introduit une foule de caractères vicieux; par exemple :

1. Faire payer à une nation le prix de la corruption de ses représentants. Abus inévitable dans un grand empire où le gouvernement dispose d'un budget énorme qu'il n'avait pas dans la petite république d'Athènes. Ce régime engendre tant d'abus qu'on a vu des chefs mêmes du libéralisme déclarer que le gouvernement représentatif n'est pas convenable pour les Français. (Benj. Constant).

En le réprouvant, je suis loin de me déclarer partisan de l'absolutisme; il ne peut convenir qu'à ceux qui l'exercent; je veux seulement dire que les bienfaits qu'on espère follement du système représentatif ne peuvent naître que du progrès réel ou passage en 4o phase de civilisation, en ambigu de garantisme, et aux phases de garantisme. Ce progrès réel aurait la belle propriété de satisfaire toutes les classes qui, aujourd'hui, alarmées du faux progrès, effrayées du système d'où on a vu éclore les Marat et les Babœuf, s'engageront dans les mesures les plus folles, plutôt que de se concilier avec le libéralisme. De là naissent divers caractères des plus désastreux à accoler au précédent.

2. L'effarouchement des cours, devenues déraisonnables par la frayeur que leur inspire le faux libéralisme.

3. Le pis-aller de ces mêmes cours qui cherchent un appui chez les ennemis de leur indépendance.

4. Le supplice des dupes, des Espagnols, Portugais, Napolitains et Piémontais, envoyés à l'échafaud.

5. La discorde entre les diverses classes de citoyens, par suite des brigues électorales.

6. L'accroissement de dépenses fiscales causées par cette lutte des gouvernements contre les peuples.

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